• On avait besoin de lui. Mais il était introuvable.

    On avait besoin de son regard, de son jugement, de ses conseils.

    On avait besoin qu'il nous dise pourquoi des coulées blanchâtres s'étaient figées sur la panse métallique de l'échangeur d'eau de mer dans le circuit du moteur. On avait besoin qu'il nous dise si c'était grave. Et si, effectivement, c'était grave, quel en serait le degré de gravité.

    Finalement, il est venu, grâce à la communication entre le Zeph et l'un de ses voisins à Πύλος – ΠΥΛΟΣ.

    Voici le Zeph à Πύλος – ΠΥΛΟΣ, avec le drapeau français, la référence OCÉANIS 393 et un semblant d'éolienne :

     

    Le refus de l'incommunicabilité

     

    Sur le flanc gauche, en hauteur, une coque bleue et blanche, était en train de faire sa toilette. L'eau de lavage rejoignait le sol après avoir laissé scintiller dans l'air maintes gouttelettes.

    C'était un Bavaria de quarante-deux pieds.

    Plusieurs jeunes silhouettes montaient et descendaient l'échelle posée à l'arrière. Des sonorités germaniques s'échappaient de leurs bouches.

    Le capitaine du Zeph, toujours très doué pour nouer du lien social, a eu l'heureuse idée de s'intéresser à ce qui se passait à bâbord du Zeph, même si c'était en hauteur.

    C'est ainsi que nous avons appris que le propriétaire du Bavaria était un Allemand, marié à une Grecque. L'Allemand se faisait appelé « Dimitri », qui était la prononciation de Δημήτρη – ΔΗΜΗΤΡΗ dans la langue de son épouse.

    Le Bavaria était en vente. Mais en attendant qu'un acquéreur se présente, la coque avait accumulé de l'eau à l'avant, parce qu'elle était mal calée sur son ber.

    Le ton de la confidence témoignait que la superficialité était absente de la communication établie par le capitaine du Zeph.

    L'Allemand, devenu presque grec par le prénom, s'est comporté comme un véritable Grec en proposant à son interlocuteur sympathique et attentionné une aide amicale, pour n'importe quel problème technique.

    Quelle aubaine !

    Sans hésiter, le capitaine du Zeph a dit à notre charmant voisin que nous étions à la recherche d'un mécanicien qui pourrait nous éclairer sur les coulées blanchâtres qui étaient apparues à l'extérieur de l'échangeur.

    Notre voisin, heureux de rendre service, nous a alors recommandé le mécanicien qui s'occupait du Bavaria, non sans ajouter que l'homme intervenait aussi sur les bateaux des gardes-côtes et que ceux-ci en étaient très satisfaits.

    Le mécanicien se prénommait Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ (en français : Michel).

    Depuis cet instant, nous n'avions plus qu'une idée en tête : rencontrer Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ.

    Notre impatience était grande, très grande, à cause de la renommée qu'il s'était forgée auprès des autorités portuaires.

    La photo ci-dessus a été faite l'après-midi même où nous avons entendu parler, pour la première fois, de Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ.

    Dans notre euphorie, nous avons cru comprendre que Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ nous serait présenté le lendemain, en début d'après-midi. Nous l'avons attendu pendant tout l'après-midi, en vain. Au coucher de soleil, nous avons abandonné nos postes de guetteurs et nous sommes allés chercher du ravitaillement du côté de l'aqueduc.

    Quand nous étions de retour au port avec notre chariot de provisions, nous avons vu une voiture jaune émerger de l'obscurité et venir dans notre direction.

    Tout de suite, le capitaine du Zeph a dit que c'était Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ qui était au volant. L'intuition était juste, magnifiquement juste !

    Sans perdre un instant, le capitaine a sollicité l'aide du mécanicien providentiel.

    Depuis la veille, nous voulions absolument que ce soit Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ qui ausculte l'échangeur, parce que nous avons entendu parler de ses belles prestations auprès des gardes-côtes.

    Depuis le surgissement de la voiture jaune, nous nous évertuions à obtenir le consentement de Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ, en martelant le nom de notre voisin « Dimitri », qui a servi de médiateur.

    La clef de voûte de la communication de la veille était la satisfaction des gardes-côtes.

    La clef de voûte de la communication de ce soir était la recommandation faite par « Dimitri ».

    À chaque fois, la clef de voûte du discours correspondait exactement à ce qui pouvait emporter l'adhésion de la personne qui écoutait. L'argument décisif n'était pas dans les figures de style, mais dans la remarquable précision de l'impact, ce qui supposait une parfaite justesse de l'approche.

    Pour notre plus grand bonheur, Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ a accepté de faire tout de suite un tour sur le Zeph pour avoir une idée du problème qui nous chagrinait.

    Voici une photo de cette première inspection :

     

    Le refus de l'incommunicabilité

     

    Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ portait un tee-shirt bleu gris. Au dos, figuraient ces lignes :

    ΟΛΙΚΕΣ ΑΝΑΚΑΤΑΣΚΕΥΕΣ ΣΚΑΦΩΝ

    PARKING

    ΑΝΕΛKΥΣΕΙΣ ΚΑΘΕΛΚΥΣΕΙΣ

    ΜΕ ΥΔΡΑΥΛΙΚΟ ΜΕΤΑΦΟΡEΑ

    POUNTOS

     

    L'équivalent en français serait :

    TOUTES LES RECONSTRUCTIONS DE BATEAUX

    PARKING

    LEVAGES – MISES À L'EAU

    AVEC TRANSPORTEUR HYDRAULIQUE

    POUNTOS

     

    Sur la photo, c'est Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ qui tenait l'escalier relevé pendant que le capitaine décrivait ce qui ne semblait pas fonctionner comme il fallait.

    Sur le pont, un jeune Grec écoutait, les bras croisés. C'était l'adjoint de Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ. L'adjoint portait un nom très célèbre, celui du plus grand guerrier dans l'épopée homérique : Achille.

    Il était, à l'horloge de la Grèce, 21h21. L'obscurité extérieure se voyait dans l'ouverture au-dessus de l'escalier central.

    En temps normal, qui aurait accepté de retarder le retour à la maison pour endosser de nouvelles responsabilités à une heure si tardive ?

    Si Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ a accédé à notre requête et nous a tout de suite accordé son temps, c'était à cause de la parole d'honneur qu'impliquait la recommandation de « Dimitri ».

    La communication n'est pas seulement le transfert ou l'échange d'informations sur le plan matériel ou technique. C'est surtout une rencontre, où transitent des valeurs morales comme l'empathie, la serviabilité, la confiance, la rectitude, la bonté.

    Nouvelle source de joie pour nous : Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ a accepté de prendre en main la réparation du système défaillant. Il reviendrait le lendemain, dans l'après-midi, pour enlever les pièces défectueuses.

    Voici l'instant où Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ promettait de revenir :

     

    Le refus de l'incommunicabilité

     

    Son visage reflétait l'intelligence et le calme d'un expert qui maîtrisait tout à fait la situation. L'intensité de son regard montrait qu'il écoutait très attentivement. Son adjoint aussi, manifestait la même attention, la même attitude respectueuse et le même sérieux.

    En guise d'au revoir, le mousse a dit aux deux visiteurs du soir ;

    Καλοί άνθρωποι !

    En français : (Vous êtes) des hommes de bonté !

    Le remerciement, improvisé dans la langue d'Homère, a surpris les deux Grecs.

    Après ce prélude encourageant, on est entré dans le vif du sujet avec la phase du démontage, qui a eu lieu le jour d'après :

     

    Le refus de l'incommunicabilité

     

    Confiants et admiratifs, nous regardions le chirurgien explorer les entrailles.

    L'intervention bénéficiait des rayons de soleil, qui éclairaient la cuisine à gauche de la photo, la table de la convivialité à droite, et la table à cartes à l'arrière-plan. L'ouverture au-dessus de l'escalier ne débouchait plus sur l'obscurité, mais sur un espace empli de clarté.

    Le démontage provoquait des écoulements. Vite, le capitaine du Zeph a pris un seau et une écope pour récupérer le liquide usagé qui venait de se répandre. À notre grande surprise, l'adjoint a insisté pour que ce soit lui qui accomplissait cette tâche de remise en ordre.

     

    Le refus de l'incommunicabilité

     

    La promptitude du jeune Grec et sa courtoisie nous a beaucoup émus. Jusque-là, il parlait très peu. Mais son geste dévoué était extrêmement éloquent.

    La communication n'a pas toujours besoin de l'abondance de paroles. Les gestes qui expriment des sentiments sincères et nobles peuvent mettre en résonance des êtres et les rapprocher.

    Après un examen minutieux des zones suspectes, Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ a donné ses conclusions. Les dégâts, qui étaient causés par le sel, étaient très importants, mais la situation n'était pas grave au point de devoir changer tout le mécanisme tout de suite. Il faudrait emporter les pièces défectueuses à l'atelier, pour pouvoir les nettoyer convenablement.

    Globalement, nous avons donné le feu vert à Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ. Mais le Grec, par probité, voulait s'assurer qu'il avait notre approbation à chaque étape. Hélas, double hélas ! D'une part, sa connaissance de la langue de Shakespeare était si rudimentaire qu'il ne pouvait s'en servir pour dire toute sa pensée. Et d'autre part, nous ne maîtrisions pas suffisamment la langue d'Homère pour comprendre la totalité du diagnostic.

    L'écueil qui entravait la communication était-il insurmontable ?

    Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ avait pensé à tout, à la défaillance du langage, au remède qui pallierait cette défaillance.

    Le remède s'appelait Achille. Oui, l'Achille qui a arraché des mains du capitaine le seau et l'écope. En effet, le dévoué et vertueux Achille était un polyglotte consciencieux et enthousiaste.

    Le voici qui redisait, avec fluidité et application, dans la langue de Shakespeare, toutes les déclarations de son aîné, Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ :

     

    Le refus de l'incommunicabilité

     

    L'élocution du jeune Grec avait le goût suave du miel. Son éloquence produisait aussi un charme visuel, qui émanait de l'intensité du regard, de la sensualité de la bouche, du ballet des doigts.

    Belle communication, très belle communication, car le jeune Grec était très, très heureux d'accomplir sa mission de médiateur.

    Certes, il y avait la conscience professionnelle du technicien. Mais il y avait aussi l'intérêt, sincère et profond, que l'adjoint de Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ manifestait pour la cause du capitaine du Zeph.

    Communiquer, c'est, d'abord et principalement, s'intéresser réellement à l'autre.

    Après l'enlèvement des pièces défectueuses, Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ a fait des photos avec son téléphone portable pour un nouvel état des lieux :

     

    Le refus de l'incommunicabilité

     

    Son calme, son attitude réfléchie et son assurance étaient des atouts considérables. Ils constituaient à la fois l'objet et la modalité de sa communication.

    Dominant le sujet dans le moindre détail, maîtrisant tout à fait la situation, Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ nous a offert une agréable surprise en jouant le sketch de la sérénité. En effet, au capitaine qui lui a demandé si toutes les vannes étaient bien fermées, le Grec a acquiescé de la tête. Puis celui-ci a mimé la catastrophe qui n'aurait pas lieu. Il a fait allusion au sommeil en inclinant sa tête vers les deux paumes jointes. Et il a fait « Glouglou...Glouglou... ». Comme l'onomatopée était drôle ! Une drôlerie pour évoquer un sinistre, ou plutôt pour évoquer la prévention d'un sinistre.

    C'était une façon bien plaisante pour dire au capitaine qu'il pouvait fermer les yeux en toute sérénité, sans craindre un dégât des eaux.

    Avec Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ, point de langage savant ou sophistiqué pour communiquer la paix intérieure.

    La conclusion du diagnostic a eu lieu devant l'escalier qui a repris sa position habituelle.

    Le capitaine a précisé ses attentes :

     

    Le refus de l'incommunicabilité

     

    Le capitaine s'adressait à Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ. La parole allait de chef à chef.

    Mais le médiateur était là, extrêmement attentif à ce que disait le capitaine.

    Spatialement, le médiateur occupait la position médiane. Stratégiquement, il attendait le moment pour se montrer sur le devant de la scène.

    Dans cette configuration triangulaire, le deuxième pôle, chronologiquement, était Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ. Le voici qui s'exprimait, non seulement avec sa bouche, mais aussi avec ses yeux et ses mains :

     

    Le refus de l'incommunicabilité

     

    La communication visuelle était pour l'adjoint. La communication gestuelle était pour le capitaine.

    Un chef répondait à un autre chef, avec clarté et sagesse.

    Le savoir-faire s'adressait au pouvoir décisionnaire.

    La franchise des deux index de l'homme qui parlait préfigurait l'efficacité de sa science.

    Comment l'adjoint recevait-il la parole de son aîné ? Avec une douce fierté.

    Le visage du jeune Grec baignait dans une belle lumière, produite par la noblesse de la mission confiée.

    Finalement, c'était au troisième pôle de communiquer.

     

    Le refus de l'incommunicabilité

     

    L'adjoint se concentrait sur la traduction du message, mais surtout sur la façon dont le capitaine recevait cette traduction.

    Sur la photo, le corps du jeune Grec était structuré par la diagonale qui suivait la direction de ce que les géomètres appellent « la seconde bissectrice » dans un repère orthonormal du plan.

    Cette diagonale suivait tout le bras droit et passait par la main gauche, qui s’entrouvrait comme pour apprivoiser le cœur du capitaine.

    Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ levait le regard pour ne pas perdre une miette du spectacle de la fidélité et de l'efficacité.

    Émouvante communication, à trois, sans stupidité, sans raté, sans fausseté.

    Les deux Grecs avaient l'intelligence et l'art de communiquer en s'adressant au cœur.

    C'est pourquoi le mousse leur a dit, en guise d'au revoir :

    « Καλή καρδιά έχετε ! »

    Littéralement : (Un) bon cœur vous avez !

    Le compliment n'était ni déplacé, ni exagéré.

    Le mousse a vu que sa parole de gratitude faisait grandement plaisir aux destinataires.

    Communiquer, c'est surtout pour s'édifier mutuellement.

    Nous étions le vendredi 4 septembre.

    Le week-end approchait. De plus, il fallait du temps pour commander les pièces de rechange. C'est pourquoi Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ nous a fixé un rendez-vous au prochain mardi. À ce moment-là, il ne savait pas encore que le lendemain de notre au revoir, il serait devenu officiellement père d'une petite fille.

    Seulement, il y a eu des complications pour la naissance et la maman a dû aller à Athènes pour accoucher. Le père était tout naturellement dans l'obligation d'accompagner sa petite famille dans ces moments angoissants. L'échangeur du moteur du Zeph attendrait bien quelques jours de plus.

    Le mardi 8 septembre, dans la soirée, Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ nous a envoyé ce mail :

    « Good Evening ! Forgive me for the delay. I was just expecting the baby 30/9/20, but it came 5/9/20 and that changed my work schedule ! I'm still in the maternity hospital for safety reasons. We will be in by Thursday. I believe that on Friday morning I will be on the boat to finish my work ! And again you forgive me ! »

    Ces lignes étaient accompagnées d'une photo de la petite fille née il y a trois jours.

    N'avions-nous pas dit auparavant que Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ connaissait si peu la langue de Shakespeare ? Dans ce cas, le texte du mail ci-dessus ne pouvait pas être de son cru.

    Les connaissances linguistiques pouvaient être rudimentaires ou défaillantes, mais la présence d'esprit, stimulée par le désir de communiquer, trouverait toujours le moyen pour surmonter l'obstacle. En effet, dès que Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ a entendu au téléphone la voix du capitaine qui venait aux nouvelles, le Grec a pressé son interlocuteur de recourir au mail et non à la conversation orale. L'énorme avantage de la forme écrite, c'était qu'elle permettait le recul, la réflexion et dans le cas présent, une compréhension intégrale grâce à la traduction.

    Le Grec avait l'intelligence d'échanger l'immédiateté de la réception sonore contre l'intégralité du sens. C'est dire qu'il se saisissait à pleines mains de la finalité de la communication.

    En retour, nous lui avons envoyé le mail suivant :

    « Goog luck to your baby and her mother. My friend says about you : « Mihalis is a happy father » ! We hope for you a great moment ! So, take your time...but not too much ! ! ! !... For Friday, it's good for me.

    Best regards »

     

    C'est vrai que le mousse s'est réjoui pour Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ, qui venait d'obtenir le statut de nouveau père.

    Le capitaine a fait preuve de délicatesse en mentionnant cela dans le courrier.

    Ce soir-là, la communication n'était plus un simple échange d'informations techniques ou budgétaires, mais une source d'empathie, voire de sollicitude mutuelle.

    Le séjour à la maternité athénienne a dû être prolongé d'un jour.

    Finalement, Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ et son adjoint sont revenus sur le Zeph le samedi 12 septembre, en début d'après-midi.

    Le premier à venir à notre rencontre était l'adjoint, qui apportait des excuses, sincères et émouvantes, en même temps que des pièces bien nettoyées.

    Sans tarder, le capitaine a examiné le matériel ramené :

     

    Le refus de l'incommunicabilité

     

    La vérification donnait satisfaction.

    Le capitaine avait beau revenir sur les endroits délicats, le travail accompli était irréprochable.

     

    Le refus de l'incommunicabilité

     

    L'extérieur et l'intérieur étaient exempts d'impureté.

    Le travail bien fait était en lui-même une communication sur la compétence, l'honneur, la probité, le respect de l'autre.

    Les préliminaires de la réinstallation étaient assurés par l'adjoint, avec le même regard intense, la même bouche aimable et les mêmes doigts agiles.

     

    Le refus de l'incommunicabilité

     

    L'adjoint insistait sur la nécessité d'effectuer le nettoyage à fond chaque année.

    Puis est venu le tour du maître, qui assemblait tout et autorisait le redémarrage du moteur.

     

    Le refus de l'incommunicabilité

     

    Comme son visage était beau avec le sourire de la satisfaction !

    Ce sourire-là constituait une heureuse communication, efficace et bienfaisante.

    Concernant la réussite technique, voici ce que disent les Écritures grecques : 

    « ἄξιος ὁ ἐργάτης τοῦ μισθοῦ αὐτοῦ »

    ΕΠΙΣΤΟΛΗ ΠΡΟΣ ΤΙΜΟΘΕΟΝ Α'. Kεφ. ε’. Στίχος ιη’

     

    « L’ouvrier mérite son salaire. »

    Première Épître à Timothée. Chapitre 5. Verset 18

     

    Nous avons chaleureusement remerciés les deux Grecs pour leur dévouement.

    En retour, ils ont fait l'éloge de notre bonne humeur, qui se traduisait par notre sourire fréquent. Et Μιχάλης – ΜΙΧΑΛΗΣ, de joindre le geste à la parole, en exhibant la concavité entre le pouce et l'index de sa main droite, concavité qui est celle de la courbure des lèvres quand le sourire s'y épanouit.

    Cette communication, simple et courtoise, allait droit à l'essentiel.

    Nous étions très flattés qu'elle se soit terminée par le mot χαμόγελο (en français : sourire), prononcé par la bouche de celui qui prenait soin des moteurs sur les bateaux des gardes-côtes.

    Ce soir-là, nous avons préparé un plat qui honorait la mémoire des deux personnes qui nous ont dépanné en mécanique. Voici ce plat cuisiné :

     

    Le refus de l'incommunicabilité

     

    S'agirait-il d'un ragoût aux poivrons ?

    Du poivron, il y en avait. Mais ce n'était pas l'élément principal.

    C'était un ragoût de pleurotes, élaboré avec des pleurotes du terroir.

    La texture souple des pleurotes évoquait la douceur de caractère des deux Grecs, leur flexibilité mentale, la souplesse de leurs doigts.

    Les poivrons, qui étaient plutôt craquants, servaient à mettre en valeur les pleurotes, par contraste.

    La communication réussit quand il y a du désir pour l'autre.

    L'incommunicabilité n'est pas dû à un défaut de moyens langagiers, mais à un défaut de générosité.

     

     


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