• Le Dictionnaire de l'Académie Française, dans sa neuvième édition, qui est la plus récente, donne deux définitions du mot « médiocrité ».

    La première définition s'appuie sur l'étymologie. Le mot français est emprunté au latin mediocritas, qui désigne l'état moyen, le juste milieu. Par conséquent, dans un premier temps, la médiocrité est l'état de ce qui se situe dans la moyenne, de ce qui tient le milieu entre deux extrêmes.

    C'est dans ce sens qu'Anatole France a écrit dans son ouvrage La Vie en fleur, paru en 1922, la phrase suivante : « Il faut souhaiter aux êtres qu'on aime la médiocrité de la condition, toutes les médiocrités. »

    Le glissement sémantique a donné lieu à un autre usage, souvent dans un contexte péjoratif. Toujours d'après le Dictionnaire de l'Académie Française, le mot médiocrité finit par signifier l'insuffisance en ce qui regarde l'esprit, le mérite ou le cœur. C'est avec ce sens que Stendhal a écrit dans son roman Lucien Leuwen, paru en 1836, ceci : « Heureux qui bat la campagne par l'effet d'une passion ! et mille fois heureux qui déraisonne par amour, dans ce siècle où l'on ne déraisonne que par impuissance et médiocrité d'esprit ! »

    Ce qui est juste moyen n'est pas exaltant.

    Ce qui est insuffisant déçoit.

    C'est pourquoi chez ceux qui recherchent le beau, le transcendant, le sublime, il y a le refus de la médiocrité.

    Depuis l'Antiquité, l'esprit grec a toujours refusé la médiocrité.

    Les Grecs savent s'élever au-dessus de ce qui est moyen, ordinaire, quelconque. Ils savent s'élever haut, très haut, déjà physiquement, en tirant parti de l'altitude, en faisant de l'escarpement un précieux allié.

    Regardez donc :

     

    Le refus de la médiocrité

     

    Ce magnifique bougainvillier ne semble pas provenir de la terre. Il donne l'impression de jaillir de l'espace éthéré. Il surplombe les toits. Il toise la mer d'en haut. Vers l'horizon, trois voiliers relèvent leurs museaux blancs, pleins d'admiration pour la féerie de cette inflorescence qui marie des bractées pourpres et blanches.

    Le bougainvillier fête la verticalité :

     

    Le refus de la médiocrité

     

    Il s'élève fièrement du sentier, escalade allègrement les façades et se répand généreusement dans l'azur.

    Il apporte au balcon qui donne sur la mer de la gaieté, de l'élégance, du magnétisme.

    C'est le balcon sur Spetsai ?

    Non. C'est le balcon sur Poros.

    Le balcon sur Spetsai est beau. Le balcon sur Poros est plus que beau : il est fa-bu-leux !

    Oui, il dépasse l'imagination !

    Le balcon sur Poros est polymorphe. Et bien sûr, polychrome.

    Voici le coin du bleu adulé :

     

    Le refus de la médiocrité

     

    Le spectacle d'une telle profusion est vraiment fascinant. Surtout quand la multitude de ces pétales bleutés fait venir l'image de la prospérité, de la douceur et du bonheur. C'est le comble de l'émerveillement, car cette vision est offerte au-dessus de la mer, au-dessus des toits, au-dessus de toute attente.

    Le balcon sur Poros est aérien, raffiné, généreux.

    Topographiquement et artistiquement, il refuse la médiocrité.

    Il n'est pas inintéressant de remarquer que l'immense bouquet franchit le mur blanc pour se déverser sur les marches de l'escalier du randonneur. La salutation et l'accueil qui sont ainsi symbolisés, n'ont rien de médiocres.

    Qu'y a-t-il derrière le mur blanc ? Il y a ceci :

     

    Le refus de la médiocrité

     

    Un balcon au sens architectural. Une terrasse lumineuse. Un merveilleux tremplin pour l'envol de l'esprit, loin, loin de la médiocrité.

    L'escarpement, qui pourrait être source de craintes pour beaucoup, devient motif de triomphe et sujet de fierté pour les Grecs.

    Nous adhérons de tout cœur à l'optique grecque.

    Physiquement, comme les Grecs, nous commençons par donner à notre corps de l'élévation, afin d'échapper à la médiocrité.

    C'est pourquoi nous allons au sommet de l'île, vers la Tour de l'Horloge, pour chercher notre inspiration.

     

    Le refus de la médiocrité

     

    Point de médiocrité pour le regard, point de médiocrité pour la pensée.

    Le privilège de l'altitude est un beau cadeau des divinités.

    Le ciel est limpide. La lumière, radieuse. La mer, calme, très calme. Le Zeph, sage, très sage au mouillage qui s'étend vers la droite de la photo.

    Le balcon sur la mer est un avantage offert par la géologie. Mais le relief local, sans la contribution de l'esthète, peut encore souffrir de la médiocrité. D'où la primauté de l'art.

    De quel art s'agit-il ? Du premier des arts, chronologiquement. De l'art qui a vu le jour dès l’Éden.

    Les maisons qui n'ont qu'un regard indirect vers la mer sont bien conscientes de ce supplément d'âme qu'apporte l'art du jardin.

    Voici une solution proposée à Poros :

     

    Le refus de la médiocrité

     

    En bas de l'escalier, des plantes vertes sont prêtes pour souhaiter la bienvenue, avant la montée des marches.

    En haut de l'escalier, d'autres plantes vertes saluent la fin de l'ascension.

    Et qu'y a-t-il entre les deux moments ? Un accompagnement fort astucieux.

    Le long du mur blanc, sont accrochés des panneaux de terre cuite, qui sont des tableaux de floraison. Voici l'un d'eux :

     

    Le refus de la médiocrité

     

    On y voit des fleurs qui ne se fanent pas, des feuilles qui ne se dessèchent pas, des tiges qui sont toujours remplies de sève.

    Belle astuce pour soustraire la végétation d'un sort médiocre, pour l'élever à une condition intemporelle, à une sorte d'incorruptibilité.

    L'art a ce pouvoir de transfigurer, qui fait d'une altitude une montée vers ce qui est beau et noble, pour toujours.

    L'art est inséparable du balcon sur Poros. Même pour des gens peu fortunés ? Même pour des gens peu fortunés !

    Quelque soit la direction du regard, le balcon sur Poros reflète un souci permanent de l'esthétique.

    Tenez, que voyez-vous là ?

     

    Le refus de la médiocrité

     

    Un laurier rose, cerclé de blanc à la base. Et un gigantesque bac à fleurs, avec des parois bleues et des plantes grasses au sommet.

    En êtes-vous sûr ?

    Regardez une deuxième fois :

     

    Le refus de la médiocrité

     

    Les parois bleues ne sont qu'un paravent pour cacher des poubelles vertes, dont les couvercles bombés sont dissimulés par les plantes grasses.

    La municipalité de Poros a voulu que même la collecte des ordures doive échapper à la médiocrité. Élégance du dispositif pratique, de la gestion sanitaire, de la pensée conceptrice.

    Qu'est qui a fait éclore cette élégance comme antidote à la médiocrité ?

    L'art du jardin.

    Tirer parti de l'escarpement pour s'élever très haut au-dessus de la moyenne.

    Solliciter l'art pour s'affranchir joliment de la médiocrité.

    Mais le domaine où la victoire sur la médiocrité est la plus émouvante n'est pas celui de la topographie, ni celui de l'esthétique, mais celui de l'éthique.

    Nous sommes à Poros pour trouver un nouveau chantier naval qui sera pour le Zeph un abri fiable pendant le prochain hiver.

    Le chantier ΚΑΛΥΠΣΩ, situé sur la rive d'en face, à Γαλατάς – ΓΑΛΑΤΑΣ, a retenu notre attention. Mais au moment de notre première visite, d'importants travaux d'aménagement étaient encore en attente, surtout par rapport au tirant d'eau.

    Nous voilà de retour, trois mois après, pour un nouvel état des lieux.

    Cette fois-ci, le Zeph est au mouillage dans la baie de Poros.

     

    Le refus de la médiocrité

     

    Sur la photo, le chantier naval se trouve à la base de la montagne rose. Légèrement à droite de la verticale qui passe par le sommet du cône, on peut distinguer un point blanc. C'est l'entrée du chantier, côté mer. À gauche du point blanc, s'amorce une rangée de verdure, qui laisse apparaître la silhouette ténue et blanchâtre des mâts.

    Nous voici parvenus au chantier naval, grâce à l'annexe que l'on voit attachée au ponton pour l'accostage :

     

    Le refus de la médiocrité

     

    Derrière nous, c'était la sortie de la baie de Poros.

    Nous avons constaté que les travaux attendus avaient beaucoup progressé.

    Le courage de notre hôte nous a fortement émus.

    De nouveau, nous succombions sous le charme du cadre homérique qui tendait les bras au Zeph.

    Nous avons alors décidé d'accorder notre confiance au chef des travaux, qui était aussi l'administrateur et le trésorier du chantier naval.

    Notre décision nous a remplis d'une grande joie, celle d'avoir épargné à notre jugement la médiocrité.

    Nourrir le doute aurait été une attitude médiocre.

    Se montrer encourageant, c'était s'élever au-dessus de la médiocrité.

    Nous avons fêté notre bonheur d'avoir dit non à la médiocrité.

     

    Le refus de la médiocrité

     

    L'effervescence champenoise confirmait que nous avions fait le bon choix.

     

    Le refus de la médiocrité

     

    Nous ne voulions pas que la dégustation soit médiocre. C'est pourquoi le champagne avait un accompagnement, qui se trouvait au premier plan, sur la photo.

     

    Le refus de la médiocrité

     

    Nous avons construit le festin de Poros sur une synergie entre le champagne et un produit de la mer, câliné par du gingembre, du curcuma et de l'anis.

    Au cours de notre balade sur les hauteurs de Poros, nous avons vu des grappes de ballons, qui attendaient leur envol.

     

    Le refus de la médiocrité

     

    Les ballons étaient de couleur rose. Sur chacun d'eux, était écrit en lettres blanches : Ζωή (en français : Vie)

    Quelle agréable surprise !

    La vie en rose, chantée par la Môme Piaf, a trouvé, à Poros, sur ce parvis du bonheur, un charmant moyen pour que nous participions à son envol, loin de la médiocrité.

    L'avarice est une forme de médiocrité.

    Ne soyons pas avares de gestes qui élèvent l'esprit et anoblissent l'âme !

     


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