Le miroir de l'archipel des Kornati

Il y a une semaine, avant le début du shabbat, le Zeph a reçu de l’Aventy des photos de l’archipel des Kornati.

L’une d’elles a fait dire au mousse que l’on se croirait au pied du mont Ararat, là où s’était posée l’Arche de Noé.

 

 

Le ton était même à la plaisanterie entre le mousse, le capitaine et l’expéditeur.

 

 

En effet, il s’agissait de savoir si c’était de la neige que l’on voyait sur les cimes ou le reflet des nuages.

Nul ne savait encore que sur le rivage de la Cornouaille, quelques heures plus tard, dans la nuit qui a suivi, des cœurs allaient chavirer dans un déluge de sanglots et de larmes.

 

 

Frappés d’épouvante, saisis de douleur, ces infortunés avaient l’impression que les cieux s’effondraient sur eux, ou que l’abîme s’ouvrait à leurs pieds.

 

 

Le Zeph aussi était pris dans la tourmente.

Ce qui est fabuleux, c’est que le miroir des Kornati a fait suivre cette évocation du déluge par une autre vision, de grande portée prophétique aussi.

De mémoire de Zeph, c’est la première fois que l’Aventy s’est montré, vu d’en haut de son propre mât.

 

 

Verticalité, non pas dans le sens ascendant, mais descendant.

D’ordinaire, c’est la vue latérale qui prévaut.

Et s’il faut mettre l’accent sur la verticalité, c’est plutôt dans le sens ascendant.

 

 

Là encore, le ton d’avant le shabbat était à la plaisanterie, puisque l’on riait en disant que le drone qui a permis la prise de vue était le capitaine lui-même de la nef.

Là encore, nul ne se doutait que ce mât qui structurait la vue réalisée d’en haut aurait un rôle de premier plan dans l’annonce du retour de la marée haute.

Qu’est-ce un mât avec une barre de flèche ? Une croix.

 

 

La photo de l’Aventy sous-entend qu’il y a diffusion d’un message à partir du sommet de la croix.

 

 

Effectivement, du haut d’une croix, un homme a dit à son voisin :

Μνήσθητί μου, κύριε, ὅταν ἔλθῃς ἐν τῇ βασιλείᾳ σου.

ΚΑΤΑ ΛΟΥΚΑΝ 23

 

" Souviens-toi de moi, lorsque tu viendras avec ton royaume."

Évangile selon Luc, chapitre 23, verset 42

 

Message d’espérance, témoignage de confiance.

La scène a eu lieu il y a quelque deux mille ans, à l’extérieur des murailles de Jérusalem, sur un site nommé Lieu du Crâne.

 

 

Ils étaient trois suppliciés. Les deux qui étaient sur le côté étaient des condamnés de droit commun. Celui qui était au milieu était doublement accusé de blasphème et de sédition.

La supplique ci-dessus venait de l’un des suppliciés qui se trouvaient sur le côté. Elle était adressée à celui qui était au centre.

Le « retour » attendu signifie qu’il y aura une victoire sur la mort.

Il est légitime que le triomphateur de la mort soit investi d’un pouvoir royal.

Il faudrait une stature exceptionnelle pour accomplir un tel rôle et assumer une telle fonction.

Le personnage central, qui suscite tant d’espoirs, possède-t-il une telle stature ?

Parlant de ceux qui l’ont envoyé à la mort, il s’est exprimé en ces termes :

Πάτερ, ἄφες αὐτοῖς: οὐ γὰρ οἴδασιν τί ποιοῦσιν.

ΚΑΤΑ ΛΟΥΚΑΝ 23

 

" Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font."

Évangile selon Luc, chapitre 23, verset 34

 

D’aucuns, comme le roi de Babylone, fondent leur royaume sur la force ou la terreur. D’autres, comme Salomon, fondent leur royaume sur la justice. Le Nazaréen, puisqu’il s’agit de lui, fonde son royaume sur le pardon.

 

 

Sur le Lieu du Crâne, c’était la marée basse, liée à la consternation. Mais dans ce climat d’affliction, un homme a levé la voix pour parler du « retour » de la marée haute.

 

 

C’était l’un des suppliciés qui se trouvaient sur le côté.

La marée haute du « retour » sera une marée haute triomphante et glorieuse, car elle est dépeinte comme l’avènement d’une royauté.

L’un des actes notoires qui marqueront le règne nouveau sera l’exercice d’une mémoire qui réhabilite, blanchit et bénit. Cette mémoire a un nom : elle s’appelle miséricorde.

Parmi ceux qui seront portés par cette marée haute et qui se relèveront d’entre les morts, il y aura le supplicié qui a dit au Nazaréen :

« Souviens-toi de moi, lorsque tu viendras avec ton royaume. »

 

 

Le mât que l’Aventy a donné à voir est le mât de l’espérance et de la confiance, surtout après l’épreuve qui a déclenché le déluge de sanglots et de larmes, et ébranlé les projets du Zeph.

Coïncidence pour la date, coïncidence pour le scénario.

 

 

Le miroir de l’archipel des Kornati ne fait pas que refléter la réalité du présent. C’est aussi un miroir visionnaire.

La portée prophétique de ses visions traduit une forte empathie entre le Zeph et l’Aventy, malgré les 1700km qui séparent la Croatie de la Cornouaille à vol d’oiseau.