• Le regard du marin

    C'est arrivé hier et avant-hier.

    Tout a commencé avec une série de photos, dont voici un exemplaire :

     

    Le regard du marin

     

    Le regard du mousse et celui du Capitaine aussi, étaient attirés par la belle allure du voilier qui rasait la poupe du Zeph, en passant de tribord à bâbord, toutes voiles dehors.

    C'était un Sharki, comme celui du Hanabi.

    Nous venions de quitter Πανορμίτης – ΠΑΝΟΡΜΙΤΗΣ (en français : Panormitis) et nous allions à Αλιμιά – AΛΙΜΙΑ (en français : Alimia), au Sud-Ouest de la métropole rhodienne.

    Le mousse avec ses lunettes, c'était déjà deux regards.

    Avec la participation du Capitaine, la même scène focalisait un quadruple regard.

    En même temps, de l'autre côté, quelqu'un nous suivait aussi du regard : c'était Chris, le barreur. Donc, quintuple regard.

    Sa muse, Angèle, faisait de même. Il y avait alors convergence d'au moins six regards.

    La locution adverbiale « au moins » est employée parce que sur le Sharki altier, il y avait aussi Mathilde et Frédéric, qui auraient pu observer les deux preneurs d'images aux aguets sur le Zeph.

    Le Zeph a jeté son ancre dans la baie de Αλιμιά – AΛΙΜΙΑ avant-hier, au tout début de l'après-midi.

    Le voici, baigné par des eaux dont il ignorait encore la vertu prophylactique.

     

    Le regard du marin

     

    Car à bord, planait la menace d'une nécrose.

    Vers la fin de l'après-midi, quelqu'un tapait à la coque. Puis une voix d'homme s'élevait pour crier, sur un ton amical : « Zéphyros ! Zéphyros ! ».

    Cétaient Chris, le barreur du Sharki, et sa muse Angèle, qui se sont déplacés pour nous inviter à un apéro à leur bord, dans la soirée. Prétexte invoqué : échange des regards enregistrés sur la pellicule, au moment du croisement des deux itinéraires.

    La proposition était très alléchante, grâce à la référence à l'art.

    Mais pour nous retrouver ainsi et nous appeler, ou plutôt pour appeler notre voilier par le nom propre de celui-ci, sans une once d'hésitation, c'était que les regards lancés depuis le Sharki en plein slalom, étaient extrêmement perçants, sûrs d'eux-mêmes et dotés d'une mémoire fabuleuse.

    La photo suivante montre le cadre géographique de l'invitation :

     

    Le regard du marin

     

    Tout à droite, c'était le Sharki, reconnaissable à ses deux mâts.

    Tout à gauche, c'était le Zeph, reconnaissable à son éolienne.

    C'était dans ce sens, de droite à gauche, que le regard du marin a opéré, stupéfiant dans sa performance, magnifique dans sa persévérance, providentiel dans son éclosion.

    La configuration du lieu montre que le Zeph a été comme suivi à la trace par le regard du Sharki depuis le déploiement de l'arabesque en mer.

    L'insistance du regard du Sharki n'était pas fortuite. Elle traduisait une intentionnalité active, pressante, qui allait crescendo. Le dénouement, qui aurait lieu le lendemain, révélerait de manière non équivoque, l'identité de la conscience qui se trouvait en amont de cette intentionnalité.

    Ignorant tout du cours des événements planifié par l'Olympe, nous nous sommes rapprochés du bateau qui avait pisté le Zeph pendant tout l'après-midi.

    Voici le Sharki avec son regard bienveillant, dont nous ne savions pas encore qu'il n'était rien d'autre que celui qu'avaient les divinités devant le spectacle du Zeph souffrant :

     

    Le regard du marin

     

    Des palmiers, qui respiraient la sérénité, suivaient avec attention ce qui se déroulait à la poupe.

    Nous voici à bord du Sharki, pour l'apéro de l'échange culturel :

     

    Le regard du marin

     

    Le Capitaine était assis entre Chris, le barreur, et Angèle, la muse de celui-ci.

    Le Capitaine tenait dans sa main droite une flûte, remplie avec du champagne, dont on voit la bouteille foncée, posée sur la table.

    À la traditionnelle question posée par le maître des lieux : « Qu'est-ce que vous buvez ? », le Capitaine du Zeph avait joué la provocation en lançant : « Du champagne ! »

    L'invité a été pris au mot ! Et avec quelle élégance !

    Quel regard le Sharki a-t-il posé sur le Zeph pour que nous soyons ainsi choyés ?

    Un regard très affectueux, dont nous ignorions, à cet instant-là, la cause.

    Quant aux autres convives, leurs regards exprimaient la fascination.

    Chris, le barreur, a réalisé un prodige qui éblouissait tous les regards.

    Incontestablement, c'était un geste d'une immense générosité.

    Mais la coupe de champagne frais, qui a surgi du vent que faisait hurler Éole et des vagues que faisait mugir Poséidon, avait une autre signification.

     

    Le regard du marin

     

    Thémistocle et Périclès y auraient vu un augure très précieux, qui annonçait une très grande chance, une chance exceptionnelle même.

    Nous avons le regard de la piété qu'avaient les Anciens. Mais à cet instant-là, les yeux de notre intelligence avaient besoin d'être décillés davantage.

    Y aurait-il un autre miracle qui serait accompli en faveur du Zeph ?

    Progressivement, des signes avant-coureurs du miracle final se mettaient en place.

    Après la démonstration époustouflante du maître des lieux, c'était à l'assemblée des convives d'intervenir.

    Voici les autres convives :

     

    Le regard du marin

     

    Tous étaient mordus de bateau et possédaient une grande expérience de la mer.

    Tous avaient une présence qui rassurait, réconfortait et édifiait.

    Tous tenaient des propos lucides, sensés, positifs.

    Ce n'était pas un hasard que nous bénéficions d'une telle compagnie.

    C'était le regard du Sharki qui nous avait introduits dans ce cénacle de héros.

    Le regard du Sharki n'était donc pas un simple hasard !

    Ces héros pétris de savoir et de savoir-faire excellaient aussi dans le savoir-être.

    Le premier qui s'est exprimé parmi cette noble assemblée se trouvait tout à droite de la photo.

    Il s'appelait Daniel. À côté de lui, c'était sa muse, Stella. Tous les deux étaient helvètes et résidaient sur le Lac de Neuchâtel. Le nom de leur bateau était « L'Étoile filante ».

    Sur la troisième photo de cet article, qui montrait la distance entre le Sharki et le Zeph, « L'Étoile filante » se trouvait au centre et était facilement reconnaissable grâce à son pavillon suisse.

    Déjà, à ce moment-là, cette position centrale avait une valeur prophétique, qui se révélerait pleinement le lendemain.

    Mais pour l'heure, suivons humblement la chronologie des faits.

    Ceux-ci attestaient que « L'Étoile filante » était aux aguets, pour protéger les intérêts du Zeph.

    Voici « L'Étoile filante », vue à partir du Zeph :

     

    Le regard du marin

     

    On peut déjà constater la proximité topographique.

    Mais le regard de la solidarité naturelle n'a pas emprunté le sens indiqué par la perspective exhibée sur la photo, mais le sens inverse.

    Car c'était « L'Étoile filante » qui observait et qui était intervenue, même à l'insu du Zeph, qui était en train de faire sa sieste.

    Qu'a donc vu « L'Étoile filante » ?

    D'abord une boule rouge, qui était la bouée de l'orin du Zeph.

     

    Le regard du marin

     

    Jusque là, rien d'alarmant.

    Ce qui était alarmant, c'était qu'un catamaran loué par des Suédois, a mouillé à hauteur de l'orin du Zeph, et qu'avec les soixante-dix mètres de chaîne lâchés par le catamaran – alors que le Zeph n'avait mis que quarante mètres – il n'était pas exclu que le catamaran aille heurter le Zeph quand Éole se mettrait à faire ses mauvaises plaisanteries.

    Envers le Zeph, « L'Étoile filante » a eu un regard prévenant et protecteur.

    « L'Étoile filante » a demandé au catamaran de reculer pour ne plus mettre en danger le Zeph.

    Sur la troisième photo qui montrait la position centrale de « L'Étoile filante », le catamaran loué par les Suédois apparaissait entre celui-ci et le Sharki.

    Le regard vigilant de « L'Étoile filante » a réactivé chez le Zeph la surveillance de la bouée de l'orin.

     

    Le regard du marin

     

    L'épisode de l'orin a été conté devant le cénacle des héros, sans emphase, mais avec une fierté, qui était tout à fait justifiée.

    Parmi ces héros pétris de bravoure et d'endurance, un autre marin a posé un regard compatissant sur le sort du Zeph. C'était celui qui avait dû se hisser en-haut du cockpit parce qu'il n'y avait plus de place pour lui sur la banquette d'en bas.

    La position était quelque peu inconfortable, mais la sollicitude exprimée à notre égard était fabuleuse.

    Il s'appelait Frédéric. À côté de lui, c'était sa muse, Mathilde. Tous les deux étaient des familiers du Delta du Rhône. Tous les deux étaient présents sur le Sharki au moment du slalom enjôleur de celui-ci.

    Frédéric a entendu à quel point nous souffrions de la panne du guindeau. Avec calme et précision, il nous a conseillé de vérifier toutes les cosses au niveau du moteur, en les débranchant puis en les rebranchant, pour éliminer les faux contacts au niveau central.

    Regard secourable et fraternel.

    Les conseils éclairés du Provençal n'ont pas laissé indifférent le Suisse.

    Dans un premier temps, le Suisse a dit ce que le Provençal avait dit : qu'il fallait vérifier les cosses au niveau du moteur.

    Mais dans cette affaire, le Suisse avait un regard de feu, qui consumait toutes les hésitations.

    Littéralement, le Suisse s'est jeté dans la fosse pour mieux scruter le défi.

     

    Le regard du marin

     

    Son regard s'est rempli d'audace pour oser des gestes risqués.

     

    Le regard du marin

     

    C'était un regard qui portait l'indéfectible volonté d'aboutir. Alors il faisait de la rationalité son alliée pour mener à bien l'enquête.

    Et si le cours des choses ne semblait pas tourner à son avantage, le regard du Suisse considérait que l'échec ne pouvait qu'être temporaire.

     

    Le regard du marin

     

    Son regard, qui ne cessait jamais d'être celui d'un battant inlassable, faisait venir à l'existence de nouvelles stratégies.

    Le regard de la persévérance a fini par produire le miracle final : le guindeau du Zeph reprenait vie !

     

    Le regard du marin

     

    Sous le regard très ému du Suisse, le Français appuyait sur le bouton- pressoir, et le barbotin du guideau s'est mis à tourner docilement, sans renâcler.

     

    Le regard du marin

     

    Le miracle s'est produit parce que tout au long de l'expertise, « L'Étoile filante » a offert au Zeph le regard du dévouement.

    Le marin s'appelait Chris, Frédéric ou Daniel.

    Le regard du marin était au service des divinités.

    Elles ont eu envers le Zeph le regard de la clémence.

    Car la crise du guindeau a failli abréger les jours du Zeph.

    Notre gratitude est immense envers le regard de la miséricorde, majestueusement manifestée par les divinités et admirablement servie par des marins dévoués.

     


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