• La route vers la Grèce (1). La gestation entre Rhône et Saône

    Les divinités nous ont envoyé plusieurs messagers entre Rhône et Saône pour nous faire prendre conscience de l’incroyable privilège dont nous jouissons à chaque saison de navigation. Voici le plus récent des messagers, et le plus jeune aussi :

     

    La route vers la Grèce (1). La gestation entre Rhône et Saône

     

    Sur la photo, le messager, à la parole stimulante, s’est placé sous la toile qui représentait « Zénobie retrouvée par des bergers aux bords de l’Araxe ».

    La tête penchée du messager était une improvisation. Mais malgré le caractère improvisé de l’attitude, celle-ci évoquait un penchant très prononcé chez notre hôte, qui était une forte attirance pour tout ce qui était le savoir. Il allait de soit que notre hôte a voulu savoir qui était peint sur la toile, pourquoi le corps féminin avait le teint livide et comment le pinceau du mousse a été amené à s’intéresser à cette scène.

    La présence du messager rappelait l’importance du λόγος (translittération : logos), qui était la parole structurée donnant accès au savoir. Et la patrie du λόγος, c’est la Grèce.

    La quête de connaissance impose parfois de lever le regard. C’est ce qu'a fait le messager pour découvrir le bouclier d’Alexandre. Sur la photo suivante, le bouclier d’Alexandre se trouvait au-dessus de nos têtes, sur la droite :

     

    La route vers la Grèce (1). La gestation entre Rhône et Saône

     

    Dans le médaillon central, on pouvait voir Alexandre le Grand chevauchant Bucéphale.

     

    La route vers la Grèce (1). La gestation entre Rhône et Saône

     

    Sur le médaillon à tribord, c’était Hercule qui terrassait le lion de Némée.

     

    La route vers la Grèce (1). La gestation entre Rhône et Saône

     

    L’évocation des Douze travaux d’Hercule servait à glorifier l’œuvre du célèbre Macédonien.

    L’intérêt porté par le messager à ces médaillons nous ramenait vers les navigations que le Zeph avait effectuées dans le Golfe de Corinthe. La nostalgie pour ces flots de l’Histoire n’en était que plus prégnante !

    L’œil du messager était l’œil d’un esthète. Il a aussi remarqué la frise grecque qui se déployait sur le pourtour de l’assiette de présentation :

     

    La route vers la Grèce (1). La gestation entre Rhône et Saône

     

    Le culte du beau est une caractéristique fondamentale de l’hellénisme. Ce qui soulevait l’admiration du messager, même dans un cadre restreint, nous pourrons bientôt le voir à l’œuvre dans tout le macrocosme. Et nous avons hâte d’y être, chanceux que nous sommes, de nous retrouver en première loge.

    Esthète, le messager était aussi un épicurien. Physiquement, nous l’avons accueilli entre Rhône et Saône. Mais psychologiquement, nous l’avons reçu comme si nous étions sur le Zeph. Et sur le Zeph, nous aimons offrir aux invités des pistaches pour accompagner l’ouzo :

     

    La route vers la Grèce (1). La gestation entre Rhône et Saône

     

    La manière de faire traduisait une manière d’être qui enchantait tous ceux qui se retrouvaient à bord du Zeph.

    L’une des sources de ravissement avec l’art culinaire du Zeph était la fraîcheur des produits qui provenaient directement de la terre nourricière. Nous aimions beaucoup la laitue que les Grecs nommaient μαρούλι (transcription : marouli). Elle était croquante à souhait ! En souvenir d’elle, nous avons servi, entre Rhône et Saône, la même texture :

     

    La route vers la Grèce (1). La gestation entre Rhône et Saône

     

    À la plaisante sensation du croquant, nous avons rajouté le plaisir visuel d’une « chlorophylle tricolore ». Nos lecteurs nous excuserons pour cette audace de langage, puisque tout le monde sait que la couleur canonique de la chlorophylle est la couleur verte.

    Épicure se nourrit en se distrayant et se distrait en s’alimentant.

    Les Grecs aiment aussi le chou cru. Alors entre Rhône et Saône, nous avons eu abondamment recours à la musique du chou sous la dent pour patienter jusqu’à l’achat des billets du ferry :

     

    La route vers la Grèce (1). La gestation entre Rhône et Saône

     

    À chaque fois, il est impératif que le chou reste cru pour préserver le délice du croquant.

    Fan du λόγος, disciple d’Épicure, le messager était encore un grand amoureux de la sagesse grecque. Car son sujet de prédilection était la catharsis, qui était une trouvaille du théâtre grec. Le drame qui se joue sur les planches permet à l’individu et à la société d’expurger les scories de l’âme.

    En attendant de retrouver les gradins de marbre de l’Hellade, voici le célèbre TNP (Théâtre National Populaire) de Villeurbanne, où Jean Vilar a travaillé :

     

    La route vers la Grèce (1). La gestation entre Rhône et Saône

     

    Sur la photo, le TNP se trouvait à gauche, avec sa façade illuminée en rouge.

    Au premier plan, se dressaient des colonnes colorées en bleu, qui appartenaient à l’aile Est de la Mairie de Villeurbanne.

    Le spectacle de ce classicisme habillé d’azur provoquait chez le mousse un très fort désir de retrouver la terre et le ciel qui avaient permis l’érection du Parthénon.

    Voici la façade Sud de la Mairie de Villeurbanne :

     

    La route vers la Grèce (1). La gestation entre Rhône et Saône

     

    Les cannelures, même avec leur réinterprétation au XXè siècle, constituaient un hommage à l’esthétique grecque.

    Ainsi, sur la même place publique, se faisaient face l’éthique et l’esthétique : l’éthique avec la catharsis mise en œuvre par le théâtre, et l’esthétique avec le déploiement des cannelures au clair de lune.

    En effet, la photo a été prise un jour de pleine lune.

    Et chaque fois que le mousse voyait la pleine lune, il pensait à la poésie grecque, déclamée ou mise en musique. Et à chaque fois, il rêvait de retrouver les flots d’argent que ferait mouvoir l’astre de la nuit.

    Avec l’évocation des bâtiments officiels, la route vers la Grèce n’était plus suggérée seulement par le domaine privé, mais aussi par l’espace public.

    La danse des flots fait partie de la vibration du cosmos.

    Comme le rappelle le fronton de l’Opéra de Marseille, Δίονυσος est le dieu du rythme, de la vie dansante. Cette vie dansante est perceptible auprès des fontaines qui associent la luxuriance de la végétation avec l’eau ruisselante, à l’instar de la fontaine qui se trouvait entre le bâtiment de la Marie du troisième arrondissement de Lyon et le nouveau Palais de Justice. Voici cette fontaine qui célébrait le pouvoir de vie véhiculé par l’eau ruisselante :

     

    La route vers la Grèce (1). La gestation entre Rhône et Saône

     

    La photo montre le côté Sud. L’artiste a mis en évidence l’essentiel, c’est-à-dire l’érotisme qui rend la vie si désirable. Le torse masculin est évidemment un hommage à l’esthétique grecque. Le ciseau du sculpteur est plein d’humour, car le feuillage n’est pas à l’endroit où il se trouve habituellement. Les feuilles, qui sont en très grand nombre, se répartissent en deux couronnes.

    De la couronne supérieure, sur le côté Est, émerge une silhouette féminine :

     

    La route vers la Grèce (1). La gestation entre Rhône et Saône

     

    La tête, qui possède la gaieté dionysiaque, propulse le souffle de vie, sans choquer. Mais il est rare que Δίονυσος ne surprenne pas ! Regardez en bas, dans la couronne inférieure, juste au- dessous de la tête toute gaie : d’aucuns pourraient y reconnaître une énorme citrouille tandis d’autres y verraient une paire de fesses bien dodues. La position de celles-ci laisse au spectateur le soin d’imaginer un scénario pour l’avant-train dissimulé sous le feuillage abondant et épais.

    Δίονυσος est le dieu de la surprise et de l’inattendu. L’artiste a bien rendu ce mariage de l’imprévisibilité et de la marginalité.

    Le mousse passait devant cette fontaine quand il allait voir le dentiste qui remédiait aux désordres laissés par la génétique. Chaque rendez-vous avec le cabinet dentaire donnait lieu à deux contemplations de la fontaine, une à l’aller et une au retour. Il y eu en tout sept visites chez le dentiste, donc quatorze séances de contemplation de la fontaine, c’est-à-dire quatorze invitations à venir danser avec Δίονυσος sur le sol même de la Grèce.

    Nous voulons profiter de ces invitations pendant que le temps est encore favorable.

    L’histoire des navigations du Zeph montre que le temps favorable n’est pas permanent, hélas !

    Quand le Zeph était à Iτέα – ITEA, dans le Golfe de Corinthe, il a sympathisé avec un voilier baptisé Boléro et immatriculé à Nantes. Le mousse était fasciné par les amarres mauves du Boléro et par cette effigie collée sur la coque :

     

    La route vers la Grèce (1). La gestation entre Rhône et Saône

     

    « À l'aise Breizh ! », c’est la signature de la Bretagne.

    Christophe, le capitaine du voilier breton, et Annie, la fée du logis flottant, nous ont offert l’apéro à bord du Boléro, qui était amarré derrière le Zeph.

    Nous avons revu le Boléro, non pas l’année suivante, mais l’année d’après, dans le port de Sami, sur l’île de Céphalonie.

    Cette fois-ci, c’était nous qui avons proposé à Christophe et Annie de venir prendre l’apéro à bord du Zeph. Ils étaient venus avec leurs verres spécialement conçus pour l’ouzo. Christophe nous a expliqué comment sa maman préparait avec simplicité et efficacité des « saganaki » bien gourmands.

    Ce que le mousse a retenu de cette seconde rencontre avec le Boléro, ce n’était pas la science de gourmet que possédait Christophe, mais l’extrême patience de celui-ci envers le mousse, qui n’arrivait pas à exécuter une manœuvre demandée par le Capitaine du Zeph. Patiemment, sans lever la voix, sans brusquer le geste, sans mettre la pression, Christophe décortiquait la tâche, progressait étape par étape, avec douceur, avec confiance. Et finalement, le résultat attendu arrivait, sans séisme, sans meurtrissure.

    Brillant pédagogue, Christophe fonctionnait par exemplarité.

    De ce merveilleux marin, nous avons eu très récemment des nouvelles, qui, hélas, étaient tragiques. Annie nous a informés que Christophe venait d’être emporté par une mort foudroyante.

    Cette triste nouvelle nous a remplis d’un profond chagrin.

    Chaque fois le mousse allait chercher du pain frais entre Rhône et Saône, il passait devant l’effigie « À l'aise Breizh ! » ci-dessus. Cette effigie était collée sur la devanture de l’établissement suivant :

     

    La route vers la Grèce (1). La gestation entre Rhône et Saône

     

    On servait dans cet établissement des crêpes bretonnes.

    Dans la vitrine, une décoration faisait le lien entre Villeurbanne, qui est notre pied-à-terre, et la Bretagne, d’où étaient originaires Christophe et Annie.

     

    La route vers la Grèce (1). La gestation entre Rhône et Saône

     

    Mais ce qui retenait davantage le regard du mousse, c’était l’effigie « À l'aise Breizh ! », qu’il avait vue pour la première fois sur la coque du Boléro, à Iτέα – ITEA.

    Maintenant, chaque fois que le mousse voit cette effigie, il pense au triste destin qu’a connu Christophe, l’homme à la merveilleuse bonté.

    Sur la route du pain, l’effigie « À l'aise Breizh ! » agissait comme une pressante invitation à profiter du temps favorable, que les Anciens nommaient καιρός.

    La route vers la Grèce est un désir irrésistible.

    Au moment où cet article est publié, c’est un rêve qui s’accomplit, éveillé.

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  • Commentaires

    1
    Ouvé
    Dimanche 24 Mars à 08:07

    bon vent et a bientôt les potos...

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