• La ronde des anges

    Dans cet article, nous nous intéressons au cortège des anges qu’abrite l’église qui domine le port de Χάλκη – XAΛΚΗ (transcription : Khalki), dans l’archipel du Dodécanèse.

    Voici le Zeph amarré à Χάλκη :

     

    La ronde des anges

     

    Le Zeph, reconnaissable à son éolienne tricolore et à son orin rouge, se trouve au premier plan, sur la gauche de la photo. L’Ouest est à gauche de la photo. L’Est se trouve à droite.

    La perspective montre un clocher à proximité de l’éolienne. C’est le clocher de l’église qui a pour nom Ιερός Ναός Αγίου Νικoλάου (littéralement : Sanctuaire de Saint Nicolas).

    Le clocher est à l’Ouest tandis que l’autel est à l’Est.

    Le haut du clocher est blanc. Sa base est beige. Jusqu’à l’autel, l’extérieur du bâti du sanctuaire garde cette couleur beige.

    Voici la vue qui s’offre au visiteur une fois franchie la porte d’entrée :

     

    La ronde des anges

     

    C’est l’iconostase, dont le panneau central est consacré à la figure mariale. Marie y porte une tunique rouge.

    Près de sa main droite, apparaît une autre effigie d’elle, avec l’Enfant assis sur le genou maternel et non plus blotti près du cœur.

    De l’autre côté, c’est le Fils intronisé, en costume royal.

    Ainsi, dans cet ordre, est représenté l’Enfant quand il est encore dans le ventre maternel, puis quand il en est sorti, et enfin quand il devient adulte.

    Topographiquement, l’accès à ce qui est de l’autre côté de l’iconostase, c’est-à-dire à ce qui correspond à la partie appelée le Très-Saint dans le Temple de Jérusalem, passe non pas par la figure christique, mais par la figure mariale.

    Cette primauté du rôle de Marie se voit aussi dans l’iconographie, et plus particulièrement dans le service des anges.

    Sur l’œuvre picturale du centre, le fond doré fait émerger au niveau du cou du personnage principal, deux figures d’ange.

     

    La ronde des anges

     

    Ces deux anges assurent le service rapproché. Voici l’ange proche de l’oreille droite de Marie :

     

    La ronde des anges

     

    Contrairement aux représentations habituelles, les traits de l’ange de la proximité sont très féminisés.

    Derrière cet ange du premier plan, d’autres participent aussi au service sacré. Ils ont un visage plus conventionnel.

    La même disposition apparaît du côté de l’oreille gauche de Marie :

     

    La ronde des anges

     

    L’empreinte du féminin est encore manifeste.

    Le cortège de l’arrière-plan reste fidèle à l’imagerie traditionnelle.

    En définitive, sur le panneau central de l’iconostase, vingt-sept anges en tout forment une ronde autour de Marie pour rendre hommage à ses vertus.

    Sur le panneau voisin, situé un peu plus au Nord, la Mère tient sur son genou gauche le Fils qui porte déjà l’habit du « Prince de la paix ».

     

    La ronde des anges

     

    Par rapport à la représentation précédente, l’ocre rouge cède la place à des reflets dorés. Et seulement deux créatures ailées volent à proximité des auréoles d’argent. 2, c’est bien peu par rapport à 27.

    Quant au panneau qui jouxte au Sud le panneau central, il contient une représentation du Fils dans la fonction de roi.

     La ronde des anges

     

    Au niveau du sommet de l’auréole d’argent, deux médaillons circulaires abritent des lettres majuscules qui sont écrites en or sur un fond rouge.

    Au dessus de l’oreille droite, on lit : ΙΣ, qui est l’abréviation de ΙΗΣΟΥΣ (en français : JÉSUS)

    De l’autre côté, on lit : ΧΣ, qui est l’abréviation de ΧΡΙΣΤΟΣ (en français : CHRIST)

    Ainsi, le personnage qui est assis sur le trône est identifié : il s’agit de « Jésus Christ ». Étymologiquement : « Jésus, qui a reçu l’onction ».

    Sous chaque médaillon rouge, apparaît un ange en plein vol. Contrairement aux cas précédents, le corps de l’ange est montré dans son intégralité, bien sûr à travers la tunique.

    La tête évoque la spiritualité et le monde d’en haut tandis que le corps entier représente la matérialité et la condition humaine.

    Autrement dit, le Nazaréen n’a pu se hisser à cette fonction royale qu’après avoir payé le prix du sacrifice.

    Mais deux anges seulement pour le service du roi, c’est trop peu par rapport aux vingt-sept qui forment la ronde d’à-côté.

    On peut formuler autrement le rapport quantitatif, en considérant que 2 correspond à la normalité. Dans ce cas, 27 traduit une très forte intensité, celle de la gratitude envers la contribution de Marie.

    L’artiste qui a décoré l’intérieur du sanctuaire n’ignore pas que l’aboutissement du plan divin est dans la seconde venue du Messie. C’est pourquoi celui-ci apparaît encore avec la magnificence royale, mais dans un contexte spatial déconnecté de l’iconostase. Le voici, seul, en tant que Roi des rois :

     

    La ronde des anges

     

    C’est le trône du Παντοκράτωρ (littéralement : [du] Tout-Puissant)

    Une toute-puissance qui, par définition, n’est partagée avec aucune autre créature.

    La silhouette du Roi des rois apparaît sur le dossier du trône.

    Sous les bras du trône et juste au-dessus de l’assise, c’est-à-dire à hauteur des reins, sont disposés des rectangles sont les sommets sont incurvés vers l’intérieur. Deux de ces rectangles sont visibles dans la vue de face tandis qu’un seul de ces rectangles est prévu sur le côté, à droite comme à gauche.

    Voici ce qui est peint à l’intérieur de chacun de ces quatre rectangles :

     

    La ronde des anges

     

    Un ange est représenté avec trois paires d’ailes.

    L’explication de cette apparence physique se trouve dans le livre du prophète Isaïe.

    En effet , au début du chapitre 6, on peut lire ceci :

    בִּשְׁנַת־מוֹת הַמֶּלֶךְ עֻזִּיָּהוּ וָאֶרְאֶה אֶת־אֲדֹנָי יֹשֵׁב עַל־כִּסֵּא רָם וְנִשָּׂא וְשׁוּלָיו מְלֵאִים אֶת־הַהֵיכָֽל׃

    שְׂרָפִים עֹמְדִים מִמַּעַל לוֹ שֵׁשׁ כְּנָפַיִם שֵׁשׁ כְּנָפַיִם לְאֶחָד בִּשְׁתַּיִם יְכַסֶּה פָנָיו וּבִשְׁתַּיִם יְכַסֶּה רַגְלָיו וּבִשְׁתַּיִם יְעוֹפֵֽף׃

    וְקָרָא זֶה אֶל־זֶה וְאָמַר קָדוֹשׁ קָדוֹשׁ קָדוֹשׁ יְהוָה צְבָאוֹת מְלֹא כָל־הָאָרֶץ כְּבוֹדֽוֹ׃

    יְשַׁעְיָהוּ ו : א - ג

     

    1 L’année où le roi Ozias est mort, j’ai vu Jéhovah assis sur un trône très élevé, et les pans de son vêtement remplissaient le Temple.

    2 Des séraphins se tenaient au-dessus de lui. Chacun avait six ailes : ils se servaient de deux ailes pour se couvrir le visage, de deux ailes pour se couvrir les pieds, et de deux ailes pour voler.

    3 Et, s’adressant l’un à l’autre, ils proclamaient : « Saint, saint, saint est Jéhovah des armées. Toute la terre est remplie de sa gloire. »

    Isaïe. Chapitre 6. Versets 1 à 3.

     

    Une paire d’ailes pour la pudeur. Une autre pour le respect. Et une autre encore pour la célérité.

    Dans la vision du prophète Isaïe, le séraphin aux trois paires d’ailes a pour mission de proclamer la sainteté du Très-Haut.

    De la même façon, dans l’église qui surplombe le port de Χάλκη, les séraphins qui décorent le trône du Παντοκράτωρ proclament la sainteté de celui-ci.

    Les séraphins apparaissent aussi à l’étage supérieur.

     

    La ronde des anges

     

    Sous le dais, un séraphin assure la proclamation de la sainteté.

    Sur le dossier, ils sont plus nombreux.

    Deux séraphins prennent place au niveau de la coiffe royale pour déclarer que les deux hémisphères cérébraux sont saints.

     

    La ronde des anges

     

    Deux autres séraphins garnissent de manière symétrique l’écharpe qui descend des épaules vers le thorax. C’est la sainteté du cœur qui est ainsi proclamée.

    Là où se rejoignent les deux chutes de l’écharpe, pend un médaillon circulaire avec un séraphin à l’intérieur.

     

    La ronde des anges

     

    Un peu plus en bas, deux séraphins apparaissent au niveau de la ceinture, l’un au-dessus du poignet gauche et l’autre sur le flanc droit.

    Un peu plus bas encore, l’extrémité de l’écharpe proche du genou droit porte le séraphin le plus bas de la collection.

     

    La ronde des anges

     

    Ces quatre derniers séraphins proclament la sainteté des entrailles, c’est-à-dire la pureté absolue des motivations.

    En tout, treize séraphins s’affairent autour de la personne du Roi des rois. 13, c’est beaucoup. Mais ce n’est même pas la moitié de 27 !

    De toute évidence, l’art pictural a privilégié la figure mariale. Ceci ne peut être qu’en cohérence avec le discours de la disposition spatiale. La voici, cette disposition spatiale, telle qu’elle se dévoile au premier regard :

     

    La ronde des anges

     

    Le premier regard se focalise tout de suite sur la figure mariale, qui se trouve au centre de l’iconostase. Le trône du Παντοκράτωρ, lui, est relégué sur le côté, à droite sur la photo, entre deux baies vitrées.

    Le Roi des rois, avec son or rutilant, c’est l’incarnation de la justice.

    Marie, au milieu de son ocre rouge palpitant, c’est le symbole de la miséricorde.

    Que disent les Écritures à ce sujet ?

    On peut lire dans le récit de la Bonne Nouvelle ceci :

    Ἔλεον θέλω καὶ οὐ θυσίαν

    ΤΟ ΚΑΤΑ ΜΑΤΘΑIΟΝ ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ. Kεφ. θ’. Στίχος ιγ’

     

    Je veux la miséricorde et non la justice.

    Bonne Nouvelle selon Matthieu. Chapitre 9. Verset 13

     

    Le choix biblique est net. Et la scénographie de l’église qui surplombe de port de Χάλκη s’y est conformée.

    La ronde des anges n’y est pas un simple divertissement. Elle reflète un enseignement, qui dit que le facteur de cohésion du cosmos est la miséricorde.

    Voici le Zeph à Χάλκη, à l’heure de la montée des lumières.

     

    La ronde des anges

     

    Au premier plan, il y a l’annexe dégonflée et repliée du Zeph.

    Le clocher illuminé est celui de la miséricorde. C’est à ce clocher que l’âme du Zeph est amarrée dès l’instant où la ronde des anges lui a été révélée.

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