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Le chant du bougainvillier
La première image qui vient à l'esprit quand on parle du bougainvillier est celle de son éclat, qui éclabousse l’œil, comme la trompette éclabousse l'oreille.
Le jour de notre départ pour la Crète, le bougainvillier nous a dit au revoir, mais sans sonner de la trompette.
Le bougainvillier avait l'intelligence de comprendre les circonstances et d'en tenir compte.
Une robe d'apparat n'aurait pas été convenable pour exprimer la tristesse de devoir se séparer de ses amis. Alors le bougainvillier n'a pas mis sa robe d'apparat, mais sa tunique de l'empathie :
La photo a été prise à Λίμνη – ΛΙΜΝH (en français : Limni), là où le Zeph devait nous attendre jusqu'au retour du printemps. Nous avons fait une halte au port pour le pique-nique de midi. Le mur de bougainvillier nous servait de décor de scène.
Nous projetions de confier au séjour crétois la convalescence du bras gauche, qui venait d'être réparé à Athènes.
Nous étions confiants. Mais nous devions rester prudents, très prudents.
L'heure n'était pas au chant de la victoire, mais à celui de l'optimisme raisonnable.
Notre carrosse admirait le sens de l'à-propos du bougainvillier.
Le chant de l'empathie allait-il se poursuivre au-delà de la mer, jusqu'en terre crétoise ?
Voici le spectacle du lendemain après-midi :
Nous venions de poser nos bagages dans notre premier pied-à-terre, à Τζιτζιφές – TZITZIΦΕΣ (en français : Tsitsifès). Et la première virée était pour Χανιά – ΧΑΝΙΑ (en français : Khania), la capitale de l'Ouest, là où jadis le mousse avait chaviré corps et âme pour une moussaka, jamais égalée depuis.
Dès la sortie du village où nous avons élu domicile, le bougainvillier nous faisait de grands signes pour accompagner son chant de joie. Il était content que la traversée depuis le Pirée se soit bien déroulée. À présent, il a mis sa grande tenue pour nous souhaiter un séjour enchanteur.
En effet, l'enchantement était à chaque étape.
Voici ce que le Capitaine pouvait voir de sa chambre, quand nous étions à Παλαιλώνι – ΠΑΛΑΙΛΩΝΙ (en français : Palélôni), pour notre deuxième pied-à-terre :
Le bougainvillier, fier de sa tenue d'apparat, montait la garde devant notre carrosse. À vrai dire, celui-ci n'avait rien à craindre. Le bougainvillier en tenue d'apparat, c'était juste pour le protocole de la sollicitude. À la tombée de la nuit, le bougainvillier murmurait une berceuse, pour que le carrosse oublie l'épreuve de la route chaotique des randonnées.
De la périphérie du village à celle de la maison, l’évolution géographique suivait une dynamique de proximité croissante. Cette progression n’était ni programmable, ni prévisible.
Quelle surprise nous attendait pour le troisième pied-à-terre ? La voici :
Splendide surprise !
Le bougainvillier s’est réservé tout le flanc Est de notre maison, qui se trouvait maintenant à Παλαιόχωρα – ΠΑΛΑΙΟΧΩΡΑ (en français : Paléokhôra).
La photo a été prise à l’heure du petit déjeuner.
L’air était frais. Le temps, très agréable. Le bougainvillier choisissait la tessiture du soprano pour chanter les délices du matin.
Avec l’ombre apportée par le soleil de l’après-midi, le chant du bougainvillier empruntait le registre du mezzo-soprano.
Cette descente dans la tonalité était en résonance avec le mouvement des fleurs qui quittaient les branches pour se disséminer par terre :
Chant de la négligence ? Non, surtout pas !
Plutôt chant de l’insouciance, du détachement, de l’aisance !
Peu importe comment le vent pouvait agir ! La floraison continuait. Le jeu de séduction n’avait nullement l’intention de s’arrêter.
Combien de pétales étaient tombés sur le sol ? Ce n’était leur quantité qui devait retenir l’attention, mais leur mouvance, individuelle ou collective. En se répandant par terre, le bougainvillier réunissait l’éther et l’humus dans un même hymne, l’hymne à la beauté du temps présent.
Le temps présent offre son or à qui est lui est reconnaissant.
Au cours de cette troisième étape en terre crétoise, nous avons eu accès à l’or du temps, à Λαγκαδάς – ΛΑΓΚΑΔΑΣ (en français : Lagkadas), sur la route d’Ελαφονήσι – ΕΛΑΦΟΝΗΣΙ (en français : Élafonisi).
L’inestimable cadeau a été révélé par le bougainvillier, qui nous a alertés par son chant d’éclaireur. Voici le bougainvillier qui a fait ralentir notre carrosse, puis qui lui a conseillé de faire une halte :
Γιάννης – ΓΙΑΝΝΗΣ (en français : Yannis), le propriétaire des lieux, nous a autorisés à photographier son jardin suspendu. Puis est venue Ευαγγελία – ΕΥΑΓΓΕΛΙΑ (en français : Évanguelia), sa femme. Elle a cueilli deux énormes roses et les a lancées dans notre direction. Ευαγγελία et Γιάννης étaient très contents de nous voir humer l’exquise odeur des roses. Puis ils nous ont dit de monter vers eux, sur leur terrasse. Ευαγγελία a cueilli pour nous un joli bouquet de basilic, puis de l’arbre même, deux grosses oranges pour chacun de nous deux. Nous étions émerveillés devant la joie de cette cueillette. Alors Γιάννης a eu la gentillesse de nous proposer de participer à cette cueillette. C’est ainsi que le Capitaine a reçu directement de l’arbre deux oranges avec leurs feuilles. Peu de temps après, est arrivé Μάρκος – MΑΡΚΟΣ (en français : Markos), un cousin de Γιάννης. Dès qu’il nous a vus, Μάρκος nous a donné des oranges qu’il avait dans son sac à lui : deux oranges pour chacun de nous. Ευαγγελία s’est empressée de nous dire qu’elles étaient petites mais très juteuses. Ευαγγελία et Γιάννης nous ont offert du τσικουδιά (en français : tsikoudia), qui était la plus crétoise des boissons. Le fameux breuvage était distillé à partir du marc de raisin, avec un titre de 34 degrés. Pour le savourer encore plus, Ευαγγελία nous a apporté des biscuits, puis du cake.
Sous le regard amusé du bougainvillier, le chant d'une douce ivresse faisait tournoyer nos esprits et nos cœurs.
Au moment de l’au revoir, Μάρκος nous a rajouté un gros citron vert.
Le bougainvillier a propulsé un chant à trois voix, qui s’unissaient avec tant de magnificence pour honorer le visiteur inattendu.
Chant de la générosité sans limite, de la fraternité universelle, de l’amour désintéressé.
Voici les trois chantres introduits par le bougainvillier :
De gauche à droite, il y avait Γιάννης qui avait encouragé la cueillette sur l'arbre, Ευαγγελία qui avait lancé les roses, et Μάρκος le cousin.
Derrière eux, se tenait l'un des deux spectateurs privilégiés de l'émouvant concert privé.
Voici une photo-souvenir de cette libéralité crétoise :
En analysant la photo, on peut reconnaître la contribution de chacun d’après la description ci-dessus.
Après ce magnifique chant polyphonique, qu'est-ce que le bougainvillier pouvait-il encore nous offrir ?
Une mélodie qui nous collait à la peau. Ou plus exactement, à la peau de notre carrosse.
Regardez donc :
Nous étions à Σίβας – ΣΙΒΑΣ (en français : Sivas), notre quatrième pied-à-terre en Crète.
Chaque matin, le bougainvillier laissait son empreinte fleurie sur le carrosse, pour nous souhaiter un joli programme de randonnée.
Le chant de joie du bougainvillier démarrait par un allegretto, puis il s'envolait vers le vivace.
C'était le chant du renouveau quotidien, du printemps éternel.
Nous avions le cœur en fête pour partir en randonnée avec un carrosse superbement fleuri.
Au fil des semaines, la proximité spatiale du bougainvillier était de plus en plus grande. Et en même temps, son chant de l'empathie participait de plus en plus à l'épanouissement et à la réussite de nos projets.
À Λιθίνες – ΛΙΘΙΝΕΣ (en français : Lithinès), qui était notre cinquième pied-à-terre, le chant du bougainvillier a atteint un sommet émotionnel fabuleux !
Notre hôte Θάνος – ΘΑΝΟΣ (en français : Thanos) et son fils Νίκος – ΝΙΚΟΣ (en français : Nikos) formaient un duo époustouflant pour faire danser chaque instant passé en leur présence.
Le Capitaine a évoqué l'immense talent et la générosité sans borne de ce duo dans l'article « C'est la fête à LITHINÈS », publié le 12 décembre 2021.
« Notre » maison et celle de notre hôte étaient reliées par une ruelle qui servait de cordon ombilical. Le bougainvillier occupait la position stratégique de l'ombilic. Le voici :
La robe dorée du bougainvillier accompagnait à merveille son chant qui célébrait l'or du temps, octroyé à profusion.
Le bougainvillier devenait notre compagnon intime. Il se plaisait à entonner le chant de la splendeur pour nous ravir.
Le voici à Κριτσά – ΚΡΙΤΣΑ (en français : Kritsa), qui est le sixième et aussi l'actuel pied-à-terre.
« Notre » bougainvillier se trouve sur la terrasse du premier étage, face à l'Est. Il est resplendissant dès les premières heures du jour. Son chant de l'optimisme nous procure de l'entrain.
La porte bleue indique l'accès à l'espace où le corps retrouve des forces vives grâce à l'eau du bain. Dévoué, le bougainvillier embellit le passage qui mène au bien-être. Son chant de la sollicitude est un bel acte de générosité.
Chant du compagnon de route.
Chant du guetteur.
Chant de l'oracle.
Car l'éclat du bougainvillier nous annonce d'autres jours heureux, à Ηράκλειο – ΗΡΑΚΛΕΙΟ (en français : Héraklion), qui sera le septième pied-à-terre et le dernier sur l'île.
Demain, à cette heure-ci, nous serons en train de contempler les reflets de la lune dans les flots d'Ηράκλειο.
Le chant de l'empathie, entonné par le bougainvillier au départ de Λίμνη, est devenu celui de l'intimité en terre crétoise. Nous remercions les divinités pour cette splendide évolution.
Tags : Bougainvillier, chant, empathie, or du temps, Λίμνη, Τζιτζιφές, Παλαιλώνι, Παλαιόχωρα, Σίβας, Λιθίνες, Κριτσά, Ηράκλειο
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Commentaires
2HanabiLundi 20 Décembre 2021 à 13:55Merci mile fois pour vos témoignages d'amitié. Nous attendons avec impatience de vous revoir en vrai, chez nous ou dans un port de Grèce......Des bises à vous 2
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Lundi 20 Décembre 2021 à 21:49
Oh oui, dans un port de Grèce !
En attendant, le rendez-vous alpin nous donnera l'occasion de commencer l'année nouvelle sur le territoire français d'une merveilleuse façon.
Aujourd'hui, nouvelle fricassée de légumes, sans ajout de matières grasses :
Assaisonnement avec, bien sûr, le sel de Μεσολόγγι. Là-dessus, le même jour, nouvelle visite du Hanabi, avec une double proposition de convivialité ! Ce deuxième hasard est tout aussi frappant que celui survenu il y a trois jours.
Un scénario au déploiement intarissable, comme jadis, sur le quai de Μεσολόγγι : apéro du Nirvana, melon jaune du Hanabi, soupe de lentilles du Zeph,...
L'amitié a l'art de déployer l'accordéon du temps.
RP
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Hello vous 2, on lit tout depuis votre séjour à Athènes jusqu'au départ vers la Crête. Mais en lisant ce chapître là, les larmes viennent aux yeux, tellement les photos sont belles et l'amitié avec ces grecs rencontrès, intense. Votre blog est d'une richesse incroyable, le lire donne juste envie de repartir vite fait, mais hors saison estivale. A bientôt j'espère.
La spontanéité du Hanabi est un trésor, digne de ce que la Grèce nous laisse en héritage.
Une photo, plus que d'autres, illustre le désir de fraternité universelle et surtout le magnifique geste qui réussit à combler ce désir.
Voici cette photo :
C'est Ευαγγελία – EYAΓΓEΛΙΑ (en français : Évanguelia), qui nous offrait le bouquet de basilic.
Le bonheur transfigurait non seulement le visage, mais aussi tout le corps.
Le bouquet aromatique était tout près du cœur, comme s’il en émanait. Cette contiguïté, apparemment fortuite, exprimait une réalité du second ordre : le cœur crétois exhalait des effluves qui donnaient du goût, beaucoup de goût à la vie.
La tête s’inclinait légèrement pour se rapprocher de l’épaule droite, par coquetterie.
Le souci de l’élégance avait pour objectif d’assurer la complétude du geste de la générosité.
Merci au Hanabi de nous avoir donné l’agréable occasion de retrouver la personnification de l’hospitalité crétoise.
Ces lignes sont écrites depuis Ηράκλειο – ΗΡΑΚΛΕΙΟ (en français : Héraklion), la capitale de l’île. C’est notre septième et dernier pied-à-terre.
Voici notre repas de bienvenue : une fricassée de légumes.
Pour assaisonner, le mousse a pioché dans les condiments que l’hôte crétois a mis à notre disposition.
Surprise, surprise. Voici ce que le mousse a découvert :
Le sel de Μεσολόγγι – ΜΕΣΟΛΟΓΓΙ (en français : Messolonghi) ! ! !
Dans la capitale crétoise, le raffinement consiste à saler avec le sel de la célèbre lagune.
Mais, pour nous, la lagune de Μεσολόγγι, c’est d’abord le lieu où a vu le jour la très belle amitié entre le Hanabi et le Zeph.
Le fait qu’aujourd’hui, les divinités ont mis entre les mains du mousse le sel de Μεσολόγγι montre qu’elles étaient au courant de l’émouvant commentaire rédigé hier par le Hanabi.
La rencontre à Μεσολόγγι était providentielle. Le sel de Μεσολόγγι, qui surgit à point nommé, l’est tout autant.
Porte-toi bien, cher Hanabi !
RP