Elle a inauguré sa coiffure d’impératrice le jour où elle est montée sur le trône avec son amoureux, qui était Ιουστινιανός (en français : Justinien).

 

 

À cette occasion, elle portait sur sa tête une couronne qui se prolongeait par de longs pendentifs.

 

 

L’or et les pierres précieuses proclamaient le privilège d’être au sommet du pouvoir.

Elle s’appelait Θεοδώρα (en français : Théodora).

Deux ans auparavant, Justinien et Théodora s’étaient mariés à Constantinople, en la basilique qui se nommait Αγία Σοφίαα (en français : Sainte-Sophie).

Des acclamations de joie, qui saluaient l’heureuse circonstance, résonnaient jusqu’au port, tout proche.

 

 

Justinien était très, très amoureux de Théodora. Sans aucun doute, parce que celle-ci savait comment s’y prendre pour renouveler les charmes et les multiplier. Allier l’opulence de l’orfèvrerie et l’élégance naturelle des fleurs est un procédé très efficace pour susciter le désir :

 

 

Maintenant que Théodora régnait aux côtés de son époux, sur les deux rives du Bosphore, la coiffure qu’elle portait était celle de la maturité, de l’engagement et du dévouement. En effet, c’est cette coiffure qui assistait au soutien fourni par l’impératrice pour l’œuvre législative de son époux.

C’est aussi la coiffure de l’autorité, de la fermeté et du courage, comme le montre l’épisode de la sédition « Νίκα » (transcription : Nika). Le terme grec, qui signifie littéralement « Victoire » était utilisé par les rebelles comme cri de ralliement.

La rébellion contre le pouvoir impérial s’est produite en l’an 532 de notre ère,

Les choses ont commencé à dégénérer dans le quartier de l’hippodrome.

 

 

Puis l’émeute s’est rapprochée du palais impérial.

La situation devenait si critique que Justinien envisageait même de fuir.

 

 

Mais Théodora s’est fermement opposée à l’abandon de la capitale et elle a exhorté Justinien à combattre pour reprendre le dessus.

Il existe une représentation symbolique de la coiffure, qui illustre le combat acharné pour sauver le trône. La voici :

 

 

Au-dessus de l’oreille gauche, se dresse un renard. C’est l’évocation de la ruse et du stratagème. De l’autre côté, au niveau de la joue droite, que peuvent atteindre les longs pendentifs, prend place une panthère aux aguets, avec son regard et ses crocs menaçants. C’est l’évocation de la volonté de déchiqueter l’ennemi.

Cette allusion au comportement des fauves fait remonter des souvenirs d’enfance, du temps où la figure paternelle exerçait la profession de montreur d’ours.

 

 

La sculpture, réalisée par Louis-Marcel Botinelly, se dresse à l’entrée du Vieux-Port de Marseille, sur l’esplanade de la Tourette, face au Fort Saint-Jean.

La fréquentation des fauves dès son jeune âge a appris à Théodora l’art de les apprivoiser et de les neutraliser. À présent, la préservation du trône impérial requiert le même doigté et le même courage.

Pour ramener la paix, il fallait réprimer la révolte, durement. Et l’impératrice donnait des ordres énergiques dans ce sens :

 

 

La dureté du visage va de pair avec l’aspect solennel de la coiffure impériale pendant ces moments gravissimes.

Voici les mots de l’exhortation vigoureuse que l’impératrice adressait à son époux :

Ἐμὲ γάρ τις ϰαὶ παλαιὸς ἀρέσϰει λόγος ; ὡς ϰαλὸν ἐντάφιον ἡ βασίλειἀ ἐστι. »

 

En français :

« Moi, elle me plaît, cette antique parole : que la pourpre est un beau linceul ! »

 

 

Autrement dit, ne pas craindre la mort pour préserver la couronne impériale.

Le septième art a proposé sa vision des choses. Dans une scène tournée par le réalisateur Riccardo Freda, on voit la future impératrice conduire énergiquement un quadrige dans l’hippodrome de Constantinople.

 

 

La représentation de la formidable énergie qui mène à l’ascension au trône ne s’encombre pas avec des diamants et des pierres précieuses. Au contraire, elle laisse les cheveux libres, totalement libres, pour montrer la rage de vaincre.

L’intérêt de cette séquence, c’est de révéler la nature première de Théodora, son caractère ardent et son esprit sans cesse combatif.

Loin d’être dénuée de sens, l’initiative du cinéaste est en parfaite connexion avec la vie qu’a eue Théodora avant de devenir impératrice.

Elle était danseuse quand Justinien a fait sa connaissance.

Elle était danseuse quand Justinien a fait sa connaissance.

 

Elle ne portait pas un diadème chargé de pierres précieuses, mais sa coiffure incarnait le désir comme tout le reste de son corps.

Elle aimait la vie, l’amour.

 

 

Elle aimait croquer la vie à pleines dents.

Sa coiffure d’alors était celle de la liberté et de la légèreté.

Mais Théodora restait lucide. Elle était consciente que la beauté physique ne durerait qu’un temps. C’est pourquoi, dès que l’occasion s’est présentée, elle s’est préoccupée de sa parure intérieure en fréquentant les lieux du savoir, surtout en Égypte.

La danseuse s’est mise à étudier la philosophie et la science, pour rendre son esprit encore plus vif et son raisonnement encore plus éclairé. Point besoin d'exhiber l’or et les pierres précieuses de manière ostentatoire pour consulter les rouleaux des illustres Bibliothèques et s’imprégner de leur contenu.

 

 

Ce sont les richesses intérieures qui ont contribué à rendre sa présence si attachante aux yeux du futur empereur.

Théodora a séduit Justinien autant par son esprit cultivé que par son charme physique.

Ainsi la coiffure de l’impératrice est l’étape finale d’une longue métamorphose, à maints rebondissements. Elle témoigne d’une réussite qui couronne l’appétit de vivre. Elle est une puissante exhortation à se montrer à la hauteur de la situation, de chaque situation, même si celle-ci s’avère extrêmement déstabilisante.

En définitive, la coiffure de l’impératrice est celle de la primauté du présent.

Peu importe comment a été le passé, ce qui compte désormais, c’est de réussir l’actuel rendez-vous.

 

 

Cette leçon est d’une grande valeur pour l’épreuve du meltem qui attend le marin en mer Égée.