Il y a une semaine, le Zeph a reçu de l’Aventy un double courrier.

Voici l’objet du premier envoi :

 

 

L’Aventy savait que le Zeph attendait d’être opéré. Alors l’Aventy a rendu visite au Zeph en apportant à celui-ci des fleurs, qui étaient, en l’occurrence, des pavots.

Certes, le Zeph bénéficie d’un environnement qui n’est pas du tout laid, grâce à la présence de nombreuses fleurs sauvages. À titre d’exemple, voici les marguerites qui égaient l’espace du côté de la poupe :

 

 

Le Zeph, qui est reconnaissable sur la photo grâce à l’éolienne tricolore, se félicite que son environnement immédiat ne soit pas du bitume sombre et stérile, mais une terre vivante et colorée.

Seulement, cette floraison de la liberté et de la spontanéité, qui donnait l’impression de se retrouver au milieu des champs, était offerte à tous les amoureux de la nature et n’était donc pas spécialement dédiée au Zeph.

C’est pourquoi le Zeph remercie vivement l’Aventy de lui avoir fait un envoi spécifique, avec une dédicace personnalisée, à travers ces mots : « Toujours dans l'attente ? »

L’Aventy était conscient que le Zeph souffrait terriblement de devoir attendre depuis si longtemps dans le hall d’accueil à cause des formalités administratives qui traînaient en longueur.

Le geste fleuri de l’Aventy, accompagné de la subtile dédicace, était donc un très beau témoignage d’empathie.

Ce n’était pas le premier geste d’empathie de la part de l’Aventy dans cette affaire.

Dès que l’Aventy a eu connaissance du choc avec le rocher de l’ensorcellement, l’Aventy a envoyé ces mots au Zeph : « J'espère qu'il n'y a pas trop de dégâts ! Bon courage pour réparer. »

L’émotion de l’Aventy était vive. L’Aventy s’est immergé dans la catastrophe et a réagi comme si l’Aventy avait été à la place du Zeph. Étymologiquement, l’Aventy a manifesté, à cette occasion, de l’empathie.

« Em-pathie » vient du grec ἐμπάθεια. Le terme grec se compose du préfixe ἐμ (transcription : em) qui signifie « dans, à l’intérieur » et du radical πάθoς (transcription : pathos) qui veut dire « souffrance ».

Littéralement donc, l’Aventy s’est glissé dans la souffrance du Zeph.

Dans un premier temps, l’empathie de l’Aventy était émotionnelle.

Les mots ci-dessus de l’Aventy sur les « dégâts » ont été rédigés le 27 avril 2023, en guise de « commentaires » au sujet de l’article « Au 19è jour... ».

Le jour où l’Aventy a transmis son sentiment d’inquiétude, c’était le jour où le Zeph venait d’être admis au service des urgences de la clinique de Χαλκούτσι – XAΛΚΟΥΤΣΙ (transcription : Khalkoutsi).

Depuis, le Zeph patiente toujours dans le hall d’entrée, dans l’attente que son cas soit administrativement reconnu et qu’on lui autorise enfin l’accès au bloc opératoire.

L’Aventy a dû faire le calcul et trouver que lors de la visite de la semaine dernière avec des fleurs, le Zeph était à son trente-sixième jour d’attente !

L’Aventy était absolument conscient de la grande pénibilité d’une telle attente. C’est pourquoi l’Aventy en parlé, mais avec beaucoup de tact.

L’empathie exprimée par l’Aventy était faite de sincérité et de doigté.

L’empathie manifestée au sujet de la souffrance de l’attente était émotionnelle. Mais pas seulement. Car cette empathie s’aidait d’une connaissance relative à l’univers du mousse du Zeph. En effet, l’Aventy savait que le mousse aimait beaucoup les fleurs. C’est pour quoi l’Aventy a choisi le langage des fleurs pour témoigner son empathie. La mise à profit de la connaissance de la personnalité du mousse faisait que le double envoi de la semaine dernière était de l’empathie à la fois émotionnelle et cognitive.

Le second envoi de la semaine dernière était en cohérence avec le premier. En effet, voici le contenu du second envoi :

 

 

C’est encore la famille des pavots, mais cette fois-ci avec une densité chromatique plus importante, comme pour nous donner du tonus après nous avoir apporté la consolation.

L’éclosion du sentiment de partage était absolument spontanée, mais la manière dont il prenait forme nécessitait de la réflexion et du discernement.

En effet, l’empathie témoignait sa profondeur en calculant le nombre de jours d’attente du Zeph. Mais elle pouvait aussi vouloir veiller à la justesse de son aide en choisissant le bon moment, en visant bien, par rapport à l’axe du temps. Dans ce cas, le calcul de l’empathie n’était plus une question de dénombrement, mais de perspective.

Concernant le calcul de l’impact sur l’axe temporel, l’empathie de l’Aventy, exprimée par le double envoi de la semaine dernière, a agi au bon moment puisqu’elle a déclenché une réaction en chaîne, où l’énergie appelait l’énergie positive.

Dès le lendemain de la visite fleurie faite par l’Aventy, le Capitaine a voulu montrer au mousse un champ rempli de fleurs bleues. Le Capitaine a fait de cette promenade une urgence, qui, de prime abord, ne semblait pas justifiée en tant que telle. Nous sommes donc allés voir ces fleurs bleues, en laissant à la Providence le soin de nous révéler plus tard le bien-fondé du sentiment d’urgence.

Les fleurs bleues étaient de la chicorée qui a poussé très haut et qui a fleuri, en abondance.

Mais au milieu de ce tapis flottant aux tons azurés, le mousse a vu un spectacle qui n’était pas dépourvu d’intérêt. Le voici :

 

 

La plante avait des piquants, qui pouvaient blesser et causer des douleurs. Mais un insecte s’y cramponnait car elle lui fournissait les nutriments de la vie.

Un message nous était-il délivré à travers cette scène allégorique ?

Était-ce pour voir cette fable que nous étions harcelés par l’urgence de venir jusqu’à ce lieu ?

Après cette vision qui faisait beaucoup réfléchir sur la manière dont nous pourrions continuer à prendre soin de notre organisme malgré le traumatisme lié aux blessures du Zeph, une autre vision nous a été offerte dans une chapelle qui se trouvait à proximité.

La vision était un triptyque. Voici le premier volet :

 

 

La chapelle était dédiée à Άγιος Δημήτριος (transcription : Saint Dimitrios).

Un portrait du Saint, sous forme de cavalier, apparaissait au premier plan, sur une tablette inclinée, de ce côté-ci de l’iconostase.

Un autre portrait du Saint était présenté de l’autre côté de l’iconostase, sous la forme d’un fantassin.

La splendeur de la simplicité et le libre accès aux choses dites sacrées procuraient aux instants passés dans ce lieu de paix une exquise légèreté. La disparition instantanée de toute forme de stress et d’inquiétude témoignait de l’empathie du microcosme de la chapelle.

Ce matin-là, l’empathie émanait de l’édifice mais aussi des êtres.

Voici le deuxième volet du triptyque :

 

 

À droite de la photo, c’était Σπύρος (transcription : Spiros), le dispensateur des bénédictions de la liturgie. À gauche de la photo, c’était Λάζαρος (en français : Lazare), le responsable pour les questions matérielles. Les deux Grecs ont senti que nous voulions émerger d’une situation douloureuse. Alors, avec beaucoup de talent, ils se sont glissés dans notre volonté d’émerger, qu’ils ont soutenue avec beaucoup de générosité, Σπύρος par sa joie et son dynamisme et Λάζαρος par sa douceur et sa patience.

Nous arrivons maintenant au troisième volet du triptyque, qui n’était pas le moindre des trois volets.

Il s’agissait d’une présence très douce et très affectueuse, que l’on peut voir sur la photo précédente, tout à fait à gauche, entre Λάζαρος et le mur blanc de la chapelle.

Nous parlons donc d’un chien qui n’avait pas de nom, parce qu’il n’avait pas de maître. Mais il avait la tendresse d’un ami. Lui aussi, il a senti que nous cherchions à remonter la pente grâce à des témoignages d’affection. Alors, généreusement, inlassablement, épidermiquement, il a multiplié ses gestes affectueux pour soutenir notre désir de guérir. Enhardi par la justesse de son flair, il a appuyé très, très fort son museau dans la paume de la main droite du mousse. Cette pression, intense et insistante, était la matérialisation du préfixe « em » dans « empathie ». Quant au radical « pathos », qui désigne « ce que l’on ressent », l’ami agissait comme s’il cherchait à faire corps avec tout notre être.

Cette triple rencontre tenait du miracle parce que Σπύρος est venu pour fermer la chapelle dont la porte avait été forcée. Désormais, l’édifice n’ouvrira plus qu’une seule fois l’an, le jour de la fête de Saint Dimitrios, qui est le 26 octobre, selon le calendrier byzantin.

L’empathie témoignée la veille par l’Aventy a été à l’origine de la hâte qui nous a permis d’arriver à temps avant la pose du cadenas sur la porte de la chapelle consacrée à Saint Dimitrios.

L’empathie de l’Aventy a bien calculé sa portée.

L’énergie positive, emmagasinée grâce au triple témoignage d’empathie exprimé à la chapelle de Saint Dimitrios, nous a inspiré d’autres prises de décision porteuses de bienfaits.

Pour célébrer le triptyque découvert à la chapelle, nous nous sommes fait plaisir avec les produits frais achetés le même jour, au marché fermier de Ωρωπός – ΩΡΩΠΟΣ (transcription : Ôrôpos).

En employant le langage des fleurs, l’empathie de l’Aventy a visé juste.

Pour fêter l’empathie avec l’art de la table, le mousse est revenu vers les fleurs. Ce matin-là, au marché fermier, il avait le choix entre ceci :

 

 

et ceci :

 

 

La première sorte coûtait 1 € le kilo tandis que la seconde sortait valait 1,50 € le kilo.

Le Zeph a de l’empathie pour des porte-monnaies modestes.

Cette empathie fait son calcul.

Le mousse a donc acheté la première sorte.

Voici le résultat de la préparation culinaire :

 

 

La légèreté de la pâte à friture permettait d’exhiber la transparence de la chair végétale. C’était une illustration comestible du préfixe « em » du mot « em-pathie ».

On voit « dedans », pour avoir envie du « dedans » et s’y plonger.

Quant aux nervures saillantes, elles pourraient indiquer les lignes de force, c’est-à-dire l’évolution du sentiment ressenti.

La cuisson avait pour mission de préserver la transparence des pièces florales. L’exhibition de la texture interne encourage l’immersion visuelle et mène vers l’osmose gustative.

 

 

L’art culinaire sait utiliser l’esthétique pour évoquer l’éthique. Comme il est fascinant quand il peint l’empathie !

Il est encore plus émouvant quand il donne vie à l’empathie.

En effet, après la chapelle consacrée à Saint Dimitrios et le marché fermier de Ωρωπός, le Capitaine était porté par un formidable élan d’empathie. Il s’est glissé dans le personnage du mousse pour ressentir ce que celui-ci ressentait quand il fallait préparer les repas sans la moindre défaillance, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, sur les flots comme sur le ber. Le résultat de cette immersion était immédiat. En voici les couleurs :

 

 

Ces poivrons que le Capitaine a lui-même fait mijoter provenaient directement du marché fermier de Ωρωπός. Le Capitaine n’a pas joué à la dînette. Avec beaucoup de sérieux, il a voulu assurer la confection de l’intégralité du repas.

 

 

En se mettant à la place du mousse, le Capitaine a ressenti la nécessité de soulager celui-ci dans l’écrasante tâche au milieu des fourneaux.

L’empathie n'élabore pas une théorie du partage. L’empathie engendre la réalité du partage.

Lors du récent apéro à bord du Βασίλισσα, la muse de celui-ci s’est insurgée contre le fait que l’espace démocratique soit complètement évincé par le fonctionnement d’un bateau. Or, l’espace démocratique est un espace qui célèbre l’égalité. En conséquence, l’égalité a-t-elle sa place à bord d’un bateau ?

À cette question délicate, l’élan d’empathie du Capitaine du Zeph fournit un élément de réponse.

Effectivement, l’empathie instaure une égalité dans la dignité.

En vérité, l’empathie est le prélude à l’harmonie.

Regardez à quel point le geste d’empathie du Capitaine à l’égard de l’équipage a rempli le giron du Zeph d’une douce sérénité :

 

 

Le cosmos, qui s’émouvait de ce bien-être, montrait à son tour son sourire d’empathie par l’intermédiaire de la pleine lune :

 

 

Le Zeph, reconnaissable à son éolienne tricolore, se trouvait à gauche sur la photo. La lune de la plénitude se levait au Sud.

Le geste d’empathie de l’Aventy était à l’origine d’autres gestes d’empathie, tout aussi magnifiques les uns que les autres. Il était leur déclencheur, leur catalyseur, leur précurseur.

L’empathie calcule à bon escient pour soulager la souffrance.

Le geste d’empathie veut être complet et cherche donc l’efficacité. Il vise le bon impact sur l’axe du temps.

Trois jours après la manifestation fleurie de l’empathie de l’Aventy, le verrou administratif qui avait, jusque là, infligé au Zeph une attente de trente-neuf jours a été levé : il suffisait de mettre un tampon officiel sur le devis communiqué par la Grèce à la France !

Une semaine, jour pour jour, après l’envoi des pavots qui témoignaient l’empathie de l’Aventy, l’assurance a consenti à verser un acompte au chantier réparateur pour démarrer les travaux préliminaires.

Le Zeph voit la fin de sa longue période d’attente.

À la question « Toujours dans l'attente ? », posée par l’Aventy dans la dédicace des pavots, le Zeph peut maintenant répondre : « C’est bientôt fini pour la longue et pénible attente ! »

Voici le Zeph qui se tient prêt pour aller au bloc opératoire :

 

 

La toilette est faite. Tout est en ordre pour accueillir le premier coup de scalpel.

Ce giron de la confiance est le cadeau de l’empathie magnifiquement efficiente, qui émane des amis du Zeph.