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La coiffure de l'éphèbe
L’exploration de la Mer Intérieure a mené le Zeph vers des silhouettes d’éphèbe qui avaient toujours une histoire passionnante à raconter. Au cours de ces approches, le langage du corps précédait celui de la voix et le message délivré se voyait aussi bien dans la coiffure que dans le reste de l’apparence physique.
À Sounion, le Zeph a mouillé dans la baie qui se trouvait au Sud-Ouest du cap. Voici l’éphèbe découvert dans le temple d’Apollon, juché en haut du promontoire :
Le Grec porte la main droite au-dessus du front pour se couronner lui-même.
Les trous qui bordent le bandeau par en-dessous sont destinés à recevoir des feuilles de laurier.
C’est le geste de victoire d’un athlète. Mais la sculpture ne montre pas l’exultation. Au contraire, le personnage reste placide. Il manifeste une très grande concentration, comme s’il ne voulait que rien ne vienne le distraire dans un moment aussi solennel.
Les cheveux, légèrement bouclés, sont comme plaqués sur les oreilles et la nuque. Sans aucun doute, ils ressentent aussi de la fierté, mais ils restent en ordre.
La coiffure se joint à l’expression du visage pour refléter le calme qui résulte de la maîtrise des événements.
Quand le Zeph sort du Golfe Sud d'Eubée pour rejoindre les Cyclades, il passe devant Marathon, qui est à tribord. À Marathon, où les Grecs ont donné le premier coup de frein à l’expansionnisme perse, a été découvert l'éphèbe suivant :
Le geste de la main droite est d'une très grande élégance. L'index s'arrondit pour rejoindre le pouce. Le majeur, tout proche, imite la même courbure, sans pouvoir rejoindre le pouce. À son tour, l'annulaire s'arrondit aussi, mais faiblement. Enfin, l'auriculaire se courbe de la même manière, pour accompagner son voisin.
Les lignes courbes des doigts opposés au pouce se retrouvent dans les cheveux, qui forment des mèches courtes et bien en relief. La courbure bien accentuée de celles-ci et leur relief saillant évoquent l'énergie de la vie. Mais l'ensemble reflète le souci de l'harmonie, qui ne néglige pas pour autant la coquetterie. En effet, le bandeau de la fierté présente dans son plan médiateur une sorte de feuille qui se courbe vers l'avant, à la façon d'une paume de la main qui invite à se rapprocher.
Cette joie franche mais sans excès a séduit la Banque de France, qui a choisi de faire figurer l'éphèbe de Marathon dans le filigrane d'un de ses billets :
Ce billet est appelé « billet cinq francs violet » par les collectionneurs.
La photo montre le côté face du billet.
Dans le médaillon de gauche, apparaît la France casquée, symbole de la victoire. Dans celui de droite, il y a le filigrane avec la silhouette de l'éphèbe de Marathon.
Entre les deux médaillons, est écrite la date d'émission, qui est le 11 février 1932.
La coiffure, qui contribue à la création d'une joyeuse sérénité, participe aussi à l'élaboration d'un processus de sécurité qui apporte la sérénité au sein d'un système bancaire.
La feuille qui orne la coiffure de l'éphèbe de Marathon peut s'étoffer et devenir du lierre qui se répand en abondance. C'est le cas de l'éphèbe découvert à Volubilis, au Maroc :
La sculpture s'amuse à mettre en évidence la forme sphérique des fruits.
C'est le début d'une certaine forme d'exubérance, qui cherche à susciter l'étonnement, voire l'émerveillement.
Théâtre de la surprise, la coiffure de l'éphèbe peut donner l'impression d'abriter un très grand nombre de formes sphériques venues d'ailleurs et produire le spectacle de l'opulence.
C'est le cas de « l'éphèbe verseur », exposé au Museo nazionale romano di palazzo Altemps, à Rome :
L'adjectif « verseur » est dû au fait que la main droite se lève comme pour verser sur la tête le contenu d'une cruche. Mais dans le cas présent, ce n'est pas une cruche que tient la main droite, mais une grappe de raisin. Et d'autres grains de raisin sont visibles dans les cheveux.
Cette fois-ci, le sourire est plus expressif que les sourires précédents.
La coiffure s'associe à la jouissance qui illumine le visage.
La coiffure s'associe aussi à la sensualité de la nuque :
Les mèches incurvées au-dessus de la nuque s'associent encore au tracé hélicoïdal qui apparaît sur la corne d'abondance que tient la main gauche.
L'éphèbe, vu de dos, de trois quarts, à gauche, présente un déhanchement, que les historiens de l'art appellent contrapposto et qui est la signature du sculpteur grec Praxitèle.
L'ensemble de tous ces éléments courbes confère à la représentation une grande sensualité. La contribution de la coiffure à la constitution de ce tableau est loin d'être négligeable.
Jusqu'à présent, toutes les mèches de cheveux épousaient la courbure sphérique de la boîte crânienne. Est-il possible qu'elles adoptent la position inverse, c'est-à-dire qu'elles tournent leur concavité vers l'extérieur ?
Regardez donc :
Il s'agit de la fontaine des tortues, qui se dresse sur la Piazza Mattei à Rome.
Les mèches de cheveux se soulèvent et s'envolent. Un même élan les anime en même temps qu'il anime les bras qui se lèvent pour rattraper les tortues parvenues au niveau supérieur.
Le regard des éphèbes accomplit aussi un mouvement ascensionnel.
Dans ce jeu où le corps est tiré vers le haut, la coiffure se laisse soulever par l'allégresse.
L'envol des mèches peut atteindre une intensité plus grande.
C'est le cas avec cet éphèbe peint par Michel-Ange sur le plafond de la Chapelle Sixtine :
Les torsades de cheveux se défont et flottent en désordre.
Les sourcils bien arqués indiquent un trouble.
Voici le corps de l'éphèbe dans son intégralité :
Les mèches de cheveux s'agitent dans le vent pendant que le corps est disharmonieux à cause des cassures au niveau des épaules, des coudes et des genoux.
Un vent d'affolement défait la coiffure tandis que l'effroi contracte et plie le reste de l'organisme.
Il existe une explication à cela : l'éphèbe assiste à la scène de la nudité de Noé.
Michel-Ange peint l'ébranlement de l'âme à travers la dislocation de l'enveloppe matérielle.
La coiffure ébouriffée de l'éphèbe traduit son malaise.
Il arrive que l'enjeu soit plus grave, à tel point que la larme vient à l'œil :
Les cheveux forment alors des mèches volumineuses, qui se soulèvent de rage.
La coiffure évoque la violence d'un malheur.
Pourquoi l'éphèbe est-il si malheureux ?
Il est si malheureux parce qu'il vient d'être déchu de son statut d'ange.
« L'ange déchu » est peint par Alexandre Cabanel. Le tableau est exposé au Musée « Fabre » de Montpellier.
Comme sur la fresque de Michel-Ange, l'ébouriffement de la coiffure côtoie la proéminence des endroits anguleux du reste du corps.
Inversement, la coiffure manque complètement de tonicité quand le cerveau est exsangue.
Les mèches pendouillent négligemment pendant que le visage exprime une grande souffrance ou un épuisement total.
Qui est ce malheureux éphèbe ?
C'est Oreste, le fils d'Agamemnon. Oreste est dans un piteux état parce qu'il vient de tuer sa mère pour venger son père.
Ravagé par son geste meurtrier, pourtant inspiré par un désir de justice, Oreste se réfugie à l'autel d'Athéna. C'est cet Oreste que dépeint le sculpteur Pierre-Charles Simart, dont l’œuvre est exposée au Musée des Beaux-Arts de Rouen :
L'arme du matricide est par terre, entre ses pieds.
Sous le bras droit, l'effigie d'Athéna apparaît sur la stèle verticale, avec le casque et le plastron.
Il existe une situation où l'éphèbe doit garder toute sa tête, car l'enjeu est capital.
Un exemple est donné par l'Arc de triomphe de l'Étoile, à Paris.
Sur le haut-relief « Le Départ des volontaires de 1792 », un guerrier grec accompagné de son éphèbe apparaît parmi ceux qui partent au combat :
Le guerrier grec, encore appelé hoplite, porte l'armure prévue par l'Antiquité.
Il avance en brandissant avec sa main droite le casque à crinière.
Avec l'autre bras, il entraîne l'éphèbe par l'épaule.
L'éphèbe regarde fixement l'aîné tout en serrant les poings.
Les poings fermement serrés reflètent la détermination à suivre l'exemple donné par l'aîné.
Le vent ramène les cheveux de l'éphèbe vers l'arrière. Mais il n'y a pas de désordre dans la coiffure parce que la tête porte un casque qui laisse libres les extrémités des longs cheveux.
Ainsi, il y a à la fois de la discipline et de la liberté.
De la discipline pour rester concentré sur l'objectif militaire.
De la liberté pour préserver l'aspect volontaire de l'engagement.
La coiffure de l'éphèbe témoigne de l'état mental et émotionnel de celui-ci.
Comprendre une coiffure, c'est commencer à connaître l'être qui la porte.
Tags : coiffure, éphèbe, Sounion, Marathon, Volubilis, Palazzo Altemps, Praxitèle, Piazza Mattei, Michel-Ange, Cabanel, Simart, Arc de triomphe de l'Étoile
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