• Σπέτσες – ΣΠΕΤΣΕΣ nous a accueillis avec la douce saveur du désintéressement.

    À Σπέτσες – ΣΠΕΤΣΕΣ, un immense cargo a prêté son flanc gauche pour protéger le Zeph de la houle du large :

     

    La saveur du désintéressement

     

    La protection a été immédiate, efficace, sans date limite, sans compensation. Elle a été offerte sans aucune arrière-pensée.

    Dès notre arrivée sur l’île, la météo a été le premier sujet d’inquiétude. Le second, qui était non moins oppressant, était le ravitaillement en eau douce.

    En raison de la position excentrée du Zeph, aucun tuyau ne serait assez long pour le relier à un éventuel robinet. Encore fallait-il dénicher ce robinet providentiel !

    Le Capitaine a vaillamment traversé la baie à la rame pour aller prospecter du côté des quais qui se trouvaient à l’arrière-plan.

    En suivant l’axe du Zeph, de la proue vers la poupe, on aboutirait à un bâtiment blanc, flanqué d’une terrasse. Sur la photo, le toit blanc de cette terrasse apparaissait tout de suite à gauche du mât du Zeph.

    C’était là où avait lieu le geste désintéressé du Grec qui n’a pas voulu polluer l’hospitalité par des considérations mercantiles. La pureté de l’eau offerte témoignait de la pureté de ce cœur hellène.

    Voici une vue rapprochée du bâtiment blanc et de sa terrasse couverte :

     

    La saveur du désintéressement

     

    À cet endroit, la route formait une pointe, qui se prolongeait par un petit quai transversal, où étaient amarrées plusieurs barques de pêche. Les mobs qui se trouvaient sur la droite de la photo étaient les moyens de locomotion terrestres des pêcheurs.

    Voici celui qui a sauvé le Zeph de la soif et de la déshydratation :

     

    La saveur du désintéressement

     

    L’homme a montré au Capitaine le robinet libre, disponible, fonctionnel. Le Grec a accompli son geste sans aucune négociation, sans aucun troc, sans aucune attente.

    Notre bienfaiteur était heureux de nous rendre service. Le désintéressement donnait à son bonheur un charme irrésistible.

    La saveur de la pureté est un délice inoubliable.

    Une pancarte bleue avec des lettres blanches donnait le nom du lieu où s’est produit le miracle de l’eau douce. Le nom officiel était :

    ΠΡΟΒΛΗΤΑ

    ΑΘΑΝΑΣΙΟΥ

    ΤΣΑΛΔΑΡΗ

     

    En français :

    EMBARCADÈRE

    ATHANASIOS

    TSALDARIS

     

    À cet embranchement où la route de la mer se greffait sur une voie terrestre, le chemin du Zeph a rencontré celui d’un cœur compatissant, serviable et généreux.

    Voici la croisée des chemins, vue à partir de la terrasse :

     

    La saveur du désintéressement

     

    Pas très loin du centre de la photo, apparaissait la pancarte qui nommait le quai transversal. À l’arrière-plan, était visible le tandem formé par le Zeph et le cargo qui protégeait celui-ci.

    À son insu, le Zeph avait son museau déjà tourné en direction du robinet providentiel.

    Qui a orienté le Zeph de cette façon, dès les premiers instants ?

    Il n’y a que les divinités qui pouvaient anticiper de la sorte.

    Un rayon lumineux qui partirait du Zeph pour rejoindre la pancarte du quai transversal arriverait sur la terrasse au niveau de l’olivier, l’arbre de la paix et de la prospérité.

    Quelle mise en scène prodigieuse !

    L’eau douce, offerte de manière désintéressée au Zeph, procurerait à celui-ci la paix de l’esprit et assurerait la prospérité de ses projets !

    Quel était ce bâtiment blanc qui avait disposé au bon endroit l’olivier sacré ?

    Voici sa façade, quand on la regardait à partir des barques de pêche :

     

    La saveur du désintéressement

     

    Il s’agissait de l’établissement Orloff, qui proposait des menus de gourmets à chaque crépuscule.

    Le nom de la halte gastronomique apparaissait au-dessus du profil d’un aigle bicéphale, qui faisait allusion à l’héritage de Byzance.

    Dans le cas du Zeph, l’accès au robinet providentiel a eu lieu sous le regard bienveillant de l’aigle byzantin. Autrement dit, le désintéressement n’était pas une improvisation du moment mais un legs du passé.

    En la circonstance, la noblesse de l’hospitalité grecque a choisi un cadre éclatant de pureté pour s’exprimer :

     

    La saveur du désintéressement

     

    Devant l’olivier sacré de la maison Orloff, dans la pureté de l’azur, Σπέτσες – ΣΠΕΤΣΕΣ nous a offert, dès le premier jour, son trésor inestimable qui était le désintéressement. Ce don rafraîchissant apportait à notre séjour dans l’île une saveur exquise.

    Réconfortés, stimulés, bénis, nous avons désiré connaître le cœur de la cité portuaire en empruntant les ruelles qui étaient en retrait par rapport au front de mer. Les divinités nous ont menés vers des cœurs en or chez les insulaires.

    La route buissonnière du Capitaine nous conduisait d’une façade blanche à une autre, d’une cascade de bougainvilliers à une autre, quand une configuration insolite nous a fait tressaillir. La voici :

     

    La saveur du désintéressement

     

    Ce qui était singulier en la circonstance, c’était le fait que le parvis qui introduisait l’église n’était pas une exhibition de la minéralité. Au contraire, il faisait la part belle à la prospérité du végétal.

    Il y avait de la singularité dans la singularité. En effet, dans le spectacle de la luxuriance, un phénomène ravissant prenait place, avec magnificence : c’était celui de la symbiose entre deux espèces végétales, l’une hérissée de piquants et l’autre au contact velouté.

     

    La saveur du désintéressement

     

    Le tableau serait-il une illustration de la première venue du Messie, en rappelant que la couronne d’épines était un préalable à l’accomplissement de la mission du Rédempteur ?

    La plante hérissée de pointes acérées ne semblait pas originaire du sol grec. Elle rappelait ses sœurs établies dans le Nouveau Monde, outre Atlantique.

    Autrement dit, le message christique concerne le territoire de ce côté des colonnes d’Hercule comme celui de l’autre côté. Pendant que votre serviteur était plongé dans l’évocation de cette universalité, une voix féminine lui a dit, dans le dos :

    « Μέσα ; »

    (littéralement : « Dedans ? »)

    Quel groupe nominal était introduit par la préposition qui désignait l’intérieur ?

    Tout naturellement, votre serviteur a compris : « Dedans [l’église] ? »

    Il s’agirait d’un raccourci. La phrase complète serait :

    « [Ça vous intéresse de voir ce qu’il y a] dedans [l’église] ? »

    Devant tant d’affabilité, nous ne pouvions que répondre positivement. Mais, surprise, surprise, ce n’était pas le « dedans » du sanctuaire qui nous a été dévoilé, mais le dedans d’une mignardise.

    Votre serviteur n’a pas vu la porte de l’église s’ouvrir, mais un chou à la crème :

     

    La saveur du désintéressement

     

    Une moitié pour le visiteur, l’autre moitié pour la nymphe des lieux.

    Quelle délicieuse bouchée !

    Pourtant, il n’y a eu aucune commande préalable de notre part. Mieux, rien ne sous-entendait qu’il y aurait une « addition » à la sortie.

    À son tour, le Capitaine a eu son instant d’extase, avec un autre chou, fourré au chocolat :

     

    La saveur du désintéressement

     

    Même partage équitable. Même euphorie, extrêmement communicative.

    Le désintéressement est venu jusqu’à nous, sur le parvis de l’église.

    Mais la surprise ne s’arrêtait pas là. Car nous étions ensuite conviés à prendre le café.

     

    La saveur du désintéressement

     

    Nous commencions à comprendre que la Grèce nous dorlotait. Alors, nous avons laissé la fée du logis donner libre cours à son accueil désintéressé.

    Le « dedans » dont elle parlait était d’abord le « dedans » de sa maison, qui était une manifestation de celui de son cœur.

    Après nous avoir rassasiés avec tant de bontés, la nymphe des lieux nous a conduits jusqu’à la porte de l’église, non sans avoir glissé dans nos mains une autre gourmandise pour itinérants : les délicieuses pistaches de l’île Αίγινα – AΙΓΙΝΑ.

     

    La saveur du désintéressement

     

    Torréfiées avec délicatesse, elles sentaient bon car elles n’avaient pas été agressées ni par la chaleur, ni par le sel.

    Accompagnés par ce doux parfum qui charmait les papilles et le cœur, nous avons goûté pleinement au bonheur de découvrir le « dedans » de l’église.

    Celle-ci date des temps glorieux où la Grèce cherchait à secouer le joug ottoman.

    En effet, voici ce qui était écrit sous le clocher :

    ΙΕΡΟΣ ΝΑΟΣ YΠΑΠΑΝΤHΣ

    1823

     

    SANCTUAIRE DE LA PRÉSENTATION

    1823

     

    La saveur du désintéressement

     

    Σπέτσες – ΣΠΕΤΣΕΣ a été la première île grecque à dresser le drapeau de la révolte contre l’envahisseur. Ce signal pour la liberté a été hissé sur l’île au matin du 3 avril 1821.

    La Guerre d’Indépendance n’a pris fin que le 21 juillet 1832, avec le Traité de Constantinople.

    Autrement dit, l’année 1823 indiquée sous le clocher de l’église signifiait que celle-ci a été témoin des sacrifices des héros de la première heure.

    Inévitablement, le « dedans » était en lien avec l’histoire de cet héroïsme.

    Des bateaux accrochés au plafond rappelaient que Σπέτσες – ΣΠΕΤΣΕΣ avait mis sa flotte marchande au service de la cause nationale.

     

    La saveur du désintéressement

     

    Avec générosité, la nymphe des lieux nous a offert une abondante lumière pour que nous puissions connaître l’histoire du peuple grec par « dedans ».

     

    La saveur du désintéressement

     

    Dans la pureté du cristal suspendu au plafond, se voyait la noblesse du cœur de notre hôtesse. À aucun moment, la beauté du voyage culinaire puis culturel qu’elle nous a offert n’a été entachée par les scories du mercantilisme.

    Au sanctuaire ΥπαπαντήYΠΑΠΑΝΤH, le désintéressement avait la sublime saveur de la crème pâtissière, du chocolat onctueux, du café parfumé et des pistaches délicatement torréfiées.

    La poétesse milanaise Alda Merini a écrit ce poème :

    Abbiamo fame di tenerezza, in un mondo dove tutto abbonda

    siamo poveri di questo sentimento

    che è come una carezza

    per il nostro cuore

    abbiamo bisogno di questi piccoli gesti

    che ci fanno stare bene,

    la tenerezza

    è un amore disinteressato e generoso,

    che non chiede nient’altro

    che essere compreso e apprezzato.

     

    Nous avons faim de tendresse, dans un monde où tout abonde

    nous sommes pauvres de ce sentiment

    qui est comme une caresse

    pour notre cœur

    nous avons besoin de ces petits gestes

    qui font que nous nous sentons bien,

    la tendresse

    est un amour désintéressé et généreux,

    qui ne demande rien d'autre

    que dêtre compris et apprécié.

     

    Pour reprendre les termes du poème, le désintéressement et la tendresse sont indissociables.

    En nous réservant un accueil désintéressé, la Grèce nous a tendrement aimés.

    Le contact s’établit non pas au niveau du portefeuille mais au niveau du « cœur ».

    La saveur du désintéressement est un pur délice, comparable à celui qui serait apporté par une « caresse ».

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