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La promesse de l'enchantement
Le titre parle de promesse, c’est-à-dire d’espérance, avec une certaine dose d’incertitude. L’accident subi avant-hier par le Zeph montre que cette incertitude est, hélas, réelle.
Mais faut-il pour autant laisser le présent expulser hors du champ de la mémoire le bonheur qui a fleuri au cours des jours précédents ?
Vous l’aurez compris, le mousse s’élève contre une telle tyrannie exercée par le présent. C’est pourquoi il conte l’enchantement qui a été promis au Capitaine et à son équipage.
Voici le premier matin sur le sol grec :
Avec ces îlots d’émeraude, le paysage grec n’avait rien à envier au rivage de la Croatie et même à la baie de Hạ Long !
De loin, les bras de mer qui entouraient les parcelles boisées semblaient si inoffensifs !
Nous étions à Χαλκιόπουλο – XAΛΚΙΟΠΟΥΛΟ (transcription : Khalkiopoulo), bastion de la lutte pour l’Indépendance grecque. Nous nous acheminions vers le bel ouvrage de génie civil que les Grecs appelaient H Γέφυρα Τατάρνας (en français : Le pont de Tatarna).
La montagne grecque nous enchantait. La sève du renouveau, également.
À l’arrière-plan, sur la gauche de la photo, apparaissait notre carrosse.
La route buissonnière était une source d’enchantement inépuisable.
L’enchantement que la Grèce nous offrait dès la sortie du ferry nous a accompagnés jusqu’à la destination finale, qui était le port à sec situé à Λίμνη – ΛΙMΝΗ (transcription : Limni).
Λίμνη – ΛΙMΝΗ signifie littéralement « lac ».
Le Zeph nous attendait donc au bord du « Lac ».
Admirez la beauté du rivage du « Lac » :
Des asters radieux nous souhaitaient la bienvenue. Tant de joie spontanée et généreuse nous enchantait.
Cette année, le calendrier des floraisons nous a offert une très agréable surprise : l’or du mimosa faisait aussi partie du service d’accueil.
Les ondulations des branches fleuries s’accordaient avec le rythme de l’onde marine.
Une sorte de pas de deux fêtait notre retour à Λίμνη (au « Lac »).
Mais l’enchantement extrême a été procuré par le coquelicot, qui était devenu l’emblème de nos escapades égéennes de jadis :
La densité chromatique était exaltée par l’effet contraire, dû à la robe translucide.
Le qualificatif « extrême » correspond à une réalité subjective et a été employé à bon escient.
À ce sujet, l’écrivain autrichien Hugo von Hofmannsthal a déclaré, dans Le Livre des amis :
« Où trouveras-tu ton moi ? Toujours dans l'enchantement le plus profond que tu aies éprouvé. »
Ainsi, dans l’enchantement extrême, se produit la rencontre avec soi-même.
Autrement dit, le coquelicot, qui plonge le mousse dans l’extase, magnifie pour celui-ci l’exquise présence de l’alter ego.
L’alter ego, c’est-à-dire « l’autre moi », est un ami inséparable.
Regardez comment le coquelicot nous encourageait dans les travaux par sa présence éclatante :
À l’arrière-plan, le Capitaine, monté sur un échafaudage, allongeait ses bras au-dessus de la tête pour poncer la coque avec une ponceuse électrique circulaire. Le bras gauche portait une attelle suite à la chute survenue dans le Golfe de Bóλος – BOΛΟΣ (transcription : Volos), il y a deux ans.
Au premier plan, un coquelicot ouvrait sa corolle comme s’il était en train d’applaudir.
Vous l’aurez compris, les scènes de la remise en état du bateau étaient loin d’être austères ou tristes.
À l’entrée du chantier naval, la glycine, opulente et lascive, rappelait que l’activité manuelle n’interdisait pas un cadre joli, voire paradisiaque :
La teinte mauve semblait être la couleur favorite de l’artiste qui faisait rentrer l’art du jardin au sein d’un espace encombré de bers, de traîneaux et d’échafaudages.
Près du local technique, la lavande simulait le vol du papillon :
La grâce des ailes relevées à la verticale chassait toute trace de fatigue
Toujours tout près de l’atelier, la germandrée arbustive attirait par ses courbures odorantes l’insecte pollinisateur.
L’abeille, friande de nectar, passait d’une fleur à l’autre. Son ballet joyeux faisait écho à l’entrain des travailleurs qui s’activaient autour des coques.
Le plaisir du retour au chantier naval de Λίμνη – ΛΙMΝΗ n’était pas que visuel. Les délices concernaient aussi les domaines gustatif et olfactif.
Avec volupté, nous avons de nouveau goûté l’oignon rouge et la chair nacrée de l’aubergine du terroir.
La cuisson lente permettait de caraméliser tout en préservant l’onctuosité.
Avec bonheur aussi, nous nous nous sommes délectés du vin résiné, servi très frais.
Tout comme le coquelicot, la retsina nous procurait un enchantement extrême, qui ravivait le souvenir des escapades égéennes de jadis.
Notre être, comblé par tant de joies au moment des retrouvailles avec le Zeph, trouvait de nouvelles façons pour exprimer son expansion :
L’enchantement était irrésistible.
Nous y voyions la bénédiction des divinités, qui prenaient soin de nous, même sur la route du ravitaillement. La beauté du décor métamorphosait la nécessité d’une tâche en agrément. L’itinéraire que nous avons emprunté pour permettre aux cales du Zeph de se remplir se parait de la magnificence des arbres de Judée.
Des pommiers sauvages nous faisaient des clins d’œil pour nous faire découvrir de nouvelles aventures fleuries.
Et nous y sommes engagés, confiants dans la promesse de l’enchantement.
Toutes ces bonnes choses nous ont été si généreusement promises. Peuvent-elles nous être retirées sans cause, d’une manière a aussi brutale ? Le mousse a beaucoup de mal à croire dans tel un revers de fortune.
Tags : promesse, enchantement, Χαλκιόπουλο, Λίμνη, Hugo von Hofmannsthal, coquelicot, retsina
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Le yin et le yang
Cher lecteur,
Tu t’exprimes comme un Oriental. Tu as l’art des formules. Tu chéris ce qui est laconique. Tu jongles avec la symétrie. Tu livres le vertige de la profondeur.
Le 陽 (yang) est solaire. Voici le coucher de soleil qui a eu lieu après le choc avec le rocher :
Pour le Zeph, le soleil s’est éteint dans le Golfe d’Eubée depuis le 26 de ce mois.
Mais tu as l’extrême finesse de nous rappeler que le 陰 (yin), qui est lunaire, parvient à compenser la défaillance du yang.
Grâce à toi, nous nous sommes alors souvenus que la pleine lune nous avait accueillis à la sortie du ferry.
La voici, porteuse de la promesse de l’enchantement :
Ce souvenir nous fait le plus grand bien.
Merci
RP