• La Cité Bicéphale dont nous parlons ici n’est pas la Byzance située sur les rives du Bosphore, mais l’Iκόνιο – IKONIO (transcription : Ikonio) au centre du plateau anatolien, que jadis l’apôtre Paul, accompagné de Barnabas, a visité au cours de son premier voyage missionnaire.

    Au XXIè siècle, le nom de ce centre névralgique est Konya.

    Voici les armoiries de Konya :

     

     

    Dans le cercle central, apparaissait un aigle bicéphale.

    Au-dessous de l’aigle, on pouvait lire :

    KONYA

    BÜYÜKŞEHİR

    BELEDIYESI

     

    Littéralement :

    KONYA

    GRANDE VILLE

    MUNICIPALITÉ

     

    Dans le cas présent, l’aigle bicéphale était emprunté à l’art seldjoukide, qui ornait, au XIIIè siècle, les murs du palais du Sultan avec des scènes de chasse.

    Cet arbre généalogique sorti des archives de l’Asie était un pied de nez à l’hégémonie des Byzantins.

    La Konya du XXIè siècle est qualifiée de Büyükşehir (littéralement : Grande-Ville).

    Sur tout le territoire de l’Anatolie, seule une trentaine avait accès au statut, si convoité, de « Grande-Ville », c’est-à-dire de métropole.

    Pour rehausser la proclamation de cette position de prestige, l’emblème était entouré par une couronne de tulipes qui exhibait deux fleurs à chaque point cardinal. Les huit tulipes se trouvaient donc aux sommets d’un octogone qui fleurissait pour la gloire de la métropole.

    Ce médaillon et une multitude d’exemplaires semblables ceinturaient la colline dont l’herbe verte apparaissait dans les interstices de l’ouvrage métallique.

    Cette colline portait le nom du plus célèbre des sultans seldjoukides :

    علاء الدين كيقباد بن كيخسرو

    (transcription : Alaeddin Keykubad I).

     

    En dépit de ce discours de la solennité, la Cité Bicéphale a mené les pas du Capitaine vers le giron de la poésie quand il a fallu trouver un gîte. En effet, le gîte que nous avons trouvé s’appelait « Doğanay Otel ». Littéralement : Hôtel Lever de lune.

    L’Hôtel Lever de lune nous a souhaité la bienvenue avec le profil gracieux des roses et ces mots bienveillants : « evinizin mutluluğu ».

    Littéralement : le bonheur de votre maison

     

     

    Les roses blanches aux reflets dorés et l’inscription ornaient le hall d’entrée, devant le guichet de la Réception.

    Dans le sens de la lecture, de gauche à droite, le premier mot rencontré est : ev-in-izin. Littéralement : « de votre maison »

    D’emblée, le texte déclarait que « cette maison est la vôtre ». Autrement dit : « Faites comme chez vous...Sentez-vous à l’aise ! »

    Avec ces paroles de bienvenue, le gîte quittait son statut impersonnel et devenait nôtre. Le suffixe grammatical qui indiquait l’entrée en possession transformait un cadre vide en lieu de jouissance.

    Avec une admirable cohérence, le second terme parlait du bénéfice de la halte. Quel bénéfice était mis en exergue ? L’Occident aurait vanté le confort, voir le luxe. Ici, l’hospitalité de la Cité Bicéphale mettait en avant le bonheur.

    En effet, dans l’Anatolie du XXI è siècle, bonheur se dit “ mutluluk ”. À ce substantif, était greffé un suffixe qui exprimait l’appartenance. Grammaticalement, on lit : le bonheur-[à elle], c’est-à-dire le bonheur qui appartient à la chose précitée, laquelle est VÔTRE maison.

    Il ne s’agit donc pas du bonheur en général, mais du bonheur spécifique à la maison dont VOUS allez prendre possession.

    L’hospitalité de la Cité Bicéphale utilisait à plusieurs reprises les subtilités grammaticales pour présenter le visiteur comme bénéficiaire du cadre spatial et du bien-être promis.

    Une formulation en français aurait simplement dit : « La maison du bonheur ».

    D’une part, une telle formulation gommait complètement l’importance accordée à la personnalité du visiteur. D’autre part, cette formulation mettait l’accent sur l’accès au gain plus que sur la nature du gain.

    La formulation dans l’Anatolie du XXIè siècle disait explicitement que c’était le bonheur qui constituait le point de mire.

    L’hospitalité de la Cité Bicéphale préférait parler du bonheur et non du confort ou du luxe. Car le bonheur, c’est plus que le confort ou le luxe. C’est au-dessus. C’est plus complet et plus fort.

    L’hospitalité de la Cité Bicéphale a mis à contribution sa finesse d’esprit et son éloquence scripturale pour offrir au visiteur un accueil séduisant. Et elle savait aussi faire vibrer le registre sonore de plaisir pendant qu’elle prenait grand soin de nous sur le plan matériel. Un exemple de ceci est donné par le repas de la première soirée.

    En attendant de trouver les repères qui permettraient notre autonomie, nous sommes allés dans une taverne proche du gîte pour déguster un sandwich anatolien.

    Il était confectionné à la manière d’une crêpe salée. Le résultat remis au client était un rouleau farci de lamelles de poulet, qui avaient le goût irrésistible du tourne-broche.

    Deux Anatoliens faisaient fonctionner cette taverne. L’un s’occupait de la cuisson et de la découpe de la viande. L’autre était caissier.

    Le caissier s’est enflammé de joie quand il a appris que le mousse était originaire du Viêt-Nam.

    Nous n’avons pas eu la suffisance de nous présenter en révélant nos origines et nous n’avons pas eu non plus l’impolitesse de ne pas répondre aux questions de nos hôtes.

    C’était donc l’Anatolien, celui qui tenait la caisse, qui a fait le premier pas.

    Pendant qu’il faisait le service, il nous a demandé d’où nous venions. Et quand il a su qu’il était en face de l’Orient-Extrême, il a explosé de joie. Pour lui, notre visite était un très beau cadeau de la vie.

    Dès cet instant, l’échange commercial passait au second plan.

    Seule la présence humaine dans ce qu’elle avait d’essentiel et de magique, mobilisait nos pensées.

    Pour quelle(s) raison(s) la manifestation de joie de l’Anatolien était-elle si somptueuse ?

    L’homme a identifié l’exceptionnel qu’il y avait dans cette rencontre. Cet exceptionnel correspondait à la réalisation d’un fantasme où l’Orient-Extrême était impliqué. Le caractère inattendu du cours des choses ne pouvait que donner à l’explosion de joie un caractère paroxystique.

    Le mousse était parfaitement conscient qu’il était l’épicentre de ce séisme affectif. Pour lui aussi, il y avait de l’exceptionnel dans cette rencontre. Jamais sa venue en tant qu’étranger n’a provoqué une explosion de joie d’une telle intensité. Alors il a voulu en garder un souvenir, à travers des images bien sûr. Évidemment, il a reçu l’autorisation de faire des photos.

    L’Anatolien, fasciné par l’Indochinois, était en extase.

    Voici l’homme amoureux des contrées lointaines :

     

     

    Deux jours après, l’Extrême-Orient a de nouveau été honoré avec beaucoup d’allégresse par l’hospitalité de la Cité Bicéphale. Voici le lieu de l’échange,

     

     

    Sur la photo, la mosquée était celle du Sultan Selim.

    Le parvis de roses servait de tapis pour les yeux et d’encensoir pour le nez.

    Le tram de la modernité passait entre l’édifice religieux et le parterre de roses. Arrivé au niveau de la voiture rouge, il faisait un virage de 90° pour s’enfoncer en direction de l’arrière-plan. Le mousse s’est donc posté au niveau de cette voiture rouge pour filmer le virage du tram.

    Voici le cadre de cette nouvelle position :

     

     

    À gauche de la photo, c’était le minaret de la mosquée du Sultan Selim, déjà mentionnée ci-dessus. À droite, se dressait le minaret, étincelant de faïence verte, de la mosquée Mevlana, célébrissime sur tout le territoire anatolien.

    Le mousse nourrissait l’ambition de faire un balayage qui partirait du museau du tram et finirait sur les deux minarets. Hélas, la météo était très instable et le soleil n’arrêtait pas de se mettre derrière les nuages pour interrompre le tournage, à cause de l’ombre projetée.

    C’était au cours de cette attente sans cesse prolongée que deux êtres charmants, pleins de fraîcheur et de vigueur, ont rencontré le mousse aux aguets. Manifestement, ils sortaient de la visite des deux mosquées.

    Les deux Anatoliens, qui avaient chacun la vingtaine d’années, ont commencé par se présenter. Non pas en disant leurs prénoms, comme c’était fréquemment le cas. Mais en se référant à leur arbre généalogique. En effet, presque de concert, ils ont dit, avec une voix tonique et joyeuse : « Nous sommes Kurdes ! »

    Cette « confidence », faite à haute voix, ne sonnait pas comme une revendication. Elle disait plutôt une satisfaction, qui se nourrissait de la mémoire vivifiante des origines.

    Saisissant la perche au vol, le mousse a demandé si les deux jeunes Anatoliens étaient de Van, l’illustre cité du Kurdistan. Comme réponses, le mousse a entendu : « Istanbul » pour l’un des deux interlocuteurs et « Izmir » pour l’autre.

    Inéluctablement, la question des origines a été retournée en direction du mousse pour faire la connaissance de celui-ci.

    Quand les deux Anatoliens ont appris qu’ils avaient en face d’eux quelqu’un qui venait du VietNam, une énorme joie s’est emparée d’eux. Ils n’ont pas pu s’empêcher d’éclater de rire. Ils riaient de bon cœur. Ils riaient, non par moquerie, mais par empathie. Car ils riaient en montrant les pieds du mousse, qui portaient des sandales ouvertes et qui n’avaient point de chaussettes.

    C’était le rire de la cohérence, de la compréhension et de la sympathie. Ce qu’ils avaient vu dès le premier coup d’œil correspondait avec ce qu’ils venaient d’entendre. À présent, ils comprenaient mieux la particularité de la tenue vestimentaire.

    L’hospitalité de la Cité Bicéphale se manifestait par un regard attentif et une prise en compte du moindre détail. Loin de choquer, la singularité était source de ravissement.

    Pour remarquer comment est le visiteur, ou ce que fait celui-ci, il faut lui consacrer du temps. L’accueil chaleureux est dans la qualité de ce temps investi.

    L’intérêt porté au visiteur concernait la manière dont celui-ci s’alimentait ou s’habillait, mais aussi et surtout, son approche du beau.

    Pendant que le fonctionnement du visiteur faisait l’objet d’une observation admirative, s’établissait une agréable communion.

    Un tel moment de communion a eu lieu sur l’avenue appelée Alaaddin Bulvarı (en français : Boulevard Aladin), à l’endroit où la Cité Bicéphale avait l’un de ses plus beaux monuments seldjoukides.

    Voici la façade de gloire du site :

     

     

    Des versets du Coran s’enroulaient pour former des guirlandes de lumière spirituelle.

    On pouvait lire, entre autres :

    إِنَّا نَحْنُ نُحْيِي الْمَوْتَى

     

    En français :

    Certes c'est Nous qui ramènerons les morts à la vie

    Sourate 36. Ayat 12

     

    Savoir que la vie ne finit pas comme une route sans issue : quelle merveilleuse espérance, qui offrait à qui voulait en jouir, sa beauté universelle !

    La pierre, minutieusement sculptée par le ciseau seldjoukide, vibrait intensément de cette espérance. Et le zoom du mousse essayait de capter les vibrations de cette pierre ocre.

    Le mousse s’appliquait à restituer les pleins et les déliés de la calligraphie quand il sentait dans son dos une présence. Il s’est retourné et a vu un couple de passants qui s’est arrêté pour contempler ce qu’il y avait sur l’écran de contrôle.

    L’Anatolienne venait de retirer son index, qui montrait à son compagnon la remarquable restitution sur l’écran.

    Le couple anatolien adressait au mousse un sourire approbateur, qui disait que le mousse a su, par sa conscience éveillée et son regard d’esthète, se faire adopter par la Cité Bicéphale.

    Une telle hospitalité, qui ne négligeait aucunement le second degré, était une véritable bénédiction.

    L’hospitalité interdisait l’indifférence.

    L’intérêt porté à l’autre, qui venait d’ailleurs, créait un rapprochement chargé d’empathie. La jeunesse, sans doute parce qu’elle n’était pas encore formatée par des préjugés, multipliait les initiatives pour venir au devant de l’étranger, le saluer, connaître son identité et sonder ses intentions. Une telle rencontre pleine de fraîcheur et d’intelligence a eu lieu sur la colline Alaeddin.

    Le mousse s’y est installé pour guetter le lever de la lune, qui devait, d’un moment à l’autre, révéler la splendeur de sa plénitude. À ce moment-là, passait un jeune Anatolien, qui aurait l’âge des futurs bacheliers.

    Intrigué par la position de guetteur du mousse, le lycéen s’est arrêté pour essayer de comprendre ce qui était en train de se préparer.

    Après les salutations d’usage, le jeune Anatolien a scruté l’écran de contrôle et voici ce qu’il y trouvait :

     

     

    L’extrême franchise du jeune Anatolien était très flatteuse. Celui-ci créait lui-même du suspens en cherchant à savoir sur quoi pourrait déboucher l’image qu’il venait de voir et qui lui semblait de si peu d’intérêt, pour l’instant.

    Venu pour faire la connaissance du mousse, le lycéen est devenu à son tour un personnage de théâtre captivant.

    Le lycéen n’était pas seul. Plusieurs camarades l’accompagnaient, mais tous étaient déjà repartis, car ils n’avaient pas sa ténacité.

    Cette ténacité honorait le jeune Anatolien.

    Intellectuellement, il attendait, à la manière d’un scientifique, un lien de cohérence entre le présent et le futur proche. Mais il avait aussi l’âme du poète, qui pressentait la nécessité d’un dénouement plus somptueux.

    Sur le plan de l’éthique, l’intérêt que témoignait le jeune Anatolien était loin d’être superficiel. L’hospitalité l’incitait à faire siens le projet et le raisonnement du visiteur.

    La cogitation qu’il menait pour parvenir à imaginer l’intégralité du scénario de tournage montrait qu’il prenait très à cœur la question.

    L’hospitalité était dans la vive attention manifestée à l’égard de ce qu’entreprenait le visiteur.

    Le mousse s’est gardé d’intervenir dans l’enquête menée par le jeune Anatolien. Celui-ci a fini par deviner le plan du mousse : il y aurait un zoom qui élargirait le champ de vision pour envelopper tout l’axe de circulation qui s’étirait à nos pieds. Cette artère s’appelait Mevlana Caddesi. La voici dans la perspective finale, avec la pleine lune :

     

     

    Si le jeune Anatolien ne s’était pas intéressé à ce que faisait le mousse, le lever de la pleine lune au-dessus de la Cité Bicéphale aurait eu certainement moins de charme.

    Le fait d’aller au-devant du visiteur pouvait comporter des risques, car l’élan envers l’autre bravait des interdits : il y aurait d’abord l’interdit concernant la promiscuité entre femme et homme, et ensuite l’interdit au sujet de la représentation sous forme humaine.

    Voici l’œuvre d’un tel élan courageux :

     

     

    Le portrait a été réalisé à l’intérieur de la mosquée Aziziye, devant le mihrab qui indiquait la direction de Jérusalem.

    La perspective restituée montrait qu’il ne s’agissait pas d’un selfie, mais d’une photo faite par une personne serviable, qui s’est placée à la distance appropriée. Jusque là, apparemment, les circonstances n’avaient rien d’extraordinaire. En vérité, elles renfermaient une prise de risque. Car la personne qui nous a pris en photo était une jeune Anatolienne, qui n’a pas agi à notre requête, mais qui spontanément avait proposé son service.

    Voici le portail d’entrée, tel que nous l’avons vu au moment de la photo :

     

     

    Il se composait de trois arches. La jeune Anatolienne avait pris place à côté du pilier qui séparait l’arche centrale et l’arche à droite, sur la photo.

    L’initiative de la jeune Anatolienne était inspirée par l’hospitalité de la Cité Bicéphale, qui s’affranchissait des contraintes rigoristes. Parce qu’elle voulait rendre service à des visiteurs, la jeune Anatolienne n’a pas craint de s’approcher des êtres masculins et de contribuer à la formation d’une effigie des formes humaines.

    L’hospitalité de la Cité Bicéphale dénotait un engagement de soi.

    L’hospitalité de la Cité Bicéphale prenait soin de notre personne, mais également de nos biens. Parmi ceux-ci, il y avait la voiture qui contribuait à notre mobilité et à notre autonomie.

    Un homme dévoué s’est proposé de prendre soin de notre voiture. Il gérait un parking sécurisé, appelé Oto Park, qui fermait ses portes à 19h. Très vite, il s’est pris d’affection pour le Capitaine.

    Pour le dernier jour, l’Anatolien nous a fait cadeau de la moitié du forfait journalier.

    Le voici au moment de l’au revoir :

     

     

    Il portait la main droite en direction de son cœur pour dire à quel point celui-ci s’était attaché à nous.

    Le gérant de l’Oto Park avait comme voisin et ami, un homme qui tenait un salon de coiffure. Quand il n’y avait pas de client au salon de coiffure, les deux hommes bavardaient ensemble, à l’entrée de l’Oto Park.

    Le coiffeur ne pouvait pas ignorer la relation privilégiée que le gérant de l’Oto Park venait de nouer avec le Capitaine. Le coiffeur, qui avait l’esprit ouvert et l’âme généreuse, s’est tout de suite associé à l’accueil bienveillant que nous réservait son ami.

    Voici le coiffeur devant son salon de coiffure :

     

     

    Quand il nous a vus arriver devant l’Oto Park avec plein de bagages à remettre dans la voiture, il nous a rejoints pour proposer son aide. Après les salutations d’usage, il a vite couru à son salon pour nous ramener des bonbons. À chacun de nous, il en a donné deux. Les voici :

     

     

    Pourquoi avait-il couru ?

    Sans doute parce qu’il avait peur de nous rater quand il serait de retour. Mais surtout parce qu’il était content de nous offrir quelque chose qui nous rappellerait sa présence au moins dans les premiers kilomètres. Ce serait comme s’il nous accompagnait physiquement sur un bout de notre route.

    L’hospitalité était dans l’empressement.

    Après avoir donné les bonbons, le coiffeur a accompagné nos pas, physiquement et dans l’immédiat, en portant la glacière depuis l’entrée du parking jusqu’à la voiture. Spontanément, il s’est chargé d’une tâche qui incombait au mousse.

    L’Anatolien a trouvé que c’était naturel pour lui de nous rendre service.

    L’hospitalité était dans la pureté du geste.

    L’adverbe « physiquement » a été employé à plusieurs reprises précédemment. Mais l’Anatolien ne s’est pas cantonné dans l’aspect physique. En se servant de la traduction automatique sur son téléphone portable, il a demandé au Capitaine notre destination après Konya.

    Nous lui avons répondu : « La Cappadoce ».

    En s’informant de notre point de chute pour ce soir, l’Anatolien agissait comme s’il voulait faire la route jusqu’au bout, en notre compagnie.

    L’hospitalité était dans le désir de complétude.

    Au moment où notre voiture s’apprêtait à franchir le seuil du parking dans le sens de la sortie, le gardien, celui qui nous avait fait cadeau de la moitié du forfait journalier, s’est placé devant le pare-choc pour nous prendre en photo. L’homme voulait un souvenir de nous. Car nous sommes devenus ses amis.

    Il est légitime que nous nous posions cette question : combien de voitures le gardien aurait-il arrêtées comme il a fait avec la nôtre ?

    Il n’est pas incongru de notre part de penser que la réponse à cette question est : « zéro ».

    L’hospitalité de la Cité Bicéphale était un témoignage d’amour, dont la finalité consistait à laisser un sillage impérissable dans l’onde de la mémoire. Ce sillage se concrétisait par la relation épistolaire qui préservait et vivifiait des souvenirs inestimables. Parmi ceux-ci, il y avait la scène où le gérant de l’Oto Park a arrêté notre voiture pour nous prendre en photo.

    Le mousse a écrit ce courrier au coiffeur, qui était aussi le scribe du tandem anatolien :

     

    Sevgili Mehmet ve Hikmet,

    Nezaketin için teşekkür ederim.

    Mehmet bize verdiğin şekerler çok güzeldi. Soğutucuyu kendiliğinden araca taşıdığınız için teşekkür ederiz.

    Veda fotoğrafları ektedir.

    Hikmet arabamız Otoparktan çıkarken fotoğrafımızı çekti. Bu fotoğrafı bize gönderebilir misiniz ? Şimdiden teşekkürler.

    Minh

     

    En français :

    Chers Mehmet et Hikmet,

    Merci beaucoup pour votre gentillesse.

    Mehmet, les bonbons que tu nous as donnés étaient très bons. Merci d’avoir porté spontanément la glacière jusqu’à la voiture.

    Ci-joint les photos de l’au revoir.

    Hikmet a fait une photo de nous quand notre voiture sortait de l’Otopark. Pouvez-vous nous envoyer cette photo ? Merci d’avance.

    Minh

     

    La photo de l’ultime au revoir nous est parvenue le lendemain.

    La voici :

     

     

    Il y avait dans le geste de l’Anatolien une inspiration digne de Lamartine.

    Le poète français disait : « Ô temps, suspends ton vol ! »

    Le photographe anatolien a dû faire un vœu similaire, avec ces mots :

    « Ô pare-choc, suspends ton avancée...pour que je prenne en photo des amis qui sont dans la voiture. »

    La Cité Bicéphale donnait à l’amitié naissante l’exquise saveur de la tendresse.

    Voici une image de cette tendresse :

     

     

    Cette tendresse continue de prospérer jusqu’à ce jour, grâce au lien épistolaire.

    L’hospitalité de la Cité Bicéphale nous conviait à des paysages qui n’étaient ni impassibles, ni muets. Au contraire, les paysages qui nous étaient offerts parlaient à notre cœur, avec une voix audible, éloquente et bienfaisante.

    Pin It

    2 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique