• De mémoire de Zeph, les nuages les plus somptueux étaient ceux d'Ερμιόνη – ΕΡΜΙΟΝΗ. Voici le magnifique spectacle d'un départ très matinal, sous le regard complice du phare rouge :

     

    La route des nuages

     

    Les nuages introduisaient des variations qui enrichissaient la palette des tons chauds.

     

    La route des nuages

     

    Dans la solitude des premières heures du jour, la route des nuages exaltait l'esprit d'aventure et la poésie de l'évasion.

    Le Zeph était aux avant-postes pour profiter de la féerie des nuages. Le voici à proximité du phare rouge :

     

    La route des nuages

     

    Sur le pont à l'avant, côté bâbord, le génois, abaissé la veille pour la visite du chef des travaux de l'entreprise Quantum Sails, continuait de montrer son corps malmené par la tempête dans l'archipel des Παξοί – ΠΑΞΟΙ.

    Nos cousins transalpins ont coutume de dire : « Le nuvole in cielo sono come i sogni quando vagano nel fondo della nostra mente. »

    Les nuages dans le ciel sont comme des rêves quand ils errent au plus profond de notre esprit.

     

    Le Zeph, qui portait encore les stigmates physiques et psychiques causés par cette tempête, rêvait d'une guérison complète et définitive.

    Le cosmos, dans sa tenue flamboyante, se montrait solidaire de ce rêve de guérison.

    À Αίγινα – ΑΙΓΙΝΑ aussi, les nuages ont offert au Zeph de magnifiques tableaux.

    Le voici, au quai municipal :

     

    La route des nuages

     

    Sur cette photo, le Zeph était en deuxième position, en partant de la gauche.

    Il avait son museau dirigé vers l'entrée du port.

    C'était le lendemain de la visite du temple d'Aphaïa. Cette visite mémorable nous a plongés dans l'extase. La magnificence du ciel au coucher du soleil était une manière pour le cosmos d'entrer en résonance avec notre enchantement.

    Cette résonance ne devrait-elle pas commencer le jour même de la visite du sanctuaire ?

    Effectivement. Le ravissement né sur le site archéologique a tout de suite connu une amplification devant ce panorama du rivage occidental de l'île :

     

    La route des nuages

     

    L'asphodèle, ébloui par le chatoiement de l'ambre, de l'ocre et du pourpre, retardait le moment de rejoindre le royaume des ombres.

    La route des nuages nous rappelait que nous venions de vivre une expérience unique : avec le temple d'Aphaïa, nous connaissions à présent le « triangle sacré » qu'il formait avec le Parthénon et le Sounion.

    La route des nuages comblait une quête mystique.

    Même lorsque le disque solaire était passé sous l'horizon, la magnificence demeurait, grâce aux nuages empourprés qui continuaient d'éclairer la robe safranée des pavots.

     

    La route des nuages

     

    La route des nuages s'associait à la découverte de ce qui était beau, harmonieux et noble.

    Le poète brésilien Paulo Coelho livre le secret de la splendeur des cieux rencontrés depuis le début de l'article. Il déclare :

    Não se esqueça : belos pôr do sol precisam de um céu nublado. - ( em “ O Zahir ”, 2005)

    N'oubliez pas : les magnifiques couchers de soleil ont besoin d'un ciel nuageux.

     

    Conscients de la plus-value apportée par le relief chromatique, les nuages maintenaient leur présence magique, même lorsque la tendance générale était au dépouillement absolu.

     

    La route des nuages

     

    Avec les dernières lueurs du crépuscule, le Golfe Saronique, qui baignait le rivage occidental d'Αίγινα – ΑΙΓΙΝΑ, ressemblait à un immense lac où se miraient des stratus emplis de romantisme.

    Le même principe est valable pour les levers de soleil.

    C'est l'obstacle à la lumière qui révèle l'attrait exceptionnel de celle-ci.

    Un rêve est une anticipation, grâce à l'intuition.

    Selon le dicton transalpin, la route des nuages a donc une portée prophétique.

    Il arrive que le rêve soit un cauchemar. Même dans ce cas, la valeur prophétique reste d'actualité.

    Le rôle prémonitoire des nuages était flagrant quand il s’agissait pour le Zeph de retourner à la terre ferme.

    Après avoir attendu pendant neuf jours que la mer soit parfaitement calme, nous avons reçu du chantier Καλυψώ – ΚΑΛΥΨΩ le signal pour être grutés hors de l’eau.

    Le matin du rendez-vous avec la grue, voilà la surprise qui nous guettait :

     

    La route des nuages

     

    Tous les nuages autour de nous se liquéfiaient en larmes. Mais nous n'avons pas compris leur message.

    Ils rendaient les trottoirs glissants, mais ils ne blaguaient pas.

    Manifestement, un coup de théâtre se préparait.

    Mais au moment de quitter le quai municipal de Πόρος – ΠΟΡΟΣ, qui nous avait offert l’asile pendant les neuf jours d’inquiétude, nous ignorions encore l’ampleur du drame.

    Le capitaine s’est quand même mis en tenue de combat :

     

    La route des nuages

     

    Confiants et courageux, nous nous sommes dirigés vers le lieu du rendez-vous.

    Il a fallu que nous soyons face au chantier Καλυψώ – ΚΑΛΥΨΩ pour prendre conscience de la catastrophe annoncée par la route des nuages : à cause du mauvais temps, la grue ne pourrait pas travailler, ni ce matin-là, ni cet après-midi-là. Il nous faudrait de nouveau patienter. Mais où ? Ici, c’est-à-dire sur place, devant le chantier, dans l’incertitude, au milieu des flots hostiles ? Et jusqu’à quand ?

    Nous étions dans la confusion la plus totale.

    Au sens propre comme au sens figuré, les nuages de pluie nous ont brouillé toute visibilité.

    Nous étions las, abattus, découragés.

    Finalement, nous nous sommes résignés à solliciter une nouvelle fois l’hospitalité du quai municipal de Πόρος – ΠΟΡΟΣ. Le cœur amer, nous avons fait demi-tour pour regagner la place que nous avions laissée deux heures plutôt.

    Hélas, ce retour forcé a eu son propre lot de désagréments.

    Nous étions tout près de notre ancien emplacement quand une voix très autoritaire nous a ordonné de stopper la manœuvre et de venir nous ranger tout de suite à l’endroit désigné par un index qui ne supportait pas la contestation. L’ordre intimé et l’index inflexible donnaient l’impression que l’uniforme nous a sifflés comme on siffle un chien pour qu’il se mette à plat ventre au pied du maître.

    Dans notre cas, c’était une « maîtresse », encore très jeune, mais très zélée, trop zélée. Trop suspicieuse aussi. Et bornée à l’extrême.

    Dans son excès de zèle, cet uniforme au féminin nous a pris pour un navire marchand !

    Comme la confusion était tragiquement grotesque !

    Nous avons courbé l’échine et nous avons obéi à l’uniforme, pour ne pas payer les amendes.

    Les larmes des nuages de ce matin étaient aussi pour ce déficit d’hospitalité de la part d’un représentant officiel de la Grèce.

    Meurtris, affligés, désabusés, nous interrogions le ciel.

    Voici ce que nous avions au-dessus de nos têtes, physiquement :

     

    La route des nuages

     

    Les masses sombres qui envahissaient le ciel nous réservaient-elles d’autres pluies ?

    Au premier plan, le museau du Zeph grelottait dans l’incertitude.

    Dans cette photo, le Zeph avait son flanc droit contre le quai, conformément à l’ordre donné par la sentinelle.

    Deux photos au-dessus, l’axe du Zeph était perpendiculaire au même quai. C’était l’emplacement de la liberté.

    Quelle perspective pouvait encore s’offrir au Zeph quand il se retrouvait cadenassé dans l’emplacement de la contrainte ?

    Finalement, les divinités ont eu pitié de nous.

    Le lendemain de la double déception, la sortie hors de l'eau a eu lieu, non sans appréhension.

    Voici le Zeph dans son nouvel abri :

     

    La route des nuages

     

     

    Au premier plan, se trouvaient son éolienne sans vie et ses panneaux solaires encore en bon état. À droite de la photo, le soleil s'apprêtait à passer au-dessus de l'horizon. Parmi les lumières qui avaient éclairé les rues de Πόρος – ΠΟΡΟΣ au cours de la nuit, certaines étaient encore visibles. Vers le centre de la photo, s'étendait le mouillage qui a été le plus calme que le Zeph ait connu.

    Le panorama aux premières heures du jour est magnifique. Mais le message des nuages reste ambigu. Voici ce que le Zeph voit régulièrement au-dessus de sa tête depuis qu'il est sorti de l'eau :

     

    La route des nuages

     

    L'éclaircie finira-t-elle par triompher ?

    L'inévitable rétrospective nous ramène vers d'autres cieux, où les nuages s'amusaient à être transparents, tellement transparents qu'ils devenaient invisibles et inoffensifs. C'était le cas à Λευκάδα – ΛΕΥΚΑΔΑ, qui était la première escale à la sortie de l'hivernage.

    Le nom du lieu faisait référence à l'éclat de sa blancheur, qui était une conséquence de la pureté de l'air et de la lumière.

    Cette pureté se voyait dès l'aurore, comme le montre la photo suivante :

     

    La route des nuages

     

    Le Zeph, reconnaissable à son éolienne encore valide, à sa bouée rouge et à son orin rouge aussi, était amarré entre deux autres bateaux. Du côté de sa proue, il y avait un deux-mâts, qui s'appelait ΑΙΓΑΙΩΤΙΣΣΑ II NK 32. Du côté de la poupe, se trouvait un voilier qui avait pour nom Nεφέλη – NEΦΕΛΗ (en français : Nuage).

    L'horizon visible indiquait l'Est. Le soleil qui préparait son entrée en scène n'a pas encore volé la vedette, ni au phare vert qui marquait l'entrée du chenal, ni aux lampadaires qui inondaient le quai de leur lumière ambrée.

    Dès les premiers instants du jour, la pureté du ciel était déjà exceptionnelle.

    Sans jeu de mots, les nuages « brillaient par leur absence ».

    La route des nuages était alors celle de la lucidité, mais aussi de l'optimisme. La belle saison venait de commencer, loin du Covid et des contradictions administratives.

    Toute la voûte céleste bénéficiait de la pureté octroyée par l'absence de nébulosité.

    Voici le spectacle en direction de l'Ouest :

     

    La route des nuages

     

    Au premier plan, apparaissaient les amarres du deux-mâts ΑΙΓΑΙΩΤΙΣΣΑ II NK 32. À l'arrière du Zeph, le voilier Nεφέλη – NEΦΕΛΗ attirait tout le faisceau ambré d'un lampadaire.

    Sur la gauche de la photo, le phare de la forteresse Αγία Μαύρα – AΓΙΑ ΜΑΥΡΑ mettait son clignotant pour prévenir les navigateurs les plus matinaux de la proximité du pont tournant.

    À droite de la photo, les lumières de la ville prolongeaient les festivités des couche-tard invétérés.

    L'absence de nuages contribuait à créer un climat serein, insouciant, bien agréable.

    Hélas, les nuages à Λευκάδα – ΛΕΥΚΑΔΑ n'étaient pas toujours transparents et invisibles. Il arrivait qu'ils accourent comme une horde mugissante et déclenchent des trombes d'eau impressionnantes.

    Voici un spectacle qu'ils ont laissé après l'orage :

     

    La route des nuages

     

    Le ciel a gardé son aspect menaçant. La menace qui n'était pas complètement évacuée assombrissait prématurément les flots.

    Le changement de temps pouvait être soudain et brutal.

    Il constituait un défi à l’adaptabilité et à la persévérance.

    Par son caractère foncièrement imprévisible, la route des nuages est le reflet de la vie véritable, pleine de surprises et de rebondissements.

    Le poète bengali রবীন্দ্রনাথ ঠাকুর (en français : Rabindranath Tagore), récompensé par un Nobel de littérature en 1913, indique la bonne attitude à adopter pour ne pas être déstabilisé par des conditions apparemment défavorables. Il déclare :

    « মেঘগুলি আমার জীবনে ভেসে আসছে, আর বৃষ্টি বা সূর্যের ঝড় তুলতে হবে না, তবে আমার সূর্যাস্তের আকাশে রঙ যোগ করবে। »

     

    « Les nuages viennent flotter dans ma vie, non plus pour apporter du vent ou de la tempête, mais pour ajouter de la couleur à mon coucher de soleil. »

     

    La route des nuages devient alors celle de l'illumination.

     

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