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Le balcon posé sur la mer (15-3) à Eρμούπολη. Le balcon d’un dénouement heureux
Grâce au trésor de patience de l’IraVera, le dimanche 12 mai 2024 a été une journée faste pour le Zeph. Celui-ci en a profité pour avoir une récréation en se déconnectant temporairement des soucis de la mécanique.
La récréation s’est déroulée sous la forme d’une escapade sur la colline la plus méridionale, qui était aussi la plus haute en couleurs.
Ainsi nous avons passé le lundi 13 mai à fortifier les muscles en escaladant des escaliers, à nourrir le suspens grâce à la sinuosité des ruelles, à nous émerveiller avec la palette chromatique, souvent très audacieuse.
Voici un tournant qui n’était pas sans rappeler la magnificence de la « Bella Italia » :
Certes, la blancheur qui faisait la réputation de l’esthétique cycladique était dominante. Mais à Eρμούπολη, les dérogations n’étaient pas rares, car la volonté de surprendre était une caractéristique de l’île.
Nous avons fait notre randonnée depuis la fin de la matinée jusqu’au coucher du soleil.
Nous sommes rentrés juste à temps, au moment où les dernières lueurs de l’astre solaire pouvaient encore faire exulter le corail des crevettes rissolées avec des graines de fenouil :
Le corail, qui détenait le goût divin de la mer, se logeait dans la tête du crustacé. Celle-ci était donc traitée avec beaucoup d’égards.
Après l’intermède récréatif, est venu le grand jour, qui était le mardi 14 mai. Ce jour était grand en raison de l’espoir que nous avions mis dans le mécanicien qui défendait les couleurs de la marque Yanmar à Eρμούπολη.
Le mécanicien s’appelait Γεώργιος (littéralement : fils de la terre).
Il formait un tandem inséparable avec son père, qui avait pour nom Σταμάτης (littéralement : feu rouge [dans la circulation routière]).
Le Capitaine avait rendez-vous avec le tandem de mécaniciens le mardi 14 mai, dans la matinée. Quant à l’heure exacte de l’intervention, elle ne nous serait communiquée que le jour même.
Voici donc le Capitaine qui téléphonait ce mardi matin pour connaître l’heure de l’intervention des deux mécaniciens :
À ce moment-là, il était huit heures moins le quart, heure locale.
Σταμάτης, le père, qui a pris la communication, a répondu que son fils viendrait ausculter le Zeph à dix heures.
Nos chers lecteurs ont sûrement senti que nous avions agi comme si nous marchions sur des œufs, car nous craignions de commettre une bévue dans notre façon de communiquer avec ces deux mécaniciens, dont nous avions tant besoin.
Par bonheur, les deux Grecs n’étaient nullement imbus de leur personne, ni arrogants dans la manière de montrer leur savoir-faire technique.
Le tandem de mécaniciens était ponctuel : ils se sont présentés à dix heures moins le quart.
Voici Γεώργιος, le fils, devant la descente dans le carré :
L’escalier a été soulevé pour donner accès au moteur. Mais l’intérêt de cette photo n’était pas dans l’état de la mécanique mais dans la civilité de l’être humain. En effet, regardez les pieds du Grec. Il s’est déchaussé avant de descendre dans le carré. Plus précisément, il s’est déchaussé sur le quai, avant de monter sur le Zeph.
Certaines personnes sont montées sur le Zeph après s’être déchaussées dans le cockpit ou sans se déchausser du tout. Dans cette dernière catégorie, il y avait la réalisatrice d’un tournage pour FR3, du temps où le Zeph était souvent amarré au quai de la CNTL à Marseille.
Le Grec n’avait pas l’outrecuidance d’exiger des passe-droits. Son père, non plus.
Σταμάτης, le père, s’était également déchaussé sur le quai avant de monter sur le Zeph.
Cette délicatesse des Grecs témoignait qu’ils avaient un très grand respect envers l’autre.
La photo suivante montre le cadre où l’élégance des Grecs s’est encore manifestée de façon très émouvante :
Sur la droite, dans la cabine qui servait de soute, le Capitaine était en train de réinstaller le fameux coude d’échappement. À cause de la nouveauté de l'exercice, une vis est tombée. Inévitablement, un cri d’énervement s'est échappé de sa bouche et faisait sourire Γεώργιος, le fils, qui se gardait d’intervenir, de peur d’humilier la personne maladroite. Dans le sourire du Grec, il y avait de l’empathie, sans aucun doute, et plus que cela encore. Γεώργιος souriait comme s’il voyait le ballon de latex que venait de jeter en l’air son jeune frère retomber sur le nez de celui-ci. Ce sourire n’était pas suscité par la drôlerie, mais par le bonheur de jouer.
Γεώργιος a vu dans les essais renouvelés du Capitaine un aspect ludique.
C’était la bonté du Grec qui lui soufflait cette perception.
À l’arrière-plan, dans le cockpit, apparaissait la silhouette de Σταμάτης, le père. Bien que le geste du Capitaine ait mis du temps pour parvenir à son but final, Σταμάτης ne s’est montré impatient à aucun moment, ni par un mot, ni par un mouvement du corps. Cette patience n’était pas l’expression du stoïcisme, mais de la bonté.
La photo ci-dessus évoquait un autre enseignement, qui était sans lien avec l’activité du Capitaine.
En effet, observez la direction du regard de Γεώργιος, le fils. Le Grec baissait son regard. Il a toujours baissé son regard pendant que le Capitaine remettait en place le coude d’échappement.
Quand Γεώργιος était à genoux devant le moteur, il arrivait qu’il regardait le Capitaine en face. Alors pourquoi dans cette cinquième photo, où Γεώργιος était debout, n’osait-il plus regarder en face ?
Qu’aurait-il vu en face ? Ceci :
La table à cartes et les hublots à bâbord. Avec la décoration qui reflétait les goûts artistiques du Zeph.
La pudeur du Grec l’incitait à considérer tout cela comme faisant partie de l’intime. Et sa conscience lui disait de ne pas avoir un regard intrusif.
Quelle élégance dans cette retenue !
Le Grec marquait bien la frontière entre ce qui était privé et ce qui était public. Faisait partie de ce qui était public, la relation professionnelle.
Sur le plan professionnel, le Grec était rigoureux et efficace.
Il est venu avec un dispositif pour assainir le carburant :
Le tuyau noir amenait le nouveau diesel, auquel était ajoutée une substance qui permettait la purification. Quant au tuyau blanc, il évacuait ce qui était excédentaire.
Σταμάτης, le père, nous a dit la durée de cette purge.
Il nous a aussi dit qu’ils avaient une journée très difficile parce qu’ils devaient aussi intervenir sur un gros bateau dont le moteur ne faisait qu’avaler de l’eau sans la recracher.
Mais Σταμάτης nous a encore dit qu’ils reviendraient dans l’après-midi.
Pendant cette conversation, des sonorités françaises se sont échappées de la bouche de Σταμάτης, à notre grande surprise.
Nous avons demandé à Σταμάτης comment il avait appris ces mots et ces expressions de la langue française. Σταμάτης nous a répondu qu’un siècle en arrière, il existait une très forte alliance entre la France et l’île de Σύρος (transcription : Syros), dont Eρμούπολη est la capitale.
Γεώργιος, le fils, écoutait très attentivement pendant que son père nous faisait ces confidences.
Γεώργιος, le fils, a aussi perçu le bonheur qui habitait son père pendant que celui-ci se confiait à nous.
Très émus, nous avons dit au revoir aux deux Grecs, sans oser leur demander à quelle heure ils pensaient revenir.
Pendant combien de temps travailleraient-ils pour le gros bateau qui se gonflait d’eau ? Nous n’en avions aucune idée !
Il a fallu du temps pour que nous revenions à notre organisation personnelle.
Autrement dit, il fallait se préoccuper du repas de la pause méridienne.
Inspiré par la douce présence des deux Grecs, le mousse a préparé du poulet à la poire.
Les cuisses de la volaille étaient dorées avec des aubergines parfumées au fenouil :
Ensuite le jus du poulet était utilisé pour rôtir la poire :
Le goût de la poire a beaucoup, beaucoup plu au Capitaine.
Après le repas, nous avons attendu le retour de Σταμάτης et de Γεώργιος.
Nous étions confiants qu’ils reviendraient.
Huit heures après leur départ, ils sont revenus, la mine joyeuse.
Ils avaient la mine joyeuse, non pas parce que le sauvetage du bateau hydrophile était réussi (Σταμάτης, le père, nous a dit qu’ils n’avaient pu faire que cinquante pour cent des tâches nécessaires), mais parce qu’ils étaient tout simplement contents de nous revoir.
Γεώργιος, le fils, a vérifié que l’assainissement du diesel avait bien fonctionné :
L’intérêt de la photo ci-dessus est double.
D’abord, elle montre l’extrême concentration du Grec, son sérieux et son professionnalisme.
Ensuite, elle évoque, par contraste, l’extrême joie qui métamorphose le visage de Γεώργιος, le fils, quand celui-ci entend, sans doute pour la première fois, les aventures de Σταμάτης, le père, à Μασσαλία (en français : Marseille).
En effet, le père nous a raconté qu’il était venu à Marseille. Comme le Grec semblait être un habitué de cette destination, le mousse lui a demandé :
“Πόσες φορές ; Δέκα φορές ;”
En français :
Combien de fois ? Dix fois ?
Tout fier, le Grec a répondu :
“Eίκοσι !”
En français :
Vingt !
Ce nombre 20, qui était tout à fait prodigieux, nous a fait éclater de rire. Et Γεώργιος, le fils, à l’étage au-dessous, a aussi éclaté de rire.
Encouragé par la joie de nous trois, Σταμάτης, le père, nous a parlé de ses amours de marin en escale à Marseille.
Les nouvelles confidences de Σταμάτης, le père, nous faisaient encore éclater de rire. Γεώργιος, le fils, éclatait de rire en voyant la complicité entre son père et nous.
Cette joie, imprévue mais ô combien salutaire, n’a pas entravé la suite des travaux des deux Grecs.
Le Capitaine a demandé de l’aide à Γεώργιος, le fils, pour changer la courroie de l’alternateur :
Le Grec se montrait tout heureux d’offrir son aide.
Le Capitaine, qui voulait se rendre utile, cherchait l’outil dont le Grec aurait besoin.
Intuitivement, celui-ci a dit au Capitaine : Δεκαεπτά ! (en français : Dix-sept !)
C’était la taille de la clé pour visser.
Sidéré, le Capitaine a dit au Grec : Γιατί ;
En français : Pourquoi ?
En guise de réponse, le Grec s’est contenté de sourire. Mais son intuition a vu juste.
La clé 17 était celle qu’il tenait dans ses mains sur la photo suivante :
La justesse de l’intuition était la signature d’un très grand professionnalisme.
L’installation de la courroie était la dernière tâche accomplie par les deux Grecs pour le Zeph.
Au moment de l’au revoir, le Capitaine leur a proposé du thé en sortant les ustensiles achetés en Anatolie :
À Γεώργιος, le fils, le Capitaine a fait humer le thé noir, parfumé à la bergamote et aux fleurs de souci. Le Grec semblait séduit par les effluves, mais le travail du gros bateau hydrophile attendait le père et le fils ailleurs.
Pendant que les deux Grecs remettaient leurs chaussures, le mousse leur a dit :
Littéralement : « [Un] bon cœur vous avez ! »
Le compliment était mérité. Et il faisait réellement plaisir.
Très ému, Γεώργιος, le fils, basculait sa tête en arrière.
Puis, quand les deux Grecs ont commencé à nous tourner le dos, le mousse a crié en leur direction : “Καλλιτέχνες !”
En français : « Artistes ! »
Car la gestion des fluides n’est pas une technique mais un art.
Le mousse a vu que ce compliment, qui était l’un des plus beaux pour un Grec, a provoqué une forte émotion chez Γεώργιος, le fils.
Avant que la journée ne se termine, le mousse a envoyé ces mots de remerciement aux deux Grecs :
Αγαπητοί Σταμάτη & Γεώργιο
Σας ευχαριστούμε πολύ για τη βοήθεια, την υπομονή και την καλοσύνη σας.
Με μεγάλη συγκίνηση ακούσαμε τον Σταμάτη να αφηγείται τις περιπέτειές του στη Μασσαλία.
Γεια σας !
O Mιν
En français :
Chers Σταμάτης & Γεώργιος,
Merci beaucoup pour votre aide, votre patience et votre bonté.
Avec beaucoup d’émotion, nous avons écouté Σταμάτης raconter ses aventures marseillaises.
Portez-vous bien !
Minh
L’adresse électronique destinataires était et est :
O Σταμάτης & O Γεώργιος<cycladesdieselmarine@yahoo.gr>
Nos chers lecteurs peuvent utiliser cette adresse pour bénéficier des services rendus par ces deux Grecs très dévoués.
Le balcon posé sur la mer à Eρμούπολη était le balcon d’un dénouement heureux.
Tags : balcon posé sur la mer, Eρμούπολη, dévouement, poire, Καλλιτέχνες, Μασσαλία
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