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Le don de la mer
De nouveau, le titre s'inspire du langage de l'historien grec Hérodote qui disait que la Terre des Pharaons était un « don du Nil ». En conséquence, dans les lignes suivantes, le « don » ne se réfère pas à une compétence hors du commun, mais à une contribution concrète et bienfaisante.
La mer était ce qui a permis au Zeph de venir à l'existence.
L’Égée demeure la seule et unique raison d'être du Zeph.
Le premier don de la mer – premier dans l'ordre chronologique mais aussi dans l'ordre des priorités, a été donc l'acte de naissance.
Mais en plus de l'émergence dans la matérialité existentielle, l'espace marin offrait au Zeph un environnement de charme, qui était le balcon sur la mer.
Ce balcon s'ouvrait toujours sur 360°. Par la plénitude de la circularité, le cadeau visuel témoignait de la générosité de la provenance et suggérait une évasion tous azimuts. Quelle que soit la direction du regard, le ravissement était là.
Il y avait des balcons où la Nature, belle et paisible, détenait l'exclusivité de la présence sur scène. C'était le cas des îlots Διαπόριοι – ΔΙΑΠΟΡIΟΙ (en français : Diaporii), vers le milieu du segment qui reliait Épidaure et Salamine :
La terre émergente s'alanguissait au-dessus de celle qui était immergée. Seul le vol des mouettes froissait le silence qui emplissait l'azur.
Le balcon pouvait promouvoir les réalisations humaines.
Le mur qui freine l'ardeur des flots et le phare qui guide au milieu de la nuit sont deux éléments architecturaux qui organisent souvent la perspective du balcon sur la mer.
À Λουτρά Αιδηψού – ΛΟΥΤΡΑ ΑΙΔΗΨΟΥ (en français : Loutra Édipsou), sur la côte méridionale de l'île d'Eubée, ils définissaient une position stratégique, qui a été réservée au Zeph :
Cet emplacement de choix faisait que le Zeph était en première loge pour suivre le ballet incessant qui se déployait entre l'île et le continent, qui dessinait ses contours montagneux à l'horizon. Le spectacle était permanent, plaisant et instructif.
Sur la photo, un pêcheur s'apprêtait à sortir du port pour relever ses filets à l'heure du crépuscule. Il conduisait sa barque comme Michael Schumacher pilotait sa Ferrari en Formule 1 !
Une autre position stratégique était celle qui procurait la sensation de se trouver aux confins de la terre.
Ces litières installées à Κόρφος – KΟΡΦΟΣ, au Sud-Est de l'isthme qui reliait le Péloponnèse au Continent, privilégiaient un face-à-face avec la virginité originelle du site. Le balcon sur la mer invitait à l'évasion, non pas dans l'espace, mais dans le temps, vers l'époque où la Reine d'Égypte attendait son Consul romain.
La configuration du port pouvait contribuer grandement à l'attrait du balcon sur la mer. À Λίμνη – ΛΙΜΝΗ, toujours sur le flanc Sud de l'île d'Eubée, le havre de paix était une calanque très étroite. Par bonheur, le Zeph a pu se glisser dans la dernière place qui était disponible.
Jamais un balcon n'a été aussi paradisiaque ! Jugez-en par vous-même :
À Λίμνη – ΛΙΜΝΗ, la terre et la mer se serraient l'une contre l'autre, passionnément. Le résultat de cette étreinte amoureuse était l'éclosion d'un mur de scène fait de turquoise et d'émeraude.
Aucun véhicule, même amphibie, ne pourrait offrir la jouissance d'un tel balcon.
L'exceptionnel cadre topographique ne laissait pas indifférent le jardin aromatique qui se trouvait à bord du Zeph. La menthe relevait sa tête pour mieux humer le bonheur ambiant.
En la circonstance, le don de la mer était la stimulation chlorophyllienne, qui procurait au Zeph le faste d'un « jardin suspendu » au-dessus de l'eau.
En offrant au Zeph un balcon pour contempler et pour être contemplé, la mer a introduit la dimension du désir et signifié que le véritable balcon était celui qui livrait les paysages de l'âme humaine.
Une confirmation de cette révélation a eu lieu à Ωρεοί – ΩΡΕΟΙ (en français : Oréi), qui se trouvait à la pointe Nord-Ouest de l'île d'Eubée.
Voici la vue qui s'étendait devant le balcon physique :
Les ancres rappelaient l'alliance avec la mer.
Les ancres rappelaient l'alliance avec la mer.
Les lauriers en fleur représentaient la prospérité de la terre.
Le ferry illustrait le va-et-vient inéluctable entre les deux mondes.
Le balcon physique avait ses extensions, comme ici, sur la longue grève plate :
Sur la photo, le jour venait de se lever.
Le balcon de la contemplation était en réalité un face-à-face avec soi-même.
À Ωρεοί – ΩΡΕΟΙ, le balcon sur la mer avait aussi une extension plus pourléchée :
L'allusion au charme cycladique était manifeste.
Dans ce cas, le balcon sur la mer confortait une image mentale. Le balcon n'était plus celui de l'objectivité, mais de la subjectivité.
Douce et envoûtante subjectivité, surtout à l'heure où le soleil s'apprêtait à rejoindre l'horizon :
Balcon de la quête de soi, le don de la mer a connu une extraordinaire sublimation dans la nuit du 5 au 6 août 2021, à Ωρεοί – ΩΡΕΟΙ.
Les signes avant-coureurs de l'arrivée d'un nouveau type de balcon s'adressaient, non pas à la vue, mais à l'ouïe.
En effet, à l'heure où les restaurateurs ont commencé à ranger leurs terrasses, une voix s'est élevée à tribord du Zeph. Elle disait : « Pierre, tu dors ? ». Puis, « Minh, tu dors ? ».
Les deux questions successives sous-entendaient qu'il fallait rester éveillé, au sens propre comme au sens figuré, pour saisir le balcon en devenir.
Le capitaine était plongé dans un profond sommeil. Le mousse est sorti du carré. Son regard était dirigé vers le flanc gauche par la voix de la sentinelle. Stupeur ! Le balcon, côté terre, était la proie des flammes :
La masse rougeâtre enflait de temps à autre, à la manière d'un poumon qui respirait.
La sentinelle qui a donné l'alerte était Magali.
Avec Magali, le mousse a suivi l'évolution du feu, qui progressait vers la gauche, en direction du bâtiment des gardes-côtes. Mais nous étions incapables de dire à quelle distance se trouvait l'incendie, par rapport au bord de mer.
Nous redoutions que la rage des flammes ne finisse par atteindre le port et notre quai. La perspective d'une évacuation précipitée hantait notre esprit. C'était au milieu de cette grande anxiété que le mousse a entendu les mots les plus émouvants que la mer lui a permis d'entendre.
En effet, pour que le mousse puisse aller dormir, Magali lui a dit : « S'il y a quelque chose, on se réveille et on s'en va ensemble ».
« S'il y a quelque chose », c'est-à-dire si l'incendie venait à déborder sur l'espace portuaire.
« On se réveille » : le pronom personnel « se » n'exprimait pas la réflexivité, mais la réciprocité. Il ne signifie pas « soi-même », mais « les uns les autres ». Le sens de la forme pronominale n'était pas : « On se réveille tout seul », mais « On se réveille mutuellement ».
« On s'en va ensemble », c'est-à-dire main dans la main, coque contre coque.
Pendant que le balcon physique brûlait, un autre balcon, celui de la fraternité venait à l'existence.
Face à l'immense lueur rougeâtre, Magali offrait sa protection, comme une sœur offrait sa protection à ses deux frères.
Magali co-pilotait, avec Jean-Luc, le Tangaloa, toujours bien lustré.
Voici Magali et Jean-Luc dans le halo ambré du crépuscule :
Ils promenaient Rosy, qui affectionnait particulièrement les bras de sa maîtresse.
Le quai était celui qui reliait le décor cycladique au soleil couchant.
Voici la tour de guet d'où Magali a donné l'alerte :
Avec bonheur, nous avons célébré la naissance du lien fraternel entre le Tangaloa et le Zeph.
Magali et Jean-Luc étaient des êtres agréables, dénués de toute sophistication. La table du Zeph rendait hommage à la pureté de leur bonne humeur :
L'élégance de leur simplicité nous ravissait. À notre tour, nous leur avons dit merci en leur offrant le meilleur du goût en toute simplicité.
Le véritable don de la mer était là, avec le balcon de la fraternité.
C'était un balcon qui montrait la bonté du cœur, la joie de vivre et le bonheur du partage.
Aucune route terrestre ne nous aurait offert une émotion aussi intense et un balcon aussi merveilleux.
Nous nous réjouissons d'apprendre récemment que le Tangaloa et le Hanabi ont partagé de très bons moments ensemble, à Port-Saint-Louis-du-Rhône, sur le site de Navy Service.
Balcon de la contemplation, de l'évasion.
Balcon du plaisir, de la satiété, du ravissement.
Balcon de la douceur de vivre.
Balcon de la quête de soi, balcon du partage.
Balcon de la fraternité.
Balcon des rendez-vous du désir.
Balcon du privilège.
Balcon du καιρός – ΚΑΙΡΟΣ
Balcon de l'inoubliable, de l'irremplaçable.
Le don de la mer, c'est tout cela.
Tags : Don, Hérodote, balcon sur la mer, Eubée, Διαπόριοι, Λουτρά Αιδηψού, Κόρφος, Λίμνη, Ωρεοί, Tangaloa, καιρός
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Commentaires
On reconnaît, ci-dessus, le disciple d'Ασκληπιός – AΣΚΛΗΠΙΟΣ (en français : Asklépios ou Esculape), parce que le commentaire mentionne l'αναλγησία – ANAΛΓΗΣΙΑ (en français : analgésie), qui est le recul de la douleur.
Le disciple nomme le nouvel état de l'organisme en utilisant un terme des Écritures grecques, qui est ελπίδα – EΛΠΙΔΑ (en français : espoir).
Conscient que le meilleur médicament est l'optimisme, le disciple fait le vœu que le Zeph retrouve sa « confiance ».
Cher lecteur, mille mercis pour ton art de guérir.
RP
Le disciple d'Asklépios a construit son commentaire à la manière d'un triptyque : Espoir – Analgésie – Confiance.
Le premier volet est un regard positif vers l'avenir.
Le deuxième volet est une réminiscence d'un passé récent.
Le troisième volet nomme la force qui anime l'instant présent.
Voici une photo faite dans le port de Βόλος – ΒΟΛΟΣ (en français : Volos), quelques heures avant la chute sur le quai à Αμαλιάπολη – AMAΛIAΠΟΛH (en français : Amaliapoli) :
Le nom de la nef parle d'espoir : Esperanza, dans le langage ibérique, accompagné du sous-titre Εσπεράνζα, avec les lettres utilisées par Homère.
Comme la coïncidence entre les deux messages est troublante !
Merci de nous avoir fait prendre conscience que les divinités nous avaient délivré un augure pour se relever de la catastrophe.
RP
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Oui, c'est un peu ça ! L'espoir plus que tout le reste !