• L'espoir de prospérité

    D’aucuns auraient des entraves qui les empêcheraient d'envisager favorablement la prospérité, comme en témoigne ce texte de George Sand dans la Mare au diable :

    « Il faut enfin que la mort ne soit plus ni le châtiment de la prospérité, ni la consolation de la détresse. »

    Le texte s'élève contre le « châtiment de la prospérité » et proclame donc que celle-ci n'a rien de répréhensible en soi.

    Plus positive encore, est cette déclaration, rédigée un demi-siècle plus tôt :

    « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de la femme et de l’homme. Ces droits sont : la liberté, la prospérité, la sûreté et surtout la résistance à l’oppression. »

    Le texte dit explicitement que la prospérité est un « droit naturel et imprescriptible ».

    Il est donc tout naturel de parler de la prospérité et de s'en préoccuper.

    De plus, ce droit est « imprescriptible », c'est-à-dire qu'il ne peut jamais être aboli.

    Qui s'est ainsi exprimé ? Une femme de lettres née en Occitanie, et considérée comme l'une des pionnières du féminisme français. Olympes de Gouge était son nom.

    Les Crétois, eux, évoquent sans ambages la prospérité.

    Ils en parlent avec conviction et enthousiasme, sur la place publique. Ils la mentionnent avec subtilité dans l'espace privé.

    En Crète, le symbole de la prospérité est le fruit de l'arbre que les botanistes nomment Punica granatum. En français, c'est la grenade.

    À l'occasion du passage à l'an neuf, l'espoir de prospérité était vif, tonique, euphorisant.

    Les arts décoratifs ont donc habillé la grenade d'une robe éblouissante :

     

    L'espoir de prospérité

     

    La teinte pourpre était destinée à évoquer un cadeau impérial : l'espoir de prospérité était hautement séduisant.

    À Ηράκλιειο – ΗΡΑΚΛΕΙΟ (en français : Héraklion), sur la place qui célébrait la liberté retrouvée, l'espoir de prospérité s'exhibait de manière radieuse :

     

    L'espoir de prospérité

     

    La robe fleurie indiquait que le printemps était déjà de retour, ou plutôt qu'il n'était jamais parti. Le fond oscillait entre le bleu turquoise et le vert émeraude. À moins qu'il ne préfère se parer de reflets tantôt argentés, tantôt ambrés :

     

    L'espoir de prospérité

     

    Prospérité du jardin, de l'environnement, du cadre naturel.

    La couleur visait, non plus le réalisme, mais l'éclosion du rêve.

    L'espoir de prospérité ne suscitait pas que la création d'objets décoratifs destinés à égayer la vue. Il soutenait aussi le message des disciples d'Aσκληπιός – AΣΚΛHΠΙΟΣ (en français : Asklépios ou Esculape), qui devaient réparer les nombreuses défaillances de notre enveloppe corporelle.

    Voici le spectacle offert par la vitrine d'une pharmacie de la capitale crétoise :

     

    L'espoir de prospérité

     

    La grenade était entièrement en or. Sauf pour les graines, qui, pour des raisons de lisibilité de l'image, étaient revêtues de reflets ambrés.

    Grâce à son inaltérabilité, l'or symbolise la résistance à l'érosion par le temps.

    Ce message servait à promouvoir les préparations pharmaceutiques qui conservaient la santé, voire même la jeunesse. À droite de la photo, apparaissaient les pots qui promettaient au soma une jeunesse éternelle.

    La prospérité avait mille visages, tous aussi séduisants les uns que les autres.

    Cependant, le visage le plus en vogue était celui qui reprenait la palette de la nature :

     

    L'espoir de prospérité

     

    L'espoir de prospérité, par sagesse, pouvait cibler une période déterminée : par exemple, l'année 2022, qui venait de commencer. Avec le ruban qui ornait fièrement la couronne du fruit, pendait l'effigie de l'année. Et à proximité de la mention de 2022, apparaissait une clé ou une maison.

    La clé ouvrirait des horizons nouveaux et propices.

    Le pendentif en forme de maison traduisait le désir d'avoir un chez soi.

     

    L'espoir de prospérité

     

    Accéder au statut de propriétaire de là où l'on habite, c'est une forme de prospérité pour beaucoup.

    La grenade était béante et laissait voir ses graines aux reflets dorés.

    Sourire, vertical certes, mais sourire très franc et sans aucune ambiguïté, de la chance.

    Qui dit chance, dit possibilité d'inversion de celle-ci et risque d'un retournement de situation.

    En effet, la sagesse populaire de l'Hexagone nous prévient en ces termes :

    « Le vent de prospérité change bien souvent de côté. »

    Le fruit peut être éventré. Son contenu, pillé.

     

    L'espoir de prospérité

     

    Cet avertissement a été donné quand nous séjournions à Λιθίνες – ΛΙΘΙΝΕΣ (en français : Lithinès).

    D'où la nécessité de se prémunir contre le mauvais sort.

    À Κριτσά – ΚΡΙΤΣΑ (en français : Kritsa), le trousseau de clés que l'hôte nous a confié portait le symbole de prospérité mais aussi l'antidote au mauvais sort.

     

    L'espoir de prospérité

     

    La grenade aux reflets argentés nous souhaitait un séjour agréable et édifiant. La béance de son enveloppe végétale signifiait la générosité de l'hôte crétois. Mais ce vœu de prospérité s'accompagnait d'une double précaution : deux yeux spécifiques, l'un appelé Prudence et l'autre appelé Vigilance, s'employaient à repousser tout assaut du mauvais sort.

    Il en résulte qu'il existe une condition préliminaire à la prospérité : pas de prospérité sans sécurité.

    La sécurité, c'est-à-dire le climat de confiance dans la relation à l'autre.

    L'espoir de prospérité, tant exalté à l'orée de l'an neuf, concernait les questions matérielles, mais aussi le lien social.

    Une expérience très édifiante, vécue à Λιθίνες – ΛΙΘΙΝΕΣ montre le rôle primordial de la grenade dans la diplomatie de l'apaisement.

    En effet, au cours du séjour dans ce village perdu au milieu des nuages, notre logement a subi une panne technique. Ce n'était pas catastrophique, mais le désagrément n'était pas négligeable. En raison de l'éloignement, aucune réparation n'était possible le jour même. Puis arriverait le week-end, où aucun technicien ne se déplacerait. Et deux jours plus tard, nous quitterions ce logement pour explorer une autre région. C'est pourquoi nous avons dit à notre hôte que nous nous résignions devant la difficulté de faire venir à temps un technicien. Peu de temps après, notre hôte a de nouveau frappé à notre porte pour nous offrir, en signe de réconciliation, une assiette remplie de graines de grenade. Voici l'assiette de la diplomatie réparatrice :

     

    L'espoir de prospérité

     

    Cette fois-ci, le symbole de la prospérité était venu jusqu'à nous, à cœur ouvert.

    Les graines, soigneusement isolées, révélaient leur chair translucide, comme pour faire valoir le charme de l'innocence.

    Avec plaisir et gratitude, nous avons accepté cette belle offrande. Ainsi la prospérité du lien fraternel avec l'hôte crétois a été préservée.

    Sur la droite de la photo, se trouvait une branche de thym, qui faisait office de bâton d’ambassadeur. C’était avec cet insigne que notre s’est présenté pour la première fois chez nous, quand il s’agissait seulement de faire le constat de la panne.

    L'espoir de prospérité ne concerne pas que des choses matérielles. Il intéresse aussi l'être intérieur de chacun de nous.

    L'espace privé permet à l'espoir de prospérité d'être présent à plusieurs niveaux de l'existence.

    La disposition interne du pied-à-terre à Ηράκλειο – ΗΡΑΚΛΕΙΟ en fournit un exemple éloquent.

    Le sceau de la prospérité était apposé à une confluence qui reliait trois voies.

     

    L'espoir de prospérité

     

    L'une d'elles venait du salon. C'était celle qui se trouvait à gauche de la photo. Il s'agissait de la prospérité de la convivialité.

    Sur la droite de la photo, on se dirigeait vers la chambre principale. Dans cette direction, la prospérité se manifesterait à travers les rêves qui féconderaient le repos nocturne.

    La troisième voie, qui était encore plus à droite, et qui se trouvait hors du champ de la photo, menait à l'espace où l'on bichonnait le corps, lustrait l'épiderme, contemplait sa silhouette. La prospérité offrirait la splendeur corporelle et la victoire sur les outrages du temps.

    L'hôte crétois a choisi d'exhiber à cet endroit stratégique le symbole de la prospérité pour souhaiter aux résidents une triple réussite. Réussir dans le rapport à l'autre, à l'inconscient et au soma.

    L'artiste a tenu à donner à la représentation une certaine vraisemblance par rapport au modèle de la Nature. Aussi a-t-il légèrement incurvé les surfaces métalliques.

    Le corps rouge du fruit était rendu par la couleur ocre du cuivre.

    Les feuilles étaient revêtues de la couleur gris vert du bronze.

    Le réalisme contribuerait davantage à la crédibilité de l'espoir.

    À nos amis lecteurs, nous confions l'espoir porté par ces alexandrins de Racine :

    “Puisse le ciel verser sur toutes vos années

    Mille prospérités l'une à l'autre enchaînées ! ”

    Bérénice. Acte V, scène 7

     

    L'auteur ne parle pas d'une situation prospère qui survient seule, mais d'une multitude de prospérités qui sont liées les unes aux autres, comme dans un engendrement ininterrompu.

    En toute logique, le pluriel employé par Racine commence par le doublement de l'unité. L'art crétois en propose une illustration :

     

    L'espoir de prospérité

     

    Graphiquement, les deux grenades rouges sont liées.

    Celle qui est entièrement visible montre les graines de son giron sans que l'enveloppe extérieure ne soit déchirée. Vision de devin.

    Le lien des grenades est protégé par un œil vigilant qui repère toute approche malveillante.

    Le processus d'engendrement des unités successives peut alors se poursuivre, selon le vœu du poète français.

    Les vers de Racine sont adressés à Bérénice, reine de Palestine.

    L'art crétois propose des prospérités raciniennes, liées entre elles de manière à parer une tête royale. Voici cette couronne de prospérités :

     

    L'espoir de prospérité

     

    Voici Bérénice, dans une représentation théâtrale, qui a eu lieu en 2012:

     

    L'espoir de prospérité

     

    La Reine n'échappe pas à l'inquiétude inhérente à la condition humaine.

    Mais celui qui lui souhaite "mille prospérités l'une à l'autre enchaînées" la voit autrement. Voici la silhouette royale sublimée par l'espoir des "mille prospérités":

     

    L'espoir de prospérité

     

    Puissions-nous connaître la même métamorphose !


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