L'attrait du flambeau

En quoi le flambeau dont il s’agit est-il attrayant ? Est-ce à cause de sa forme et de sa décoration ? Ou bien son attrait est-il dû à sa fonction et à son message ?

Voici l’objet qui retient notre attention :

 

 

Un cylindre allongé transportait des flammes, courtes mais acérées. Elles se rabattaient vers le porteur, qui était un jeune Grec. Son visage reflétait une ferme détermination, celle de ne pas rater le but. Le but au sens de la cible par rapport à l'art militaire, mais aussi au sens de la portée symbolique par rapport à l'enjeu politique.

Les yeux étaient grand ouverts et regardaient fixement, avec une profonde indignation et une grande méfiance.

Car c’était l’ennemi qui était ainsi observé.

Un ennemi extrêmement dangereux, cruel et humiliant, qui se targuait d’avoir étouffé la liberté depuis quatre siècles.

Le vent marin, qui soufflait contre le visage, ramenait le souffle insolent de l’envahisseur.

 

 

Les mèches soulevées donnaient à la chevelure l’apparence d’une crinière.

Le félin qui possède une crinière est toujours associé à l’exercice de la justice.

Par conséquent, la crinière que le vent de la mer donnait au jeune Grec proclamait la légitimité de l’action entreprise avec le flambeau.

Quelle mission était confiée à celui-ci ?

L’habit fournissait un élément de réponse.

 

 

Le pantalon bouffant, au fond bas, était porté par les éléments masculins de la Résistance grecque, qui cherchait à briser le joug ottoman.

Voici la présence ottomane :

 

 

Il s’agissait de la flotte qui venait de quitter Μονεμβασιά – ΜΟΝΕΜΒΑΣΙΑ (en français : Monemvassia) pour prêter main forte à la garnison stationnée à Ναύπλιο – ΝΑΥΠΛIO (en français : Nafplie), dans la forteresse médiévale. Car ceux-ci subissaient un siège conduit par d’autres Résistants grecs.

La route maritime choisie par l’envahisseur passait par Σπέτσες – ΣΠΕΤΣΕΣ (en français : Spetses). Craignant une mise à sac, les Résistants grecs ont organisé en conséquence la défense de l’île.

Parmi ceux qui participaient à la protection du territoire insulaire, il y avait notre porteur de flambeau. Il s’appelait Κοσμάς Μπαρμπάτσης – KΟΣΜΑΣ ΜΠΑΡΜΠΑΤΣΗΣ (en français : Komas Barbatsis).

Le feu allumé par le Grec était destiné à semer la panique au sein de l’ennemi.

Pour cela, le jeune homme a précipité son bateau incendiaire en direction du navire amiral de la flotte ennemie. Celui-ci a pris peur à la vue du brûlot.

La hardiesse et l’efficacité des marins de Κοσμάς Μπαρμπάτσης étaient proverbiales.

 

 

Voici ce que le navire amiral ottoman voulait à tout prix éviter :

 

 

D’être converti en un immense brasier !

Alors, il fallait vite s’échapper du lieu, avant que le brûlant abordage n’ait lieu.

Le navire amiral ottoman a battu en retraite. Les autres navires ottomans ont aussi abandonné la partie.

La Résistance grecque était sortie victorieuse de cet affrontement, grâce à l’héroïsme de Κοσμάς Μπαρμπάτσης – KΟΣΜΑΣ ΜΠΑΡΜΠΑΤΣΗΣ.

Flambeau de la dignité.

Relever le front devant l’Ottoman était la seule façon de rester fidèle à la mémoire des ancêtres.

Flambeau de l'engagement.

Le don de soi émanait d’un choix éclairé et courageux.

Flambeau de l'espoir.

S’investir de toutes ses forces et croire en la victoire.

Flambeau de la dextérité.

Car le feu destiné à l’ennemi pouvait très bien se retourner contre son propre camp.

 

 

L’arme était à double tranchant : il fallait savoir manœuvrer vite pour se dégager du piège de l’explosion.

Grâce au geste héroïque accompli par le flambeau, Σπέτσες – ΣΠΕΤΣΕΣ, la terre insulaire, était aux anges.

Toute l'aire azurée appelée Ο Αργολικός κόλπος (en français : le Golfe Argolide) aussi, jusqu'à Ναύπλιο – ΝΑΥΠΛΙΟ, exultait de joie.

 

 

Et toute la conscience l'Hellade, qui rêvait de retrouver la liberté, a embrassé avec ferveur ce sublime augure.

Flambeau de la dissuasion militaire et de la communication politique.

Flambeau de l'initiative et du leadership.

Le fait d’armes a eu lieu le 8 septembre 1822.

Chaque année, à l’orée de l’automne, quand vient la date anniversaire, le flambeau de l’amour de la patrie produit, dans les cieux et sur la mer à Σπέτσες – ΣΠΕΤΣΕΣ, de splendides feux de joie, qui célèbrent la liberté retrouvée.

La fête est conçue comme une pièce de théâtre qui comporte trois actes.

Le premier acte présente le spectre de l’envahisseur.

Chaque année, un charpentier, qui s’y connaît aussi en cordage et en voilerie construit une réplique du navire amiral ottoman.

Voici la reconstitution selon Γιάννης Κλείσας – ΓΙΑΝΝΗΣ ΚΛΕΙΣΑΣ (en français : Yannis Klissas)

 

 

Quant au chantier naval dirigé par Τάκης Μπούφης – TAKHΣ ΜΠΟΥΦΗΣ (en français : Takis Bouphis), il a proposé la version suivante :

 

 

Après l’entrée en scène de l’Ottoman, le deuxième acte peut commencer.

Les artificiers de l’île évoquent le geste de bravoure du jeune Résistant grec.

Le flambeau de la liberté est brandi jusqu’au firmament, pour y produire des gerbes d’étincelles.

 

 

Le brasier se développe dans le Vieux-Port puis se répand vers les quais plus récents :

 

 

L’allumage du feu a un but bien précis : l’anéantissement de la force de frappe de l’envahisseur. Arrive alors le troisième acte : le navire amiral ottoman prend feu, comme s’il est touché par le brûlot du jeune Résistant grec.

 

 

Flambeau de la fierté et de la liesse.

Flambeau de la fraternité hellène et de la cohésion nationale.

Nous avons eu le grand privilège de contempler de près le flambeau de l’intuition et de la chance. Le jeune Résistant grec a eu la bonne intuition de la tactique la plus efficace et du moment où il fallait la déclencher. La chance a récompensé le brûlot intrépide, car l’Ottoman a préféré se retirer plutôt que de riposter.

 

 

Derrière l’effigie du jeune héros de la Résistance, se dressait un mât qui faisait flotter deux drapeaux. Celui qui était du côté de son bras gauche représentait la Grèce au XXIè siècle tandis que l’autre rappelait son île natale, Σπέτσες – ΣΠΕΤΣΕΣ.

Voici l’étoffe qui glorifiait l’héroïsme des insulaires :

 

 

Sur un fond bleu, deux mots écrits en rouge s’opposaient l’un à l’autre.

Du côté de la lance, c’était H ΘΑΝΑΤΟΣ (littéralement : LA MORT).

Du côté de l’ancre où s’enroulait un serpent et que survolait une colombe, c’était ΕΛΕΥΘΕΡΙΑ (littéralement : LIBERTÉ)

Le choix inscrit sur le drapeau n’était pas entre la mort et la vie, mais entre la mort et la liberté. Car la vie sans la liberté ne serait rien. Et la vie organique, sans ce qui lui donne sens, ne serait rien.

Le graphisme montrait que la paix, incarnée par la colombe, et la prospérité, évoquée par le caducée, accompagnaient la liberté.

Pour des raisons de symétrie, neuf lettres de l’alphabet grec faisaient face à neuf lettres. Il y avait bien neuf lettres dans ΕΛΕΥΘΕΡΙΑ (littéralement : LIBERTÉ). Mais ΘΑΝΑΤΟΣ (littéralement : MORT) n’en possédait que huit. Pour équilibrer les quantités, l’ajout de l’article défini H (littéralement : LA) était nécessaire. En conséquence, la liberté s’apprécie, même nue, tandis que la mort se laisse approcher seulement après la traversée d’un antichambre, représenté par l’article défini.

Le flambeau du jeune Résistant a choisi la liberté et défié la mort.

Le Grec n’avait que trente printemps quand il a fait battre en retraite le navire amiral ottoman.

L’attrait du flambeau résidait dans sa jeunesse, qui donnait tant de vigueur et de passion à son dévouement.