• La route d'ocre a choisi de commencer avec l'ocre jaune.

    C'était la teinte du bouquet que l'Aventy a cueilli en forêt pour nous souhaiter une navigation qui apporterait l'épanouissement de l'être.

    Le bouquet était confectionné par la fée du logis. Elle se chargeait de prendre soin des corolles ocre jaune afin que le mousse ait les mains libres pour la caméra.

     

    La route d'ocre

     

    L'ocre jaune embellissait la table de l'au revoir.

     

    La route d'ocre

     

    L'amitié entre l'Aventy et le Zeph date du voyage initiatique de celui-ci.

    Avec mille précautions, nous avons chouchouté le charmant bouquet offert. La beauté du geste de l'Aventy reflétait un raffinement de l'âme.

     

    La route d'ocre

     

    Nous avons alors pris la décision de profiter de la compagnie de cette ocre jaune sur tout le trajet qui nous mènerait jusqu'au Zeph.

    La photo suivante a été prise à San Remo, qui était notre première escale de l'autre côté des Alpes :

     

    La route d'ocre

     

    L'Odyssée emploie l'expression « ῥοδοδάκτυλος Ἠώς » (en français : l'aube aux doigts de rose) pour décrire le lever du jour.

    Pour reprendre le texte homérique, l'ocre rose de l'aube venait caresser le palmier sous lequel nous avions passé la nuit. Celle-ci n'était pas encore tout à fait achevée selon l'horloge municipale, puisque le lampadaire public restait allumé.

    L'ocre jaune de l'Aventy était toute heureuse de voyager jusqu'à la Riviera italienne.

    Nous avons passé notre deuxième nuit de routard à Siena, sur le Viale Pannilunghi, près de la Fortezza Medicea.

    Un réveil très matinal nous a offert le privilège d'être pratiquement les seuls à profiter des splendeurs de cité du Palio.

    Nous étions remplis d'émerveillement devant des façades richement décorées, comme celle de la plus ancienne banque au monde encore en activité :

     

    La route d'ocre

     

    Il s'agissait de la Banca Monte dei Paschi. Fondé en 1472, elle n'a pas cessé de fonctionner depuis.

    L'ocre jaune qui inondait l'écrin architectural était comme une louange à la pérennité.

    À Siena, l'ocre jaune était souvent concurrencée par l'ocre rouge.

    Voici le marquage du territoire par les drapeaux de deux confréries :

     

    La route d'ocre

     

    À gauche de la photo, se trouvait l'étendard de la Contrada della Civetta, qui choisissait la Chouette comme animal tutélaire.

    Sur la droite, apparaissait le drapeau de la Contrada del Drago, qui a préféré se mettre sous la protection du Dragon.

    L'ocre rouge du mur évoquait la forte émotion suscitée par le Palio.

    L'écrivain Guido Piovene parle du Palio en ces termes :

    « Nei giorni della corsa tutto è sospeso, l'appetito come l'amore e l'amministrazione pubblica...La sera [dopo il Palio], vi sono due Siene. Luce, vino e tripudio nella contrada vincitrice e nelle alleate. Ma se si sbircia nella contrada nemica, si crede d'essere in una città abbandonata ; le finestre e gli usci sprangati, buio, silenzio e lutto. »

     

    Au temps de la course, tout est suspendu, l'appétit comme l'amour et l'administration publique...Le soir [après le Palio], il y a deux Sienne. Lumière, vin et liesse dans le quartier vainqueur et chez les alliés. Mais si vous jetez un coup d'œil dans le quartier ennemi, vous pensez que vous êtes dans une ville abandonnée ; les fenêtres et les portes verrouillées, l'obscurité, le silence et le deuil.

     

    Le journaliste Paolo Frajese montre le véritable enjeu de cette course mythique. Voici ce qu'il en dit :

    « Il palio è una metafora, è lo specchio della vita e della morte. »

     

    Le palio est une métaphore, c'est le miroir de la vie et de la mort.

     

    Après la halte passionnante dans la cité du paroxysme, nous nous sommes dirigés vers Ancona, qui nous attendait pour la traversée de la Mer Adriatique.

    L'ocre jaune fleurissait partout à Ancona.

     

    La route d'ocre

     

    Ocre jaune de la fête. Il y avait la fête, car l'horizon allait s'élargir, surtout en direction de l'Orient.

    La fête qui régnait sur le rivage de la cité dorique avait l'intelligence de promouvoir la diversité. Au milieu de l'ocre jaune, très majoritaire, du colza, l'ocre mauve des cerisiers resplendissait encore plus.

     

    La route d'ocre

     

    Fête de la dignité et de la liberté pour tous.

    Le ferry qui devait nous emmener de l'autre côté de l'Adriatique avait quatre heures de retard. Nous avons mis à profit le temps de l'attente pour retrouver nos coups de cœur. L'un d'eux se trouvait aux abords du port de pêche. Il s'agissait du Cavallo Rosso (en français : Cheval Rouge), conçu par l'artiste Mimmo Paladino, et qui se dressait encore sur l'enceinte pentagonale du Lazzaretto.

     

    La route d'ocre

     

    Le mousse y voyait un clin d’œil au Cheval de Troie.

    Cette fois-ci, nous étions gâtés par la météo. L'ocre rouge au-dessus de la muraille se reflétait distinctement dans les eaux du port. Le reflet s'est même permis de s'orner de stries qui choisissaient de venir à l'existence avec l'ocre jaune.

    Puis est venue l'heure de l'embarquement.

    Pendant que l'ocre mauve accompagnait la lente descente de l'astre solaire sous l'horizon, le ferry de la Grimaldi Lines se mettait à briller de mille feux.

     

    La route d'ocre

     

    Un autre voyage allait commencer, qui n'était pas sans rappeler l'époque où nous portions vaillamment nos sacs à dos.

    Le ferry était très silencieux. Il avançait sans vibration.

    Instinctivement, nous nous sommes réveillés au moment où le soleil sortait au-dessus de l'horizon.

    Tout le flanc droit du ferry baignait dans l'ocre jaune du levant.

     

    La route d'ocre

     

    La photo montre une conjonction entre deux sources lumineuses. Chronologiquement, la première des deux était le lampadaire qui participait à l'éclairage nocturne du ferry. La vitre éclairante était tournée vers le bas et avait une forme rectangulaire. À cause de la perspective, ce rectangle ressemblait à un losange sur la photo. Dans le coin le plus à droite du losange, était encore visible la lumière blanche fournie par l'électricité du bateau.

    Comme la vitre du lampadaire servait aussi de miroir, elle captait naturellement l'ocre jaune du soleil levant.

    Joli moment où se mariaient la nature et le génie humain.

    La poésie de l'instant ne faisait pas oublier l'essentiel, qui était la préservation de la vie en toutes circonstances. L'ocre rouge était dédiée à tout ce qui concernait la sécurité :

     

    La route d'ocre

     

    En l'occurrence, il s'agissait du matériel pour lutter contre l'incendie. Bien que le maniement de cet équipement relève des compétences d'un personnel qualifié, le dispositif était exhibé à la vue de tous.

    L'ocre nous a tenu compagnie pendant la traversée. Jusqu'où nous accompagnerait-elle ?

    Nous avons débarqué à Πάτρα – ΠΑΤΡΑ (en français : Patra[s]), dans le Péloponnèse. Tout de suite après, nous avons rejoint la Grèce continentale.

    Nous voici à Ιτέα – ΙΤΕΑ (en français : Itéa), le port où jadis avaient débarqué les pèlerins qui s'étaient rendus à Delphes par la voie maritime :

     

    La route d'ocre

     

    À Ιτέα – ΙΤΕΑ, nous étions accueillis par l'ocre rose du tamaris et par l'ocre jaune du mimosa au premier plan, mais aussi par la neige qui coiffait la chaîne de montagnes à l'arrière-plan.

    C'était dans ce très beau site que l'ange de Perpignan était venu nous rejoindre.

    La photo suivante date d'hier après-midi :

     

    La route d'ocre

     

    Le Capitaine a poncé l'hélice du Zeph.

    L'ocre jaune devait être rutilante pour une fluidité optimale.

    Le travail de ponçage était un dur labeur, qui nécessitait des temps de pause.

    Et que faisions-nous pendant les pauses ? Nous reprenions des forces grâce à l'ocre rouge.

    En effet, des amis champenois, qui manifestaient un très vif intérêt pour les aventures du Zeph, nous ont offert un breuvage qui avait la délicieuse saveur du printemps grec.

     

    La route d'ocre

     

    Le clin d’œil à la saison du renouveau dans le cosmos égéen était manifeste.

    Mais la recette était purement française.

    L'ocre rouge des coquelicots gréco-français témoignait de l'émouvante affection qu'éprouvaient ceux qui restaient sur le rivage envers ceux qui s'apprêtaient à prendre le large.

    Nous tenons en très haute estime cette précieuse affection. C'est pourquoi nous avons emmené ce breuvage à forte teneur symbolique dans le ferry et jusqu'au port à sec, sur l'île d'Eubée.

    Cet après-midi, entre deux étapes de ponçage, nous en avons savouré quelques gorgées.

    C'est normal que le niveau de la bouteille soit descendu. Mais cette descente est maîtrisée. Car nous avons le sens de la gourmandise, mais aussi celui de la modération.

    L'ocre met en valeur ce qui est important et essentiel dans l'instant.

    La route d'ocre est celle de l'impact émotionnel. Elle reflète la sensibilité du voyageur et célèbre la rencontre avec le καιρός.

     

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