• La route vers la Grèce (3). Le passage dans les Alpes

    Le passage dans les Alpes était une contrainte topographique. Mais grâce à la vigilance de l’œil et à la gratitude du cœur, ce passage obligé n’avait pas la tristesse d’une consommation sans lendemain.

    D’aucuns vont dans les Alpes pour scruter le manteau neigeux et tester sa solidité. D’autres s’y rendent pour se mesurer au vertige des crevasses ou des aplombs. Quant à nous, nous sommes passés par les Alpes pour revoir le Hanabi, que nous avions rencontré pour la première fois à Μισολόγγι – ΜΙΣΟΛΟΓΓΙ (transcription : Missolonghi).

    Il y avait donc des sommets enneigés sur notre route vers la Grèce. Ils étaient en résonance avec notre bonheur parce qu’ils servaient d’écrin à une très belle amitié. Avant eux, le premier écrin était la Mer Égée.

    Voici la montagne qui annonçait que nous allions bientôt serrer dans nos bras la muse du Hanabi et son capitaine :

     

    La route vers la Grèce (3). Le passage dans les Alpes

     

    Cette formation géologique, connue sous le nom de « massif du Dévoluy », nous faisait entrevoir de belles émotions, non pas celles des sports extrêmes, mais celles que procurait un dévouement sans limite.

    Car le Hanabi était extrêmement dévoué à l’égard du Zeph.

    L’intensité de l’engagement du Hanabi était déjà très émouvante en soi. De plus, elle ne s’exprimait jamais par le registre de la gravité, ce qui ne pouvait que décupler son attrait.

    Ainsi, la présence du Hanabi insufflait de la légèreté, une légèreté qui ne reflétait pas l’insouciance, mais le bonheur de l’optimisme.

    Sur le seuil du pied-à-terre du Hanabi, nous étions accueillis par le visage de la joie.

     

    La route vers la Grèce (3). Le passage dans les Alpes

     

    Le Hanabi pratique volontiers l’humour, mais jamais cet humour qui égratigne ou qui blesse. Ce genre d’humour corrosif dénote un mal-être de la part de son auteur. Non, l’humour du Hanabi n’a rien à voir avec tout cela : au contraire, il anoblit et le destinataire et l’auteur. Car cet humour est fait de bonté. Et l’on peut fort bien faire danser la vie grâce aux influx de bonté.

    Dans le giron du Hanabi, il y avait de la joie et beaucoup d’élégance dans cette joie.

    Cette élégance de la joie se voyait dans le langage et aussi dans l’organisation spatiale.

    Un étage entier a été mis à notre disposition, avec une chambre pour chacun. Une telle générosité ne pouvait être une source de tristesse pour personne, ni pour le bénéficiaire, ni pour le dispensateur.

    Quant à l’élégance du Hanabi, elle était dans le fait que ce geste de la générosité s’est effectué sans tambour ni trompette, en dehors de toute emphase du langage.

    C’était l’ornement qui a dit ce que les mots n’ont pas dit : l’ornement brillait de bonheur à l’idée de nous offrir un cadre très agréable.

    Voici une vue de l’environnement réservé au Capitaine :

     

    La route vers la Grèce (3). Le passage dans les Alpes

     

    L’univers du Hanabi était fleuri, au sens figuré comme au sens propre.

    La photo montre le chevet du lit.

    Dans cette composition florale, le motif central était traité à la manière d’une vague qui s’enroulait et qui se préparait à déferler. L’allusion à l’espace marin était une formidable trouvaille pour rappeler que l’amitié entre le Hanabi et le Zeph était un cadeau de la mer.

    Le devenir de la vague stylisée introduisait une dissymétrie dans l’architecture de la composition florale. Cette rupture de la symétrie était un éloge de la vie éprise de liberté.

    Comme conséquence de cette dissymétrie, les fleurs qui se trouvaient à la base, de part et d’autre de la vague, ne pouvaient pas être identiques.

    À gauche, la fleur d’en bas était une marguerite.

     

    La route vers la Grèce (3). Le passage dans les Alpes

     

    À droite, la fleur qui se trouvait à la base était une rose.

     

    La route vers la Grèce (3). Le passage dans les Alpes

     

    Si l’on assimile le chevet du lit à la proue d’un navire, la marguerite était à bâbord tandis que la rose se trouvait à tribord.

    Or la Grèce se couvre de marguerites au printemps et s’embaume du parfum des roses qui s’épanouissent en été.

    Autrement dit, ce lit avait un message pour la navigation du Zeph au cours la belle saison qui arrive. Le profil de la marguerite et celui de la rose incitaient à penser que ce message était de bonne augure. La confirmation de cela venait de l’ornement qui recouvrait les parties en contact avec le sol, c’est-à-dire les parties qui avaient valeur de fondations. En effet, les pieds du lit étaient recouvertes de grandes feuilles d’acanthe.

     

    La route vers la Grèce (3). Le passage dans les Alpes

     

    Or l’acanthe est la décoration par excellence du chapiteau corinthien, qui symbolise la prospérité et la magnificence.

    Ainsi, un vœu de prospérité était adressé au Zeph pour la saison de navigation qui démarre bientôt. Topographiquement, l’ornement de la prospérité était apposé sur les fondations, ce qui signifierait que les réparations effectuées au cours de l’été dernier étaient fiables.

    Ce cadeau du Hanabi était vraiment magnifique.

    La richesse des significations était fabuleuse.

    Comme nous étions choyés par le Hanabi !

    L’hellénisme sous-jacent était une très belle surprise. Il est difficile de ne pas y voir une intention des divinités.

    Le mousse avait droit à la même sollicitude. Voici son espace privé :

     

    La route vers la Grèce (3). Le passage dans les Alpes

     

    Un motif radial structurait l’ornement. On pouvait y voir des pétales aux extrémités arrondies, qui se déployaient à partir d’un cercle central. Mais l’on pouvait encore y voir la configuration d’un soleil levant. Cette deuxième perception était en cohérence avec les écritures calligraphiées sur la literie.

    Avec bienveillance et pertinence, le Hanabi a permis au mousse de se ressourcer au milieu des symboles de l’Orient.

    Le passage de l’Occident, où se reposait le Capitaine, à l’Orient, où le mousse méditait, se faisait sous le regard d’une créature souvent rencontrée au cours du périple anatolien : le paon.

     

    La route vers la Grèce (3). Le passage dans les Alpes

     

    Topographiquement, l’Anatolie était le seuil de l’Orient rêvé par Alexandre le Grand.

    Dans le pied-à-terre du Hanabi, l’oiseau de l’Anatolie assurait avec magnificence cette transition vers l’Orient.

    Mais le paon du Hanabi faisait plus que le travail du géographe. L’oiseau du faste servait surtout à évoquer l’admission dans l’Éden, le Paradis des origines.

    La position du paon qui trônait entre la chambre du Capitaine et celle du mousse était la position d’une double bénédiction. En effet, l’étage qui nous était confié dans son intégralité était un véritable paradis qui s’étendait de l’Occident vers l’Orient.

    L’attrait du lieu était dû au fait que l’hellénisme participait grandement à la mise en scène. Cette participation était une très belle surprise pour nous. C’était comme un avant-goût de ce qui nous attendait quand la route vers la Grèce aurait atteint la destination finale.

    Les amoureux de l’Hellade sont fascinés par la sensualité des courbures du classicisme grec mais aussi par le hiératisme de la Grèce archaïque. À ce sujet, le pied-à-terre du Hanabi donnait aussi à voir le charme des Κόρες (en français : Korés) et des Κούροι (en français : Kouroï) de l’archaïsme. Les voici dans une reformulation par l’intermédiaire du végétal :

     

    La route vers la Grèce (3). Le passage dans les Alpes

     

    Dans l’art archaïque, la ligne droite était à l’honneur. Le discours iconographique privilégiait le plus court chemin pour aller à l’essentiel. L’artiste offrait l’immédiateté de sa franchise.

    Le triglyphe, qui ornait les frises des temples de la période archaïque, avait aussi sa place dans l’esthétique qui embellissait le pied-à-terre du Hanabi :

     

    La route vers la Grèce (3). Le passage dans les Alpes

     

    Le pendentif canonique de l’architecture grecque est formé par trois rectangles verticaux accolés.

    L’artiste des Alpes a réinterprété le rectangle médian en y introduisant une dichotomie.

    Grâce à cette initiative de l’artiste alpin, la symétrie au sein d’un ensemble structuré par le nombre 3 s’est métamorphosée en une symétrie au sein d’une composition organisée par le nombre 4. Ainsi, l’artiste des Alpes a substitué la parité à l’imparité. Ce faisant, il a privilégié la présence des Κόρες plutôt que celle de Κούροι.

    Dans le pied-à-terre du Hanabi, l’Hellade laissait son empreinte partout, même dans le coin de l’âtre. Sur l’appareil qui utilisait la combustion pour fournir de la chaleur à l’étage, le haut était décoré par une torsade grecque :

     

    La route vers la Grèce (3). Le passage dans les Alpes

     

    C’était l’équivalent du labyrinthe, mais avec la ligne courbe à la place de la ligne polygonale.

    Une telle omniprésence de l’esthétique grecque était insoupçonnée.

    Pour fructifier le temps de notre séjour, le Hanabi nous a proposé deux balades champêtres.

    La première, qui s’est déroulée sur des talus jonchés de violettes, avait pour but de ramasser des morilles.

    L’activité, saine et ludique, nous a beaucoup plu. Nous en ramenions des mines épanouies :

     

    La route vers la Grèce (3). Le passage dans les Alpes

     

    La deuxième balade, qui a eu lieu à flanc de coteaux, avait pour objectif de cueillir du thym. Le bon air nous a donné l’ivresse :

     

    La route vers la Grèce (3). Le passage dans les Alpes

     

    Nous en sommes revenus, enchantés et rajeunis.

    Les choses simples pouvaient très bien figurer parmi les plus belles.

    Quand l’heure de l’au revoir est arrivée, le Hanabi nous a conseillés de rejoindre le Col de Larche pour nous diriger ensuite vers Cunéo, en Italie.

    Nous avons suivi le conseil judicieux du Hanabi.

    Nous voici de nouveau sur la route qui menait vers la Grèce :

     

    La route vers la Grèce (3). Le passage dans les Alpes

     

    La neige faisait naturellement partie du décor.

    Au milieu de cette blancheur étincelante, une autre lumière nous accordait sa bénédiction.

    En effet, juste au-dessous du toit de l’édifice dédié au recueillement, une plaque de marbre s’adressait au regard des personnes qui s’apprêtaient à entrer en Italie. Voici la plaque de marbre avec son inscription :

     

    La route vers la Grèce (3). Le passage dans les Alpes

     

    À gauche, apparaissait la première lettre de l’alphabet grec : α (alpha).

    À droite, était gravée la dernière lettre du même alphabet : ω (oméga).

    L’alpha et l’oméga ainsi représentés se référaient à ce texte de la Nouvelle Alliance :

    Ἐγώ εἰμι τὸ Ἄλφα καὶ τὸ Ὦ, λέγει κύριος ὁ θεός, ὁ ὢν καὶ ὁ ἦν καὶ ὁ ἐρχόμενος, ὁ παντοκράτωρ.

    ΑΠΟΚΑΛΥΨΙΣ ΙΩΑΝΝΟΥ. Kεφάλαιο α’. Στίχος η’

     

    En français :

    Je suis l'Alpha et l'Oméga, dit le Seigneur Dieu, qui est, et qui était, et qui vient, le Tout-Puissant.

    RÉVÉLATION DE JEAN. Chapitre 1. Verset 8

     

    Ainsi, à l’instigation du Hanabi, la route vers la Grèce était la route vers la Révélation, au sens strict. Au sens large, c’était la route vers la connaissance scripturale.

    Le passage dans les Alpes était une immersion dans le beau.

    Au cours de cette étape, la route vers la Grèce nous a offert un miroir exaltant de la destination finale.


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