• Voici le balcon posé sur la mer à Κέα :

     

    Le balcon posé sur la mer (7) à Κέα

     

    Administrativement, il était identifiable par son immatriculation, qui était complète depuis l’escale à Χαλκίδα (transcription : Khalkida).

    Esthétiquement, il était reconnaissable grâce à ses lignes bleues extrêmement narcissiques.

    À bâbord, il avait la compagnie d’un très gros bateau habillé de noir, baptisé « Galileo » et destiné aux promenades en mer.

    Nos lecteurs, qui connaissent bien la manière dont le mousse fait ses prises de vue, ne manqueront pas de trouver qu’il y a quelque chose d’inhabituel dans cette illustration. En effet, le mousse est fan des premiers plans. Mais le premier plan de cette présente photo, qui était constitué par une grosse corde blanche qui barrait le champ de vision dans le sens vertical, n’avait rien d’esthétique. En fait, il s’agissait là d’une intrusion très fâcheuse.

    Effectivement, le mousse était en train de faire un balayage en partant des reflets dans l’eau et en élargissant le champ de vision pour obtenir la silhouette entière du Zeph quand le Capitaine passait précipitamment devant la caméra avec une amarre en vrac, qui avait l’apparence d’un énorme amas. La tâche du Capitaine semblait urgente. Celle du mousse n’était pas non plus négociable. C’est pourquoi l’amarre a furtivement laissé son empreinte devant l’objectif.

    L’illustration n’est donc pas une photo, mais un arrêt sur image. Quel est l’intérêt de celui-ci ? Il dit que le mousse a été dérangé et qu’il n’a pas pu aider le Capitaine. Le mousse a choisi de finir son balayage et de ne pas s’occuper de l’amas de cordage qui est tombé devant lui. Spontanément, quelqu’un est venu prendre avec délicatesse l’extrémité de l’amarre. Puis la personne a contourné le photographe en passant derrière le dos de celui-ci, pour amener le bout d’amarre jusqu’à l’anneau où il devait être attaché.

    L’être qui a agi avec tant de bonté et de délicatesse s’appelait Marco.

    Par le biais de l’amarre intrusive, venait de faire son entrée en scène, l’un des principaux protagonistes de l’histoire que raconte cet article.

    La première illustration, avec l’amarre intrusive en plein milieu, renfermait deux autres éléments dont l’évolution a fait que l’histoire contée commençait d’une manière tragique. Ces deux éléments étaient la silhouette noire du « Galiléo » à bâbord et la place vide à tribord.

    D’abord, les gros bateaux d’excursions, qu’évoquait la silhouette noire à bâbord du Zeph, et les ferries, qui étaient du même calibre, formaient un ballet incessant.

    Il en arrivait même à trois heures du matin, heure locale. :

     

    Le balcon posé sur la mer (7) à Κέα

     

    La photo a été faite depuis la nouvelle capote du Zeph.

    Sur le flanc du ferry, on peut lire le nom de la compagnie, qui travaillait si tard : c’était « Saos ferries ».

    Le mouvement perpétuel des ferries provoquait un très grand stress dans la configuration suivante :

     

    Le balcon posé sur la mer (7) à Κέα

     

    Pendant que le ferry « Artémis » de la compagnie « Hellenic Seaways » était en train de manœuvrer, deux voiliers tournoyaient devant le museau du Zeph. Ces deux voiliers avaient un seul but : s’emparer de la place vacante à tribord du Zeph.

    De ces deux voiliers, celui qui semblait le plus près du but était pourtant celui qui était entré dans le port après l’autre. Comme celui-ci avait des hésitations ou des difficultés en raison du vent très violent, le rival, qui était plus déterminé ou plus téméraire s’est mieux positionné pour l’assaut final.

    Sur le voilier en passe de s’emparer de la place convoitée, un homme habillé en vert faisait le guetteur.

    La photo suivante montre la rotation du bateau des hommes en vert avant la descente de leur ancre :

     

    Le balcon posé sur la mer (7) à Κέα

     

    Le bras droit levé, le Capitaine veillait à la sécurité de l’ancre du Zeph. De quelle utilité était cette pédagogie à distance ? Il n’est pas facile de répondre à cette question.

    En tout cas, le bateau des hommes verts a foncé sur la place vacante à la manière d’un bolide.

    Aux nouveaux voisins, le Capitaine a demandé la longueur de chaîne qu’ils avaient mise pour mouiller leur ancre. Avec beaucoup d’assurance, les hommes verts ont répondu, à deux reprises : « Quatre-vingt-dix mètres ! ». Pour une hauteur d’eau de six mètres.

    Voici la photo faite une demi-heure après :

     

    Le balcon posé sur la mer (7) à Κέα

     

    Le Spyros, qui était le bateau des hommes verts, flirtait de nouveau avec le museau du Zeph, mais cette fois-ci pour sortir de la place trop vite conquise, et donc mal conquise. Car en vérité, le Spyros des hommes verts n’a pas mouillé l’ancre avec une longueur de quatre-vingt-dix mètres, mais seulement de dix-sept mètres !

    Pendant ce temps, l’énorme bateau d’excursion, le Galileo en tenue d’ébène, manœuvrait pour s’en aller.

    Toute cette agitation était terriblement anxiogène.

    Catastrophe donc pour le Spyros ! Non seulement pour le Spyros, mais aussi pour le Zeph !

    Regardez, et vous comprendrez tout de suite pourquoi :

     

    Le balcon posé sur la mer (7) à Κέα

     

    L’ancre du Spyros, qui était noire et qui portait l’inscription « DELTΔ » écrite en blanc, soulevait avec ses crocs une chaîne qui montrait trois marques blanches et deux marques rouges. Cette chaîne était la chaîne d’ancre du Zeph !

    Donc, le Capitaine était contraint de remouiller notre ancre, avec un vent qui rabattait à 90° le Zeph, de telle façon que l’axe de celui-ci n’était plus perpendiculaire, mais parallèle au quai.

    Quel calvaire !

    Entre les tractions et les abandons, il y a eu des imprécations. Beaucoup d’imprécations qui se mêlaient à beaucoup de cris de colère et de désespoir.

    Ce n’était qu’à la troisième tentative que l’ancre du Zeph a été mouillée de façon satisfaisante.

    Au milieu de ce mouvement perpétuel qui était toxique et ravageur, une chose n’a pas varié, non pas parce qu’elle était inerte ou monotone, mais parce qu’elle représentait la fiabilité.

    Voici comment Marco, qui était milanais, parlait de cette chose fiable :

    « Siamo stati molto bene con voi, è nata subito empatia fra di noi. »

     

    En français :

    « Nous avons passé un très bon moment avec vous, l'empathie est immédiatement née entre nous. »

     

    La chose fiable, qui n’a pas varié depuis le rangement de l’amarre intrusive jusqu’au soutien physique et moral au cours de l’épreuve consistant à remouiller l’ancre, c’était l’empathie.

    L’adverbe « subito » (immédiatement), employé par Marco, était essentiel.

    Marco avait un adjoint, qui était Armando.

    Voici Armando en train de remettre la passerelle pour que le Capitaine aille à terre :

     

    Le balcon posé sur la mer (7) à Κέα

     

    Symboliquement, c’était pour que le Capitaine quitte l’anxiété et trouve du réconfort..

    Marco souriait en voyant cette transition vers la paix de l’esprit.

    Armando et le Capitaine ont rejoint Marco sur le banc où celui-ci était assis.

    Les nouveaux amis étaient intarissables :

     

    Le balcon posé sur la mer (7) à Κέα

     

    Le bonheur de l’échange était manifeste.

    Le mousse qui contemplait depuis la roue du gouvernail l’éclosion de cette belle amitié a suggéré au Capitaine de faire monter Marco et Armando sur notre balcon posé sur l’eau.

    Un peu plus tard, Silvia, une amie commune à Marco et Armando, nous a rejoints sur notre balcon pour déguster de l’ouzo et des pistaches :

     

    Le balcon posé sur la mer (7) à Κέα

     

    La photo montre que les voisins à bâbord s’intéressaient à notre joie. Le percepteur, qui collectait la taxe de séjour, s’émouvait de nos effusions. Des passants se sont arrêtés pour prendre en photo l’affection qui débordait de notre balcon posé sur la mer.

    Puis est arrivé ce qui devait arriver : la tentation de célébrer par des agapes le nouveau lien de l’amitié était irrésistible.

    Le mousse a donc improvisé pour retenir le καιρός.

    Le millésime 2012 du Pauillac sorti des fûts du Château Lynch-Moussas a ravi tout le monde.

     

    Le balcon posé sur la mer (7) à Κέα

     

    Nous avons fait tinter le cristal pour entendre la pureté de l’amitié naissante :

     

    Le balcon posé sur la mer (7) à Κέα

     

    À l’arrière-plan, se profilaient des feuilles de salade.

    À quoi pouvaient-elles bien servir ?

    Elles servaient d’enveloppes de fraîcheur à des rouleaux de printemps préparés à l’instant même :

     

    Le balcon posé sur la mer (7) à Κέα

     

    Marco, Armando et Silvia nous ont confié que les rouleaux de printemps qu’ils avaient mangés à Milan étaient moins bons.

    Nous les croyons volontiers car pour le mousse, la diététique et l’art culinaire sont indissociables. D’abord, les rouleaux de printemps du mousse sont faits avec une seule épaisseur de galette de riz, ce qui réduit le temps de passage dans l’huile bouillante. Ensuite, l’huile doit toujours être neuve, pour éviter les acides gras saturés qui favorisent le mauvais cholestérol.

    À table, nous n’avons pas parlé que de préparation culinaire.

    Nous avons surtout échangé au sujet de Maria Callas, Anna Magnani et Franco Zeffirelli.

    Pour finir, Marco nous a proposé de boire du café sur leur bateau.

    Pour la circonstance, Armando nous a mis l’air de Casta Diva, chanté par Maria Callas.

    Puis nous avons constaté notre admiration commune pour le talentueux Caravaggio.

    Ainsi, notre balcon posé sur la mer a découvert qu’il avait un jumeau !

    Le lendemain, au moment de l’au revoir, nous étions de nouveau invités sur le balcon jumeau pour savourer le café de la gémellité.

    Avec gratitude, nous avons accédé au parvis :

     

    Le balcon posé sur la mer (7) à Κέα

     

    Avec beaucoup d’émotion, nous sommes entrés dans l’intimité du balcon jumeau :

     

    Le balcon posé sur la mer (7) à Κέα

     

    Le balcon posé sur la mer à Κέα était un balcon du mouvement perpétuel. C’était aussi un balcon de la gémellité.

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