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Le balcon posé sur la mer (12) entre Μύκονoς et Πάρος. Le balcon du Lundi de Pâque
Le matin du Lundi de Pâque selon le calendrier byzantin, notre réservation auprès du port municipal de Μύκονoς a pris fin.
Avant de larguer les amarres, nous avons utilisé jusqu’à la dernière goutte l’eau que nous avions achetée à la borne des énergies. Le mousse a lavé les habits.
Puis il a lavé les draps. L’eau de rinçage a servi à laver les serpillières.
Puis le reliquat d’eau à la borne de distribution a été réparti dans cinq seaux, remplis à mi-hauteur, pour que les oscillations provoquées par les vagues ne fassent pas déborder le contenu.
Assumer ses responsabilités par rapport à soi-même, même dans le domaine du quotidien, c’était pratiquer l’autonomie. Et l’autonomie faisait de nous des êtres libres !
C’était le Capitaine qui s’occupait de l’étendage.
De toute la marina, le Zeph était le seul bateau qui pendait autant de linge et de manière aussi ostentatoire. Le linge a assez vite séché grâce au soleil qui était généreux et au vent qui était coopératif.
Voici la photo du succès de la répartition des tâches à bord du Zeph :
Nous étions heureux, non pas de quitter le bijou cycladique qu’était Μύκονoς, mais de retrouver notre liberté au milieu des flots.
À la sortie du port, il fallait tourner à gauche. Nous avions le choix entre passer devant Δήλoς (transcription : Délos) ou passer devant Ρήνεια (transcription : Rénia). Le mousse a préféré la fécondité de l’Histoire à la stérilité de la Géographie. Δήλoς était le berceau d’Apollon tandis que Ρήνεια n’était qu’un simple caillou environnée de solitude sublimée par des mouillages. Par conséquent, Δήλoς l’a emporté sur Ρήνεια.
Le Zeph a donc suivi la route qui laissait à tribord le berceau d’Apollon :
À l’arrière-plan, c’était le territoire qui avait vu la naissance d’Apollon.
La plénitude qu’offrait la conscience de l’Histoire nous rendait euphoriques.
Nous nous souvenions de l’immense liberté dont nous avions joui pour explorer le site apollinien presque pierre par pierre.
Du fond du cœur, le mousse remerciait encore le Capitaine, qui avait, à cette époque, déniché la synagogue au ras-de-l’eau. Cette découverte, inespérée, avait fourni une illustration à la façon de procéder chez Paul, l’apôtre des nations. Après chaque débarquement, c’était d’abord auprès de la synagogue, c’est-à-dire auprès de ses frères selon la chair, que l’apôtre missionnaire portait la Bonne Nouvelle du Nazaréen ressuscité.
Avec son regard d’aigle et son index de magicien, le Capitaine a situé pour le mousse la position de la synagogue dans le relief apparemment confus de Δήλoς.
Autrement dit, les flots que nous étions en train de traverser n’étaient pas quelconques.
Le GPS avait une empreinte de ce passage chargé de sens :
L’indication « NISOS DHILOS », qui était la transcription en caractères latins de l’expression grecque « Nησί Δήλος » (en français : île de Délos) figurait sur la carte marine en deux endroits. D’abord, à l’arrière du profil du bateau. Ensuite, sur le corps orangé de l’île à tribord du Zeph.
Quant à la grande île qui se trouvait à bâbord et qui commençait à être en retrait, c’était Μύκονoς.
Voici, avec l’œil du photographe, le détroit entre Δήλος et Μύκονoς :
Δήλος se trouvait à gauche de la photo. Considérée comme un territoire sacré, Δήλος ne comportait aucune habitation de mortel, d’où son aspect nu.
À l’inverse, des maisons étaient disséminées sur Μύκονoς, que l’on voyait à droite de la photo. D’où les parcelles de blancheur qui éclaircissaient la teinte ocre du relief montagneux.
Apollon manifestait son approbation pour l’itinéraire que nous avons choisi :
Une lumière généreuse descendait à partir du sommet du mât et inondait le génois.
Elle dansait également au-dessus des flots :
La lumière apollinienne continuait d’éclairer les réflexions et les décisions du Capitaine :
L’onde bleue s’écartait poliment mais joyeusement devant l’avancée de l’étrave. Et comme elle savait que le mousse était friand de transparence, elle a offert la tendresse de sa limpidité à celui-ci :
Six heures après avoir quitté Μύκονoς, nous sommes arrivés à Πάρος (transcription : Paros).
Le Capitaine s’est installé au mouillage.
L’endroit était d’un calme très envoûtant.
Nous étions comme seuls avec la lumière d’Apollon, qui venait pourlécher nos verres de vin résiné :
Nous avons trinqué à la paix du Zeph et à l’harmonie du cosmos :
Avant de nous dire au revoir, le dieu de Δήλος s’est délecté des effluves des rouleaux de printemps, tout chauds et tout croustillants :
Aucun mortel n’est venu nous perturber dans notre bonheur sublime.
Aucune présence indésirable ne s’est manifestée.
Aucun bruit incongru n’a heurté le souffle de la paix.
Immergés dans l’exquise sensation de l’infini, nous nous sentions libres, divinement libres.
Quand la clarté solaire a disparu, le Zeph s’est glissé dans les délices de la quiétude nocturne.
Le balcon posé sur la mer entre Μύκονoς et Πάρος, pendant le Lundi de Pâque, était le balcon de la liberté.
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