-
La volonté de produire du sens
La volonté de produire du sens atteint son but dans la construction du lien social. La relation humaine est la seule chose qui enrichisse véritablement le voyage. Le souci de l’altérité et le partage avec l’autre rendent la navigation désirable et féconde.
La rencontre avec « l’Étoile filante » qui venait du lac de Neuchâtel, en est un bel exemple. Le Zeph a vu « l’Étoile filante » pour la première fois à Αλιμιά – AΛΙΜΙΑ, qui se trouvait dans l’archipel du Dodécanèse.
Voici « l’Étoile filante » dans les eaux de Αλιμιά – AΛΙΜΙΑ :
À la poupe, le vent d’Est faisait battre le pavillon suisse.
La proue, qui était tournée vers le soleil levant, portait l’immatriculation NE 4050, où figuraient les initiales de NEUCHÂTEL.
À l’arrière-plan de la proue de « l’Étoile filante », se profilait la poupe du Zeph, ornée du pavillon tricolore et de l’éolienne, tricolore aussi.
« L’Étoile filante » s’émouvait de la façon dont le Zeph remerciait un ami commun. Le Zeph disait merci avec beaucoup de couleurs et beaucoup de saveurs aussi :
Le geste de la gratitude faisait appel aux produits venus directement du terroir. La star du plat était la courgette ronde, dont il fallait absolument préserver le côté croquant. Les poivrons servaient à enrichir la palette des coloris et à parfumer la préparation.
La recherche du beau fabrique du sens.
« L’Étoile filante » était sous le charme :
À droite de la photo, c’était la fée du logis sur « l’Étoile filante ». À gauche, c’était son barreur. Et à gauche encore, c’était le basilic du Zeph.
La photo a donc été faite à proximité du magnifique giardinetto du Zeph.
Avant de découvrir la fraîcheur des produits dans l’assiette, « l’Étoile filante » a pris le temps d’admirer la splendeur du basilic, qui lui a, par la suite, inspiré une idée géniale.
La vigilance, qui stimule la créativité, apporte du sens.
L’éblouissement ressenti par « L’Étoile filante » l’incitait à délivrer tout de suite le Zeph d’une terrible angoisse. En effet, depuis plusieurs jours, la panne du guindeau du Zeph mettait sérieusement en péril la perspective de prolonger la navigation de celui-ci. L’apéro chez l’ami commun a délié les langues. Tout le monde a entendu la complainte du Zeph. Mais seul le cœur de « l’Étoile filante » a pris la résolution de venir en aide au Zeph concrètement, avec courage et efficacité.
La promptitude à se montrer secourable fait affluer du sens.
Voici les mains des deux capitaines en train d’agir de concert pour venir à bout de la mécanique récalcitrante :
C’était cette partition à quatre mains qui a scellé l’amitié entre « L’Étoile filante » et le Zeph.
Pour reprendre la terminologie de Blaise Pascal, le lien amical est une richesse qui relève du deuxième degré. Le dévouement, qui anime « L’Étoile filante », appartient aussi au deuxième degré pascalien.
Le deuxième degré favorise la production de sens en abondance.
« L’Étoile filante » maîtrise à la perfection l’art de naviguer au deuxième degré.
La pratique de l’équité, qui est un autre trésor du deuxième degré, honore « l’Étoile filante ». En effet, après avoir œuvré activement à la remise en route de notre guindeau, « l’Étoile filante » nous a conviés à son bord pour nous faire déguster « ses » légumes, dont les vitamines avaient été ingénieusement préservés :
L’harmonie de choux qui nous a été servie a conservé toutes ses vertus nutritives d’origine grâce à la lacto-fermentation, qui s’avérait être une excellente parade à l’impossibilité d’aller à terre pour se ravitailler en produit frais.
Le sens fleurit dans l’élégance avec laquelle « l’Étoile filante » nous a reçus.
Cette élégance du savoir-être se voyait dans la manière dont « l’Étoile filante » faisait du temps son allié.
En effet, le temps présent offert par « l’Étoile filante » était irréprochable. De plus, le basilic de notre giardinetto, qui avait tant fasciné « l’Étoile filante », lui inspirait maintenant un geste qui empêcherait le futur d’être la demeure de l’oubli.
Refuser le caractère inévitable de l’oubli crée du sens.
Au moment de l’au revoir, « l’Étoile filante » couchait par écrit la recette de « son » pistou, pour que nous puissions profiter encore plus pleinement de l’opulence de notre basilic.
Avec « l’Étoile filante », l’éclosion du sens allait crescendo, de surprise en surprise encore plus grande. En effet, « l’Étoile filante » ne se contentait pas d’écrire des instructions. En plus, « l’Étoile filante » veillait avec soin à leur faisabilité. C’est ainsi que nous sommes repartis avec du parmesan et des pignons de pin, dont le prix dans le commerce était exorbitant.
Cette cohérence entre la parole, écrite ou orale, et les ingrédients fournis témoignait de l’existence d’une volonté, celle de laisser un sillage fécond.
On produit du sens en laissant un sillage fécond.
À chaque séparation, l’incertitude des prochaines retrouvailles avec « l’Étoile filante » était toujours grande.
Le hasard a fait que le Zeph et « l’Étoile filante » se sont revus à Χάλκη – ΧΑΛΚΗ (en français : Khalki), toujours dans l’archipel du Dodécanèse.
Le Zeph y a précédé « l’Étoile filante » de quelques jours, sans savoir que celui-ci regagnerait aussi la même baie.
Puis, un beau matin, le Zeph a reconnu la silhouette de « l’Étoile filante » à l’entrée de la baie. Et vite, le Zeph a proposé à « l’Étoile filante » de fêter leurs retrouvailles. Le banquet aurait lieu à bord du Zeph.
« L’Étoile filante » a accepté l’invitation sans hésitation.
Produire du sens en s’y mettant à deux, c’était un grand privilège et un immense bonheur.
Voici l’annexe de « l’Étoile filante » qui accostait le Zeph à bâbord pour la fête des retrouvailles.
La table du festin était toute prête :
Le plaisir des yeux et l’extase des papilles contribuaient à l’éclosion du sens tant qu’ils aboutissaient à une valeur du deuxième degré, ce qui était le cas présent.
On produit du sens en s’intéressant à l’autre avec sincérité, sans démagogie.
Le Zeph et « l’Étoile filante » produisaient du sens en manifestant l’un envers l’autre un intérêt sincère.
On produit du sens en offrant le meilleur de soi.
Le Zeph et « l’Étoile filante » offraient toujours le meilleur de chacun d’eux.
Le croustillant de la galette de riz dorée se mariait à merveille avec le croquant de la laitue fraîche.
Du sens naît quand la différence donne lieu à un accord et non à un conflit.
Le Zeph aimait être au port. « L’Étoile filante » préférait le mouillage.
Malgré cette divergence, le Zeph et « l’Étoile filante » se sont liés d’amitié. Et ce lien amical donnait du sens à chacune des deux navigations.
Il y a eu un accord parce que chacun comprenait et respectait le choix de l’autre.
L’altérité était appréciée en tant que telle, sans aucune tentative d’uniformisation.
Voici l’annexe de « l’Étoile filante » qui s’en allait rejoindre la nef-mère après le festin des retrouvailles :
À l’entrée de la baie, il y avait trois coques. La coque de « l’Étoile filante » était celle qui avait la bôme bleu foncé.
La grande étendue d’eau qui séparait la coque de « l’Étoile filante » de celle du Zeph illustrait le fait que chacun tenait à son indépendance.
Du sens n’aurait pas pu naître sans la préservation de l’identité de chacun.
Résister à la tentation de s’agglutiner ensemble était une question de volonté.
Le lendemain, « l’Étoile filante », qui était sans cesse à la recherche d’un endroit plus sauvage, quittait cette baie pour une autre, où ne venaient pas les ferries.
Voici « l’Étoile filante » qui est venu dire au revoir au Zeph, toujours amarré au port :
Sur la photo, c’est le museau du Zeph qui apparaît au premier plan, à droite.
Les derniers mots de « l’Étoile filante » pour le Capitaine du Zeph et le mousse étaient : « Prenez bien soin de vous ! »
Voilà qui sonnait comme un adieu.
En mer, l’incertitude du lendemain recommande la prudence.
En tout cas, l’adieu qui ne voulait pas dire son nom débordait d’affection.
Les divinités, qui ont assisté à la séparation, ont eu pitié de nous. Avant la fin de la saison de navigation, elles ont fait converger vers Πάτμος – ΠΑΤΜΟΣ (en français : Patmos) le Zeph et « l’Étoile filante ».
Retrouvailles inespérées. Retrouvailles festives. Retrouvailles extrêmement émouvantes.
Voici les deux capitaines au moment du dernier au revoir :
L’amitié entre le Zeph et « l’Étoile filante » était un cadeau inestimable de la mer.
De tels cadeaux de la mer donnent du sens à toute la saison de navigation et en rendent le souvenir impérissable.
Comme pour les fois précédentes, « l’Étoile filante » a laissé un sillage chargé de sens.
Pour le dernier au revoir, « l’Étoile filante » a offert au Zeph de la fava et une grenade :
De la fava, parce qu’on venait d’en savourer une préparation absolument délicieuse à bord de « l’Étoile filante ». L’onctuosité du plat nous avait enchantés.
La fava, comme symbole gustatif d’un lien social harmonieux.
Quant à la grenade si adulée des Grecs, elle symbolisait la fécondité.
Paré de reflets d’or et de pourpre, le sillage laissé par « l’Étoile filante » voulait préserver de l’oubli la naissance d’une amitié féconde.
La construction de la mémoire apporte du sens à l’existence en sauvant celle-ci de la vacuité.
C’est une question de volonté parce que cette construction requiert des efforts conscients et convergents.
On produit du sens en recherchant ce qui est édifiant.
On produit du sens en convoquant le καιρός.
Tags : volonté, construire du sens, lien social, altérité, deuxième degré, Blaise Pascal, accord, Αλιμιά, Χάλκη, Πάτμος, « l’Étoile filante »
-
Commentaires
Ajouter un commentaire
J adore
Cher lecteur,
Sans l’apéro à bord du Roch'hir, il est fort probable que cette fascinante aventure avec « l’Étoile filante » n’aurait pas eu lieu.
Quand tu as frappé à la coque du Zeph le 27 juillet dernier à Αλιμιά (en français : Alimia), tu as agi comme Hermès, qui était envoyé par les Olympiens.
Merci pour ton œuvre de médiation.
RP