• L'ardeur du vent

    L'ardeur du vent était infatigable, indomptable et effrayante.

    Nous l'avons affrontée à deux reprises : d'abord à Ερμούπολη – ΕΡΜΟΥΠΟΛΗ (en français : Ermoupoli), puis à Αμοργός – AMOPΓΟΣ (en français : Amorgos).

    Le vent qui se déchaînait venait du septentrion. Les sites de météo pratiquaient facilement la surenchère pour gagner l'audimat à coup de pétoches insufflées.

    Sans approuver cette propension à l'alarmisme, le Capitaine du Zeph restait prévoyant.

    Le voici qui fourbissait ses armes pour résister à un adversaire extrêmement redoutable :

     

    L'ardeur du vent

     

    La tenue était une tenue de combat. L'on n'a pas coutume de la voir dans les photos du Club Med. Car c'était la tenue, non pas de la désinvolture, mais de la responsabilité.

    Sur la photo, trois amarres à la robustesse renforcée ont déjà été installées entre le quai et la coque du Zeph. Trois autres, sagement rangées sur le béton, attendaient d'entrer en service. En tout, le Capitaine en a fixé onze ! Un déploiement impressionnant, qui était salué, sur un ton admiratif, comme « digne de l'amarrage d'un porte-avion ».

    Puis le moment de l'épreuve est venu.

    Le vent, furieux par pur plaisir, faisait voler les vagues au-dessus du quai :

     

    L'ardeur du vent

     

    La portion de quai visible sur la photo était dans l'axe Est-Ouest, avec l'Ouest situé à l'arrière-plan. Le souffle de rage venait de la droite de la photo, c'est-à-dire du septentrion.

    Le vent mettait toute son ardeur à nous terrifier. Non seulement il poussait l'eau de la mer à coiffer le quai, mais il s'amusait aussi à exploiter les voûtes de la face inférieure de celui-ci pour créer des torrents qui se déversaient avec fracas en direction du Sud.

     

    L'ardeur du vent

     

    À l'arrière-plan, au pied des collines, se trouvait le lieu où chacun pouvait se ravitailler en produits frais : pain et légumes du terroir. Mais pour l'heure, il était tout à fait insensé d'y songer, car la violence du vent a fait qu'un vide de deux mètres séparait la coque du Zeph et le béton du quai. Un esprit téméraire pourrait penser qu'il atterrirait sur la dalle de béton en sautant adroitement du pont. Mais la remontée, dans l'autre sens, était absolument impossible, à moins de disposer d'une paire d'ailes bien vigoureuses.

    L'ardeur incessante du vent équivalait à un siège qui coupait la route des vivres.

    Mais le Zeph restait serein dans ce domaine, car son principe d'autonomie lui permettait d'offrir en toutes circonstances à l'équipage des repas équilibrés et savoureux.

    À l'extérieur, l'ambiance de la tempête rendait les choses très lugubres.

     

    L'ardeur du vent

     

    Paradoxe du langage : la chaleur et la lumière, souvent associées à l'ardeur, étaient complètement absentes du climat installé par le vent ardent.

    Le giron du Zeph combattait cette ardeur morbide.

    Le plaisir de la table était un moyen très efficace pour réussir ce combat.

    Voici comment nous avons combattu les premiers assauts du vent ardent :

     

    L'ardeur du vent

     

    Avec un ragoût de chevreau de lait !

    Plus le vent fou voulait nous priver du ravitaillement, plus nous étions heureux de savourer le chevreau de lait, les carottes et les pommes de terre qui venaient directement du terroir.

    Jour et nuit, le vent endiablé a malmené sans interruption le pavillon tricolore.

    Comme pour mettre à l'épreuve la solidité des fibres textiles.

    Mais aucune n'a rompu.

    De même, la tension de nos neurones était toujours maximale. Mais aucun n'a flanché.

    Nous avons cultivé la patience, car nous étions conscients que c'était le seul remède.

    Cette patience a tenu bon car elle était nourrie par la confiance.

    Nous étions confiants que les divinités nous ménageraient une heureuse issue.

    Et nous avions raison de nous montrer ainsi confiants.

    En effet, après avoir assiégé sans pitié pendant trois jours les bateaux déjà amarrés, le vent ardent s'est acharné sur un catamaran qui venait d'arriver sur les lieux. Le Capitaine du Zeph est descendu sur le quai pour prendre les amarres du nouveau venu. Mais celui-ci était repoussé loin du quai par une force irrésistible :

     

    L'ardeur du vent

     

    Sur la photo, deux hommes luttaient de tous leurs êtres pour contrer l'hostilité du vent : celui qui s'habillait en rouge et noir était le pilote tandis que celui qui était vêtu de jaune et de gris était le gendre du premier.

    Pendant que les deux hommes persévéraient dans leur effort de traction, le Capitaine du Zeph se dépêchait d'établir un deuxième lien pour ramener le catamaran parallèlement au quai.

     

    L'ardeur du vent

     

    La jeune femme au bandeau bleu, qui lançait la deuxième amarre était la fille du pilote.

    En renvoyant cette amarre, le Capitaine a contribué à déjouer définitivement l'ardeur du vent :

     

    L'ardeur du vent

     

    Le sourire de satisfaction du pilote du catamaran et les bras tendus de sa fille étaient les signes précurseurs d'une belle affection qui a, par la suite, lié le catamaran et le Zeph.

    Les divinités ont dissipé l'ardeur du vent pour faire naître l'ardeur d'une fraternité très émouvante.

    L'histoire a eu lieu à Ερμούπολη – ΕΡΜΟΥΠΟΛΗ.

    L'autre lieu où le Zeph a dû affronter l'ardeur du vent était Αμοργός – AMOPΓΟΣ.

    Le Zeph devait passer par Αμοργός – AMOPΓΟΣ pour aller de Ίος – IΟΣ (en français : Ios) à Αστυπάλαια – ΑΣΤΥΠΑΛΑΙΑ (en français : Astypalaia).

    L'ardeur du vent était si effroyable que le Capitaine se voyait contraint de dégonfler l'annexe, de peur que des rafales n'arrachent celle-ci de sa suspension :

     

    L'ardeur du vent

     

    Le pneumatique était vidé de son air. Le châssis, replié en toute hâte puis calé dans un coin du pont, sans trop d'égards.

    Il n'était pas rare que le vent fougueux fasse pencher la coque de plus de 30° par rapport à l'horizontale.

     

    L'ardeur du vent

     

    Plus que l'inconfort, la crainte qu'un accident ne survienne à cause d'un glissement soudain, accaparait notre esprit.

    Le port du harnais de sécurité était impératif.

     

    L'ardeur du vent

     

    La libre circulation sur le pont était proscrite.

    Chacun devait rester à sa place et ne plus en bouger.

    Le mousse prenait exemple sur le châssis bleu de l'annexe, qui était devant lui.

    L'insécurité de l'un pouvait, en un clin d'œil, provoquer celle de l'autre.

    L'angoisse engendrée par l'ardeur du vent était telle que le Capitaine a songé à faire demi-tour.

    Faire demi-tour. Rebrousser chemin. Abdiquer. Parce que les conditions étaient trop pénibles.

     

    L'ardeur du vent

     

    Dans leur clémence, les divinités ont, à ce moment-là, redonné du courage au Capitaine, qui a donc poursuivi la route. Puis l'ardeur du vent faiblissait au fur et à mesure qu'on s'éloignait d'Amorgos.

    Dès que la surveillance a pu être confiée au mousse, le Capitaine, exténué par cette lutte tous azimuts, a pris quelques instants pour se reconstruire, à côté du châssis bleu de l'annexe.

     

    L'ardeur du vent

     

    Son rêve de sérénité n'était plus illusoire.

    Bientôt, le lagon bleu se trouvait à portée de rame.

     

    L'ardeur du vent

     

    Nous étions arrivés à Αστυπάλαια – ΑΣΤΥΠΑΛΑΙΑ. Comme la récompense était magnifique !

    Finies les rafales. Finie l'ardeur démentielle du vent. Le souffle de l'air devenait caressant.

    Finie la mer démontée. Finies les vagues qui mugissaient en se soulevant. La surface de l'eau était à présent lisse, comme un miroir.

    De ce miroir providentiel, se préparait à éclore l'ardeur d'une nouvelle fraternité. Nous vous en parlerons par la suite.

    Pour l'heure, il fallait reprendre des forces physiques pour mieux savourer le cadre paradisiaque.

    Fidèle à son principe d'autonomie, le Zeph a préparé un sauté de lamelles de porc au curcuma et au gingembre pour oublier l'ardeur néfaste du vent.

     

    L'ardeur du vent

     

    Le délice de la gastronomie au milieu du lagon bleu était un merveilleux prélude à d'autres joies du second degré, nourries par l'ardeur de la fraternité.

    Nous sommes infiniment reconnaissants aux divinités d'avoir transmué l'ardeur d'un phénomène atmosphérique en flamme ardente d'une affection fraternelle.

     


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