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Le balcon posé sur la mer (11-2) à Μύκονoς. Le balcon du Samedi Saint
Le calendrier byzantin, qui régissait le temps cycladique, a transféré la fête du travail au mardi 7 mai 2024, car le 1er mai, qui tombait en plein dans la Semaine Sainte, portait déjà l’appellation liturgique : « το Μεγάλο Τετάρτη » (littéralement : le Grand Mercredi), qui était prioritaire sur les considérations laïques. En conséquence, les magasins, y compris les centres de ravitaillement, seraient fermés non seulement le dimanche 5 mai (Dimanche de la Pâque byzantine) et le lundi 6 mai (Lundi de Pâque), mais aussi le mardi 7 mai (transfert de la Fête du Travail).
Ces trois jours fériés consécutifs faisaient que le Samedi Saint qui les précédait était destiné à connaître une affluence considérablement accrue dans les centres de ravitaillement.
Nous ressentions beaucoup d’empathie pour les us et coutumes locaux. Et en ce Samedi Saint, nous avons fait comme la majorité des Grecs de Μύκονoς : nous sommes allés au centre de ravitaillement pascal, si possible à un endroit qui respectait encore la modestie du porte-monnaie du prolétariat.
Ce centre de ravitaillement, qui pratiquait, selon l’éthique, un commerce intelligent, s’est installé sur les hauteurs qui dominaient, à l’Est, la cité portuaire. Du Zeph, il y avait, à pied, une paire de kilomètres à gravir. Une petite demi-heure de randonnée semi-urbaine suffirait.
En définitive, la promenade utilitaire s’est révélée d’un très, très grand intérêt artistique.
Voici le magnifique panorama qui s’offrait à nous, à la sortie du magasin :
À gauche de la photo, vers le bas, se profilaient les célèbres moulins, qui, dans l’article précédent, constituaient le mur de scène pour la huitième photo, qui illustrait le coucher de soleil.
Un paquebot, vêtu de blanc se dirigeait vers l’Ouest. Toutes les destinations étaient des destinations de rêve.
Sous l’eucalyptus aux ramages allègres, s’étirait, à l’horizon, Δήλος (transcription : Délos), la demeure apollinienne.
Le mousse aime la limpidité panoramique de la Grèce, sa richesse polysémique, son invitation à chérir l’harmonie au sein du cosmos.
Sans parole et sans facétie, des pavots à la robe safranée buvaient à pleine gorgée la lumière iodée du soleil cycladique :
L’hédonisme était dans les bourgeons mi-clos, dans les pétales épanouis, dans les pistils en fête.
Le pourpre, certain de son succès, donnait libre cours à son opulence, surtout lorsqu’il trônait au milieu de l’azur étincelant :
Tout était au superlatif et méritait de l’être.
Nous étions éblouis, charmés, comblés.
Le beau sait rire de lui-même pour se transcender. C’est ainsi que le doux velours du bougainvillier apparaissait en compagnie des piquants de la figue de Barbarie.
À Μύκονoς, rien n’était monotone. Car tout était créativité, par le génie de la Nature ou par le talent des hommes.
Voici un sosie, ou plutôt une parodie, à moins que ce ne soit un hommage :
Le sosie, ce serait seulement par mimétisme.
La parodie aurait pu en être le cas, car la main de l’artiste s’est plu à faire disparaître tous les piquants.
Un hommage certainement, pour rappeler qu’au-delà des piquants qui faisaient peur, le cœur de la plante était vraiment délicieux, avec une saveur à mi-chemin entre celle de la pastèque et celle du melon.
Ce cœur délicieux, qui existe en dépit des épines de l’enveloppe extérieure, c’est celui de la Mer Égée, qui ne se livre qu’aux êtres armés de patience et de volonté.
La promenade accomplie pour les courses alimentaires s’est vite transformée en balade à la fois très plaisante et très instructive :
Le Capitaine portait le sac de courses afin que le mousse ait les mains libres pour s’adonner à sa passion de chasseur d’images.
À chaque pas, il y avait quelque chose qui nous surprenait, nous séduisait ou nous transportait.
Nous avons longé la mer pour retrouver le Zeph.
Ce jour-là, elle a tenu à montrer son fort caractère :
Mais elle restait belle et envoûtante.
Le giron du Zeph était tout fier de fêter cet enchantement du Samedi Saint avec des saveurs venues de la mer.
L’étape préliminaire consistait à torréfier les épices. En l’occurrence, le mousse a utilisé du laurier et du basilic séchés :
Puis le poisson, qui était du saumon découpé en darnes, était revenu avec du curcuma et du piment rouge :
Ensuite, l’ananas rôti avait la double mission d’accompagner la chair du poisson.
D’abord par la saveur à la fois acide et sucrée du fruit. Ensuite par le croquant des fibres, qui offrirait un joli contraste avec le moelleux de la chair du saumon.
Enfin, nous avons appliqué le dicton français : « On ne change pas une équipe qui gagne ». La veille, le tandem framboise-myrtille avait gagné haut la main l’approbation du Capitaine. Alors, en ce Samedi Saint, le même tandem framboise-myrtille était revenu sur le terrain de l’art culinaire pour défendre les couleurs du mousse. Voici ce tandem au moment de la mise en jeu :
La satisfaction du Capitaine était totale avec cette assiette :
La photo montre que sur la droite et aux deux coins supérieurs, le pourtour de l’assiette était de couleur rouge foncé. Le rouge foncé était la couleur du Capitaine ce jour-là.
Le tandem framboise-myrtille a aussi permis au mousse de gagner le challenge de la gastronomie. Voici l’assiette confectionnée par le mousse pour lui-même :
Tout en haut et à gauche, le bord de l’assiette avait la couleur orangée. C’était la couleur du mousse.
Nous festoyions parce que nous étions en osmose avec le cosmos qui exultait.
Chronologiquement, c’était encore le temps du deuil, puisque que le Messie de l’humilité se trouvait encore prisonnier du séjour des morts.
Mais le relèvement était imminent.
Dans l’attente que la parole prophétique s’accomplisse, le Capitaine a allumé le chandelier à sept branches, acquis à Genova, tout au début du voyage initiatique :
Le chandelier à sept branches, qui faisait partie du mobilier du Temple du premier monothéisme, symbolisait la lumière de l’approbation divine.
Le geste du Capitaine était spontané et délibéré quand celui-ci a allumé le chandelier à sept branches pour passer les dernières heures du Samedi Saint.
Comment expliquer un tel geste, qui n’était pas du tout innocent ?
Au moment où le Samedi Saint a laissé la place au Dimanche de Pâque, un feu d’artifice a illuminé le Vieux Port :
C’était la proclamation que le Messie de l’humilité venait de triompher de la mort.
Nous vivions à l’heure grecque.
Nous vivions à la manière des Grecs.
Nous vivions comme si nous étions d’authentiques Grecs.
Et nous étions très heureux de vivre ainsi.
Le balcon posé sur la mer à Μύκονoς, pendant le Samedi Saint, était le balcon de la fusion avec l’espace-temps cycladique.
Tags : balcon posé sur la mer, Μύκονoς, Samedi Saint, Délos, figue de Barbarie, saumon, framboise, myrtille, chandelier à sept branches
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Commentaires
1MayapiLundi 13 Mai à 16:43MagnifiqueRépondre
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