• Arles, qui nous a tant comblés avec ses trésors culturels à l’époque où le Zeph était basé à Port-Saint-Louis-du-Rhône, possède une illustration de l’événement qui avait inspiré le « Cantique de la mer ».

    Voici cette œuvre d’art :

     

    La coiffure de la prophétesse

     

    C’est un sarcophage qui date de la fin du IVè siècle de notre ère.

    Sur l’une des faces, est représentée la Sortie d’Égypte.

    Au centre de la scène, est sculptée la noyade de l’armée égyptienne. On y voit des corps basculés dans la mer, sous les roues et la caisse d’un char de guerre. À gauche, c’est la cavalerie des poursuivants tandis qu’à droite, c’est le groupe des poursuivis, encadré par deux personnages essentiels. Celui qui est debout près du char renversé tient dans sa main droite un bâton abaissé : c’est Moïse qui ordonne aux flots de se refermer sur les poursuivants. Tout à droite, la personne qui est à la tête du cortège, tient un tambourin. C’est Miryam, la sœur aînée de Moïse.

    Le peintre français Henri-Frédéric Schopin évoque la même scène en y introduisant de la profondeur :

     

    La coiffure de la prophétesse

     

    Moïse se tient au centre de la composition. Il baisse le bâton qui est dans sa main droite. En contrebas, sur la gauche, les murailles d’eau s’effondrent et la mer se referme sur la cavalerie du Pharaon. À droite, les Israélites, désormais en sécurité, assistent avec effroi à la destruction des forces armées égyptiennes. Tout à fait à droite, à l’arrière-plan, une silhouette féminine brandit un tambourin. C’est Miryam.

    Voici comment le geste de Miryam est décrit dans les Écritures hébraïques :

     

    וַתִּקַּח מִרְיָם הַנְּבִיאָה אֲחוֹת אַהֲרֹן אֶת־הַתֹּף בְּיָדָהּ וַתֵּצֶאןָ כָֽל־הַנָּשִׁים אַחֲרֶיהָ בְּתֻפִּים וּבִמְחֹלֹֽת׃  

    Alors Miryam, la prophétesse, la sœur d’Aaron, prit un tambourin dans sa main, et toutes les femmes la suivirent en jouant du tambourin et en dansant.

     

    שְׁמוֹת טו : כ

    Livre de l'Exode. Chapitre 15. Verset 20

     

    C'est la première fois que le texte hébreu emploie le mot « prophétesse ». Et ce premier emploi est dédié à Miryam, la sœur de Moïse, tandis que celui-ci n'est appelé « prophète » que trois livres après, dans ce passage du Deutéronome :

     

    וְלֹֽא־קָם נָבִיא עוֹד בְּיִשְׂרָאֵל כְּמֹשֶׁה אֲשֶׁר יְדָעוֹ יְהוָה פָּנִים אֶל־פָּנִֽים׃  

    Mais il n’est encore jamais apparu en Israël de prophète comme Moïse, que Jéhovah connaissait intimement

     

    דְּבָרִים לד : י  

    Livre du Deutéronome. Chapitre 34. Verset 10

     

    En accordant la primauté à Miryam dans son rôle de prophétesse, le texte hébreu rend hommage aux qualités spécifiquement féminines.

    Par la musique, le chant et la danse, la prophétesse célèbre la délivrance de son peuple. Elle donne elle-même l'exemple en menant la ronde des femmes israélites.

    Voici comment le peintre nantais Jacques-Joseph Tissot a rendu l'allégresse chorégraphiée par la prophétesse :

     

    La coiffure de la prophétesse

     

    La peinture, réalisée entre 1896 et 1902, est conservée au Jewish Museum de New York.

    Six décennies plus tard, un autre artiste, formé à l'école des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg, a illustré avec le tableau suivant l'initiative de la prophétesse :

     La coiffure de la prophétesse

     

    Il s'agit de Moïche Zakharovitch Chagalov, né en Biélorussie et naturalisé français en 1937, sous le nom de Marc Chagall.

    Le Nantais et le Biélorusse ont une vision similaire pour la coiffure de la prophétesse. Tous les deux lui donnent une parenté avec le modèle égyptien, qui est exposé sur les fresques murales de la nécropole thébaine, située sur la rive occidentale du Nil :

     

    La coiffure de la prophétesse

     

    Cette fresque murale appartient à la tombe de Nakt, scribe et astronome.

    Les trois femmes qui participent à la décoration de la sépulture portent des perruques.

    Jacques-Joseph Tissot et Marc Chagall se sont basés sur l'environnement égyptien pour peindre la coiffure de la prophétesse israélite.

    Dix ans après le premier tableau représentant Myriam conduisant la danse des femmes israélites, Marc Chagall est revenu sur le même sujet. Et voici l'œuvre de la seconde vision :

     

    La coiffure de la prophétesse

     

    La prophétesse est toujours en tête, mais sa silhouette est complètement métamorphosée. Car désormais, ses cheveux sont entièrement libres. Cette liberté, que la nature lui a donnée à la sortie du ventre maternel, a été confisquée par le pouvoir égyptien jusqu'à ce jour. Maintenant que les chars de Pharaon sont engloutis par les flots de la Mer Rouge, la liberté est triomphante dans le camp des Israélites, en chaque être délivré, dans chaque partie de l'organisme libéré de l'esclavage, des pieds à la tête, y compris les cheveux.

    Coiffure de la liberté, de la rédemption, de la dignité.

    Elle se doit d'être en cohérence avec le Cantique de la mer, entonné par la prophétesse. Voici les paroles du Cantique :

     

    שִׁירוּ לַֽיהוָה כִּֽי־גָאֹה גָּאָה סוּס וְרֹכְבוֹ רָמָה בַיָּֽם׃ ס

    Chantez pour Jéhovah, car il s’est couvert de gloire. Le cheval et son cavalier, il les a jetés dans la mer.

     

    שְׁמוֹת טו : כא  

    Livre de l'Exode. Chapitre 15. Verset 21

     

    Le chant de la liberté, qu'est le Cantique de la mer, retentit avec force dans la tête de la prophétesse. Il ne peut que faire danser ses cheveux, dont aucun artifice ne vient entraver le mouvement.

    Une gravure récente montre qu'il est tout à fait logique que la coiffure de la prophétesse participe pleinement au chant de la liberté retrouvée :

     

    La coiffure de la prophétesse

     

    Le portrait de la prophétesse apparaît sur la première de couverture d'un livre, qui est rédigé en portugais.

    L'artiste peint la prophétesse en train de jouer du tambourin. C'est le tambourin qui donne le signal pour que la danse des femmes israélites démarre. C'est le tambourin qui rythme ensuite leurs pas et stimule les mouvements de leurs corps.

    Dans l'antique Israël, aucun homme ne joue du tambourin, car celui-ci est typiquement féminin.

    Avec beaucoup d'intelligence, l'illustrateur fait figurer sur la membrane du tambourin de la prophétesse ces mots : Mulher de Verdade (en français : Femme de Vérité).

    Autrement dit, le tambourin exprime en la circonstance une vérité féminine.

    Quelle est cette vérité féminine ?

    Cette vérité a trait à l'intuition propre à la nature féminine, intuition qui permet d'entrevoir l'avenir et de s'y préparer à l'avance. En la circonstance, le tambourin est révélateur de cette intuition agissante et efficace. En effet, la prophétesse et le reste de son peuple ont dû quitter le sol égyptien dans la plus grande hâte. La précipitation est telle que la pâte pétrie avec le levain n'a pas le temps de lever et que les Israélites doivent se contenter de manger du pain a-zyme (littéralement : sans levain). Donc malgré cette précipitation et l'urgence de fuir, la prophétesse s'en va avec un tambourin dans les bagages. C'est qu'elle a une idée en tête, l'idée que la victoire sera pour bientôt et qu'il faudra célébrer cette victoire avec le tambourin. Cette prémonition, qui se traduit par un geste prophétique au moment de rassembler les bagages, résulte de la confiance qui n'a jamais quitté la prophétesse depuis son jeune âge.

    Le mot hébreu pour cette attitude confiante est אמונה (transcription : émouna).

    Le tambourin mis en vitesse dans les bagages, c'est l'espoir avant la traversée de la Mer Rouge. Le tambourin brandi sur la rive orientale pour faire démarrer la danse, c'est l'immense joie qui récompense l'espoir. Et il est tout à fait convenable et bienséant que la coiffure de la prophétesse ne rencontre absolument aucune entrave pour s'associer pleinement à l'explosion de joie.

    On peut lire encore ces lignes sur la première de couverture de l'ouvrage en portugais consacré à la prophétesse :

    MIRIÃ

    Profetisa que, ainda criança,

    ajudou a salvar a vida

    de seu irmãozinho

     

     

    En français :

    MIRYAM

    Prophétesse qui, enfant,

    a aidé à sauver la vie

    de son petit frère

     

    Miryam a encore parlé et agi en prophétesse quand elle a encouragé ses parents à ne pas craindre le décret du génocide en mettant au monde un enfant mâle.

     

    La coiffure de la prophétesse

     

    Le tableau est réalisé par le peintre londonien Simeon Salomon.

    On y voit Miryam observer son frère avec une vive attention. En scrutant cette nouvelle présence, elle finit par y déceler les contours d’un plan divin.

    C'est la foi, nommée אמונה en hébreu, qui pousse Miryam à surveiller son frère quand celui-ci a été confié au Nil.

     

    La coiffure de la prophétesse

     

    Sous le pinceau de l’Américaine Elizabeth Jane Gardner Bouguereau, la mère de Moïse est désespérée parce que le panier où se trouve celui-ci s’apprête à s’en aller au gré des flots. Mais Miryam domine sa tristesse pour continuer de veiller à travers les roseaux à la sécurité de son frère. La tenue de la mère a la couleur sombre de l’affliction tandis que les habits de la sœur resplendissent d’espoir.

    Miryam a foi que son frère sera sauvé. Effectivement, la fille de Pharaon recueille le nourrisson et l'appelle מֹשֶׁה (en français : Moïse), qui signifie « sauvé des eaux ».

     

    La coiffure de la prophétesse

     

    La scène est peinte par l’Anglais Edwin Longsden Long, qui montre que la fille de Pharaon découvre le nourrisson au moment où elle va se baigner. À gauche, l’artiste dissimule derrière les papyrus la silhouette de Miryam

    En assistant à cette adoption par un personnage de la maison royale, Miryam acquiert la conviction que son frère est le Libérateur promis et attendu.

     

    La coiffure de la prophétesse

     

    Le luxe avec lequel le nourrisson hébreu entre dans la maison du Pharaon est peint avec une fabuleuse virtuosité par le Britannique Alma-Tadema. La princesse se déplace en respectant le protocole qui sied à son rang, c’est-à-dire avec une chaise à porteurs. Son fils adoptif bénéficie, lui-aussi, de la même surélévation, parce que le panier où il est couché est tenu en équilibre au-dessus des épaules de deux servantes. La dizaine de tiges de lotus qui pend de chaque côté du panier exhibe la hauteur de la surélévation. Leurs têtes retournées évoquent le retournement du destin, qui est en train de faire d’un fils d’esclave un éventuel héritier du trône.

    L’attente positive et la confiance indéfectible de la part de Myriam équivalaient à la délivrance d’un message prophétique.

    En sauvant Moïse, Miryam sauve le peuple hébreu huit décennies plus tard.

    Tout l’être de Myriam ne peut qu’être fou de joie quand il constate sur la rive Est l’accomplissement total de la prophétie.

    Et par sa façon d’exister, la coiffure de la prophétesse est aussi folle de joie, tout comme le tambourin qui rythme la danse de la délivrance.

    Depuis cet événement fondateur de l’identité hébraïque, la manifestation de la joie fait partie intégrante de l’élan vital des Hébreux.

    Voici comment Marc Chagall peint l’héritage de la joie :

     

    La coiffure de la prophétesse

     

    Les figures de danse sont libres. Libres d’inclure des numéros d’acrobatie.

    Les corps, très inspirés, se meuvent librement. Les coiffures des protagonistes, aussi.

    Avec des costumes d’époque, cette allégresse peut très bien être celle qui a eu lieu sur la rive Est de la Mer Rouge. Surtout sous le regard de la pleine lune.

    En effet, en se référant au calendrier des Hébreux, le jour de leur Exode est le quatorzième jour du mois de Nisan, qui correspond à la première pleine lune du printemps.

    Le tambourin de Miryam fait donc retentir le son de la plénitude pendant que la coiffure de la prophétesse danse dans l’euphorie de la pleine récompense.

    Le tableau ci-dessus s’intitule « Fête au village ». Marc Chagall l’a réalisé trois ans après avoir introduit un vent de liberté totale dans la coiffure de la prophétesse.

    À l’ère moderne, le huitième art aurait extrait de la danse de la prophétesse des clichés photographiques comme celui-ci :

     

    La coiffure de la prophétesse

     

    Sur cette photo, Bella Rebecca Lewitzky, dont la lignée des ancêtres remonte jusqu’à la Sortie d’Égypte, donne à voir la danse de la prophétesse, dont la coiffure est un magnifique chant de liberté.

    En quoi la présente réflexion concerne-t-elle le Zeph ?

    D’abord, elle est née des découvertes effectuées dans les escales et témoigne de leur caractère édifiant. Le voyage stimule la curiosité et la curiosité nourrit le voyage.

    Ensuite, de manière plus spécifique, l’examen de la coiffure de la prophétesse est indissociable de l’étude du leadership de Moïse. En dépit des apparences, celui-ci n’est pas du tout seul à conduire le peuple d’Israël hors de l’Égypte. En effet, on peut lire ceci dans le livre de Michée :

     

    כִּי הֶעֱלִתִיךָ מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם, וּמִבֵּית עֲבָדִים פְּדִיתִיךָ; וָאֶשְׁלַח לְפָנֶיךָ, אֶת-מֹשֶׁה אַהֲרֹן וּמִרְיָם.  

    Je t’ai fait sortir du pays d’Égypte, je t’ai racheté de la maison d'esclavage ; j'ai envoyé devant toi Moïse, Aaron et Miryam.

     

    מִיכָה ו : ד

    Livre de Michée. Chapitre 6. Verset 4

     

    Le texte hébreu dit très clairement que trois personnes se partagent la charge de conducteur : bien sûr, il y a Moïse, mais aussi ses deux aînés : Aaron et Miryam. Autrement dit, l’élément féminin est indispensable à la réussite du projet.

    Le capitaine d’un bateau tient la barre comme Moïse se sert de son bâton. Pour continuer la métaphore, la tâche du conducteur doit inclure des vertus féminines pour que la coiffure de l’équipage soit comme celle de la prophétesse, c’est-à-dire dansante dans l’allégresse, véritablement.

    Pin It

    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique