• Novembre 2018

    Alors là, attention !

    Dans ce novembre-là, on trouvera plusieurs allégories qui suggèrent un certain état d'esprit d'un certain nombre de gens faisant partie ou gravitant autour du monde de la plaisance. C'est aussi par l'allégorie, le moyen de relater certains intervalles de l'histoire du ZEF ! C'est l'idée de faire dire des choses à des choses qui n'ont à priori rien à voir avec le sujet ! C'est compliqué, hein ?

    La compréhension est plus aisée lorsque le Mousse passe de l'allégorie à la métaphore ou à la personnification. Ainsi en est-il du rapace dont il est question plus bas et qui personnifie le mal, la jalousie, la convoitise...

    En bref, à l'instar des poètes qui chantaient l'épopée qu'on allait vivre et mourir ; les uns en strophes ardentes, les autres en rires amers, le Mousse adopte les mêmes finesses d'esprit pour initier le lien entre une chose comme signe d'autre chose !

  • Qu’est-ce qui excite l’appétit du rapace ? Quels facteurs le décident à passer à l’action ? Comment s’y prend-il pour s’emparer de sa proie ?

    L’espace marin est-il aussi concerné par le comportement du rapace ?

    Au printemps dernier, à l’époque où le capitaine et le mousse bénéficiaient de l’agréable hospitalité des anges du Languedoc, des rapaces ont fait leur apparition dans le champ de vision au moment de l’exploration des châteaux de Lastours.

     

    Le cycle du rapace

     

    Les créatures ailées ont exécuté leurs cycles autour d’un piton rocheux. Leurs manœuvres circulaires se déroulaient dans le lointain. Le spectacle était neutre, inoffensif.

    D’autres manœuvres circulaires ont eu lieu cet été, au large de la Toscane, dans un contexte bien plus mouvementé, oppressant et tragique.

    Macinaggio. Tempête en provenance de l’archipel toscan pendant deux jours consécutifs, avec des éclairs zébrant le ciel à maintes reprises. Au mouillage, danse macabre, qui rendait les bateaux nerveux, impulsifs et téméraires. Leurs capitaines n’avaient qu’une idée en tête : enclencher le sauve-qui-peut avant qu’il ne soit trop tard.

    C’était dans cette ambiance de panique générale qu’un bateau a commencé à raser le flanc gauche du Zeph. Puis quand la proue de l’un s’est retrouvée à hauteur de la poupe de l’autre, le nouveau venu s’est immobilisé. Vite, il a sorti son ancre pour s’emparer de l’emplacement convoité. Sous son davier, figurait l’inscription WHV-765.

     

    Le cycle du rapace

     

    Ça ne le gênait nullement qu’entre lui et le Zeph, il n’y avait même pas l’espace pour deux largeurs de bateau.

    Griffes sorties vers l’avant, avant-train redressé, célérité de la manœuvre. C’était une véritable performance de rapace expérimenté.

     

    Le cycle du rapace

     

    Il y avait de la violence dans cette rapidité d’exécution. Une violence qui disait : « Tire-toi de là ! »

    Le mousse qui ne s’est pas laissé intimider par l’instinct prédateur, a crié en direction du bateau rapace : « Vous êtes trop près là ! ». Bien sûr, de l’autre côté, on a fait la sourde oreille.

    D’abord, il y avait la question du rapport de forces. Depuis quand un « petit Chinois », à la silhouette malingre, fait-il la leçon à trois Européens qui ont vécu, à eux trois, presque deux siècles ?

    Deuxième question : se pouvait-il que le bateau rapace ne comprenait pas la langue de Molière ? En effet, le pavillon enroulé ne portait pas les couleurs de la Méditerranée, mais de la Germanie. Le mot « Breisach », écrit sur la poupe, désigne une localité actuelle de l’Allemagne.

     

    Le cycle du rapace

     

    « EOS », écrit au-dessus de « Breisach », est le nom de la déesse Aurore de l’Antiquité grecque. Ce serait le nom de baptême de ce Bavaria Cruiser Voyager 36. Le bateau appartenait à l’agence de location Buechi.com, qui a laissé sa signature sur la bôme et qui est basée à Portoferraio, sur l’île d’Elbe.

    Tous ces éléments administratifs, qui n’avaient aucune connexion avec l’Hexagone, autorisaient-ils les trois hommes à se conduire avec brutalité et de façon si malhonnête dans les eaux françaises ?

    La sourde oreille qu’affichaient les trois rustres n’était pas due à leur manque de maîtrise de la langue française, mais à leur je-m’en-foutisme, qui était coutumier.

    Le mousse ne s’est pas laissé démonter par l’inertie provocatrice des trois malotrus. De nouveau, il a eu recours à la langue de Molière et a hurlé : « C’est trop près là ! ». Flairant le scandale, le bateau discourtois et malhonnête s’est résigné, dans l’énervement et la douleur, à relever l’ancre et à partir.

    Monter la garde, repousser les assauts, se protéger des rapaces, de l’aurore jusqu’à la tombée de la nuit, deux jours de suite.

     

    Le cycle du rapace

     

    Menace incessante, surveillance sans discontinuité en restant à bord. Aucun répit, aucun instant d’apaisement. L’acharnement des rapaces qui multipliaient leurs manœuvres circulaires condamnait le capitaine et le mousse à ne pas quitter le bateau et à demeurer constamment sur le qui-vive.

    Mais, ce n’était pas encore le pire. Il ferait son apparition le lendemain et le surlendemain. Après l’usure à Macinaggio, il y a eu l’implosion à Saint-Florent.

    Pourtant, l’escale à Saint-Florent a commencé dans des conditions très agréables. Le Zeph était presque seul au milieu de la baie.

     

    Le cycle du rapace

     

    Le capitaine s’est mis assez loin des phares pour éviter la cohue qu’engendrerait le désir de proximité avec la terre ferme. La décision du capitaine avait un coût : le nombre de coups de rame pour aller à terre et revenir serait forcément plus grand. Qu’importe l’exercice physique, si en échange, on a la tranquillité.

    Terrible illusion. Calculs très, très mauvais. En effet, le bel espace vide dont s’est entouré le Zeph et que recommande vivement la sécurité, ne tarderait pas à être convoité, dépecé et dévoré par des rapaces de tous genres.

    Les rapaces ont leur odeur propre.

    Le premier rapace qui s’est manifesté ce jour-là dans les eaux de Saint-Florent pour harceler le Zeph puait la grossièreté. Le bateau qui s’est singularisé par sa vulgarité s’était collé aux baskets du Zeph pendant que Morphée nous berçait pour nous faire oublier les nuits meurtries et saccagées à Macinaggio.

    Donc, à l’arrière du Zeph, entre l’éolienne et le panneau solaire le plus proche, se découpait le profil du bateau qui avait furtivement sorti ses griffes pour s’emparer de l’emplacement.

     

    Le cycle du rapace

     

    Mais d’autres griffes, plus méchantes, allaient surgir.

    En effet, dès qu’il a aperçu nos deux silhouettes en chair et en os, il nous a apostrophés avec rudesse et mépris. En pleine figure, nous avons reçu : « Va dormir ! ».

    Pourquoi cette véhémence ? Pourquoi cette hargne ?

    L’homme dont la blancheur des cheveux ne disait pas la sagesse mais le déshonneur, nous traitait comme de la racaille. Ce faisant, c’était lui qui se comportait comme de la racaille. Qu’est-ce qui en nous le gênait tant, le dérangeait tant ? Notre jeunesse ? Notre fortune ?

    Malgré l’indignation, nous avons trouvé la situation fort cocasse, car justement, nous émergions des bras de Morphée. Et l’homme qui s’était montré volontairement offensant, nous disait de nous y retourner.

    Le rapace a attaqué en premier parce qu’il avait peur qu’on ne le dépossède de sa prise. Sa tactique consistait à vexer, blesser et intimider pour éloigner, mettre à distance.

    La promptitude des coups de bec et de griffes était sans aucun doute motivée par le sentiment de culpabilité. L’homme hargneux et grossier redoutait que nous ne lui reprochions de ne pas avoir respecté les distances de sécurité.

    Pourquoi le renvoi à la couchette s’est-il fait sur le mode du singulier et non sur celui du pluriel ? Pourquoi nous a-t-on lancé à figure « Va dormir ! » et non « Allez dormir ! » ? Ce n’était pas parce que l’homme au comportement rapace ne savait pas compter ou ne voyait pas clair. La conjugaison à la deuxième personne du singulier rendait le ton plus agressif, plus mordant et plus méprisant.

    Après l’éclaboussure, le mousse a repris ses esprits et a crié à l’agresseur : « C’est trop près et trop dangereux ! ». Et l’homme, de riposter avec un torrent de sonorités non en usage dans l’Hexagone, mais qui exprimaient sans équivoque l’opposition, l’obstination et l’exécration.

    Le mousse sentait à côté de lui le capitaine entrer en ébullition à cause du subterfuge de la langue étrangère.

    En direction de l’homme irrespectueux et méprisant, le mousse a crié : « On est en France ! On parle la langue française ! »

    L’argument a déstabilisé parce qu’il était culturel et non militaire. Le mousse a profité de l’avantage éphémère pour rappeler la règle de sécurité. De nouveau, il a crié : « Vous êtes trop près ! ».

    Sur l’autre bateau, on feignait la reddition, mais on ne bougeait pas du tout. On ne disait plus aucun mot, mais on ne changeait pas d’emplacement. Obstination qui annonçait une guerre d’usure.

    Le rapace exhibait l’immobilité pour mieux guetter l’heure de la revanche.

    Le capitaine a dit au mousse que le pavillon du grossier personnage était belge. Le flot de sonorités étranges qu’il avait déversées contre nous appartenait donc à la langue flamande.

    Tapi dans sa mauvaise foi, le bateau flamand a cru voir, peu de temps après, son affront lavé par le sémillant et téméraire Meltemi. Un rapace, qui viendrait au secours d’un autre rapace !

    La témérité en matière de sans-gêne désarçonne d’abord. Le culot est une arme qui utilise l’effet de surprise. Pour neutraliser celui-ci, il faut contre-attaquer en utilisant aussi l’effet de surprise.

    Le Meltemi avait une très fière allure, avec une jolie coque et une belle mâture. C’était un Océanis 54, qui était tout heureux de porter les couleurs de l’Allemagne. Il impressionnait par son apparence physique, mais aussi par son nom qui sonnait très grec, et qui faisait miroiter l’érudition et les belles manières.

     

    Le cycle du rapace

     

    Venu de l’horizon septentrional, il a foncé sur le mouillage de Saint-Florent et frôlé le flanc droit du Zeph. Le mousse, qui était occupé avec des prises de vue en direction de la poupe, s’est retourné pour constater l’approche triomphale. Le Meltemi, maintenant presque à l’arrêt, prenait le temps de dévisager le Zeph. Le mousse se demandait si c’était le trépied du photographe ou le jardin des aromatiques qui retenait ainsi l’attention du Meltemi. En fait, le Meltemi n’était pas dans la contemplation, mais dans le calcul. Il calculait l’espace libre dont le Zeph s’était entouré. Une fois les informations enregistrées, il finissait sa première boucle autour du Zeph, puis en recommençait une autre, comme pour confirmer les projections et peaufiner les calculs. Naïf, ingénu et niais, le mousse se réjouissait qu’un voilier avec un nom aussi grec fasse la cour au Zeph. Soudain, le Meltemi s’est immobilisé au début de son troisième cycle, là où il avait fait ses premières observations. Le profil que le mousse avait pris pour celui d’un admirateur, s’est démasqué : c’était celui d’un prédateur. Menaçant, le Meltemi s’apprêtait à mettre en action ses griffes et à s’emparer de l’emplacement.

    Entre le Meltemi et le Zeph, il n’y avait même pas l’espace de deux largeurs de bateau. L’effet de surprise préparé par le Meltemi était bien mené. Le mousse était plongé dans l’épouvante. Mais quelque chose lui a tout de suite donné l’esprit d’à-propos. Ce quelque chose était le violent contraste entre l’allure distinguée des personnes à bord du Meltemi et l’aberration de leur geste.

     

    Le cycle du rapace

     

    Le mousse savait qu’il était plus difficile de faire relever l’ancre que d’empêcher de la laisser choir vers le fond. Il fallait donc vite, vite, intervenir avant qu’elle ne quitte le haut de la proue.

    Prenant à témoin les collines de Saint-Florent, le mousse a hurlé en direction du Meltemi : « Vous êtes trop près là ! ».

    Une phrase complète en français, sans faute de grammaire, prononcée sans accent, venait de surgir de la bouche d’un « Chinois » malingre, que le Meltemi s’était plu à reléguer dans l’image d’Épinal associée au trépied et à l’appareil photo. Son cri de désapprobation, audible, intelligible et inattendu, a créé l’effet de surprise inverse. À l’avant du Meltemi, les deux silhouettes masculines qui s’étaient accroupies pour lâcher l’ancre se sont figées. Celui qui était à la barre ne comprenait pas cette immobilité soudaine et ne l’acceptait pas.

    D’une voix généreuse et ample, le mousse a de nouveau rappelé les règles de bienséance et de sécurité à ces personnes qui semblaient cultivées et érudites. Suite à cette deuxième intervention orale, des mots marmonnés dans une langue qui n’était pas celle de Molière circulaient entre la poupe et la proue du Meltemi. Pendant que se déroulait cet échange crispé, le mousse a vu sur le Meltemi deux silhouettes féminines assises près du mât. Hiératiques, elles se prenaient pour Héra et Athéna en personne.

    Après délibération, le rapace s’est résigné à ne pas faire usage de ses griffes.

    Contrarié et bafoué, le Meltemi a repris son troisième cycle en effectuant une embardée qui a failli le faire buter contre l’ancre du Zeph. Geste d’inattention, mais aussi de colère et de dépit.

    Peu de temps après que le Meltemi a renoncé à sa proie, un autre prédateur est venu assiéger le Zeph à bâbord. L’assaillant avait moins d’envergure et de prestance que le Meltemi, mais le même culot et le même entêtement. L’instinct prédateur se voyait jusque dans le pavillon, qui exhibait les silhouettes de deux léopards dorés.

    Le Zeph devait-il capituler, c’est-à-dire laisser faire ? Dans ce cas, à quoi cela aurait-il servi de prendre des précautions et de monter la garde depuis des heures et des heures ?

    Le mousse n’a pas voulu battre en retraite. Il a crié en direction de l’assaillant : « Vous êtes trop près là ! ». Celui-ci a pris pour une divagation ce qu’il venait d’entendre. Et il a continué à préparer son ancre. Outré, le mousse s’est mis à hurler plus fort : « Vous êtes trop près là ! On va tourner, et on va vous percuter dans la nuit ! ».

    Sur le bateau imprudent, tout s’est arrêté net. Mille yeux se sont tournés vers celui qui venait d’être interpellé. Honteux d’être soudainement le point de convergence de tant de regards, le bateau audacieux a relevé son ancre et quitté les lieux.

    Juste après son départ, un autre bateau a montré son museau, toujours à bâbord du Zeph, toujours avec un espace qui ne laisserait pas passer entre les deux coques, deux autres bateaux simultanément. À la proue, un homme s’activait pour lâcher l’ancre. Il venait de découvrir un emplacement de choix. Vite, il fallait qu’il tienne fermement sa prise dans ses griffes, avant qu’un autre rapace ne s’en empare.

    Écœuré et exténué, le mousse a quand même rassemblé ses forces pour dissuader le rapace hardi.

    L’homme surpris en train de manier son ancre a avancé le leurre de la politesse et s’est couvert avec le bouclier de la précision du chronomètre. Effectivement, avec une courtoisie surprenante, il a fait remarquer au mousse que l’ancre n’était pas encore lâchée. C’est vrai, elle n’a pas touché l’eau et pendait encore à mi-hauteur du flanc émergé. Sans maugréer, l’homme a remonté l’ancre, puis est parti. Il a décrit trois cycles autour du Zeph, pour revenir au même endroit que tout à l’heure.

    Et pour échapper à une nouvelle confrontation avec le Zeph, le bateau rusé et malicieux a reculé de quelques mètres, puis a lâché tranquillement son ancre. Manifestement, le rapace roublard s’est payé la tête du Zeph.

    Sur ces entrefaites, une forêt de mâts surgissait à l’horizon et progressait à toute vitesse vers le mouillage.

    Ce n’était plus le moment d’ergoter avec le fieffé manipulateur au sujet du rayon d’évitage. À partir de cet instant, le péril venait de la direction opposée. Un nombre incalculable de rapaces s’apprêtait à assiéger le mouillage. Le capitaine se décomposait à l’idée de devoir tenir tête à tant de prédateurs, qui ne feraient aucune concession. Il était convaincu que le Zeph finirait par succomber à cause de la férocité des coups de becs et de griffes.

    Aussi le capitaine a-t-il décidé d’abandonner le trésor. Dans la foulée, il a sonné la retraite. Le Zeph s’est donc extrait du piège et s’est réfugié vers les montagnes à l’extérieur de la baie.

     

    Le cycle du rapace

     

    Sans force, sans élan vital, sans perspective, le Zeph était comme une dépouille, exposée aux ravages du vent et de la houle. Et même dans cet état moribond, il était encore poursuivi et harcelé par un rapace, qui ne cachait pas son instinct de charognard.

    Le capitaine baissait les bras. D’autres l’auraient fait bien avant lui. Il en avait assez de guerroyer contre des manières de voyous. Il a ordonné qu’à bord du Zeph, tous devaient baisser les bras et ne plus entraver les rapaces dans leur instinct de prédateur.

    Crépuscule d’amertume. Soirée d’affliction.

    Après une journée d’horreur et une nuit cauchemardesque, le Zeph suffoquait. Au moment de se ravitailler en carburant, son souffle vital s’est bloqué.

     

    Le cycle du rapace

     

    La station à essence, qui se trouvait à côté du phare rouge, était à portée de voix. Et pourtant, elle semblait désespérément inaccessible.

    L’oppression, par sa redoutable récurrence, rendait le naufrage imminent.

    Le lendemain matin, même symptôme inquiétant et tragique. Problème respiratoire ou cardiaque ? Seules les divinités pouvaient faire le diagnostic.

    Le Zeph se trouvait à Saleccia, au large du désert des Agriates.

     

    Le cycle du rapace

     

    Le nouvel environnement paisible n’a pas réussi à faire oublier la nuisance des eaux de Saint-Forent toutes proches.

    Le Zeph somatisait.

    Se souvenir pour ne pas perdre son identité. Mais quand le souvenir est trop douloureux, il fait chavirer.

    Deux malaises en deux jours.

    À deux reprises, la mort, au sens littéral et biologique, s’est même invitée à bord du Zeph, plus exactement au poste du barreur. C’est là où les divinités sont intervenues, et que leur clémence, implorée depuis le départ de Port Napoléon, s’est manifestée. Sans cela, le Zeph aurait été orphelin dans les eaux de Saint-Florent, administrativement et moralement.

    Plaisir, où étais-tu ? Peut-il y avoir du plaisir quand il n’y a plus de savoir-vivre ? Peut-on parler de paradis quand c’est le règne de la loi du plus fort ou du plus malhonnête ?

    Est-il possible de survivre au milieu d’une meute de rapaces sans être rapace soi-même ? Si l’on n’est pas un prédateur, l’on devient immanquablement une proie.

     

    Le cycle du rapace

     

    Qui voudrait être une proie, et le rester jour après jour ?

    Le combat pour la survie est peut-être une nécessité, mais jamais un plaisir. Que savoure-t-on dans de tels moments quand on n’a pas le tempérament guerrier ? La sécurité abîmée par des coups de griffes acérées ? La paix déchiquetée par des coups de becs crochus et puissants ?

     

    Le cycle du rapace

     

    Faut-il subir, se taire pendant et surtout après ? Faut-il encaisser la coercition puis pratiquer le déni pour sauver la face, parce que le paradis recherché n’était qu’une chimère ?

    Qu’est qui fait qu’en mer, un espace de liberté se transforme en lieu de deuil ? Deuil pour la paix, parce qu’elle est saccagée par l’agressivité et la déraison. Deuil pour la mémoire, parce que les méfaits causés ou subis se répéteront le lendemain. À cause de sa démesure et de son délire, la convoitise endeuille la liberté promise par la mer.

    D’aucuns pourraient penser que le désordre généré par le comportement des rapaces n’était pas si grave que cela. C’est grave chaque fois que l’être humain s’enlaidit. C’est grave et c’est affligeant. Même l’oubli ne diminuerait en rien la laideur ainsi étalée.

    Les rapaces rencontrés par le Zeph effectuaient des cycles pour élaborer l’effet de surprise et foncer brutalement sur l’objet de leur convoitise.

    L’épreuve des rapaces interpelle la conscience et soulève une question essentielle : l’homme est-il dispensé d’avoir une éthique parce qu’il se trouve en mer ?

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