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Le balcon posé sur la mer (41-2) à Χίος. Le balcon dansant 2. Πάρος, Αμοργός, Νάξος
Nous avons vu dans l’article précédent que la danse grecque qui perpétue l’héritage des ancêtres ne craignait pas de montrer la faiblesse de l’individu ou la fêlure du corps social.
Ce souci de véracité sous-tend-il tout le programme du festival de la danse à Χίος (transcription : Khios) ?
Après les danses du Dodécanèse, le programme a prévu les danses des Cyclades.
Voici les costumes confectionnés pour célébrer le mouvement dans l’esthétique cycladique :
Le costume féminin était richement décoré. Il était surtout imposant et faisait penser aux vêtements de la cour de Byzance.
La photo a été faite au début de la parade. Les artistes tournaient le dos au soleil pour ne pas être éblouis. Mais la consigne générale n’empêchait pas des regards individuels de saluer avec grâce les spectateurs qui se trouvaient dans le dos.
La longueur du tissu et le poids qui en découlait ne constituaient aucune gêne pour les mouvements sur scène.
L’habileté du corps apportait de la maniabilité à l’étoffe.
Comme les gestes étaient toujours dans le sens de l’étirement, la longueur qui s’ajoutait à la longueur favorisait la perception des choses d’en haut.
Voici deux bras tendus vers le ciel et joints pour faire une arche :
Qui passait entre les deux cariatides vêtues de leurs tuniques impériales ? Une silhouette masculine.
D’ordinaire, c’était à une danseuse de passer sous l’arche. Ici, le masculin a remplacé le féminin dans cette figure de la chorégraphie. Ainsi, symboliquement, le masculin se mettait sous la protection du féminin.
Le chorégraphe a complété cette scène par une autre, avec le même état d’esprit :
Cette fois-ci, c’est le couple qui passait sous l’arche. C’était de nouveau le féminin qui veillait à la prospérité de la cellule familiale.
Le troisième tableau était donc prévisible. Le voici :
À son tour, un très jeune danseur passait sous l’arche. C’était encore le féminin qui assurait la protection de l’enfant qui naissait du couple.
Cette mise en scène faisait un pied-de-nez à la réputation de vulnérabilité que d’aucuns se plaisaient à coller à la nature féminine.
Ce qui paraissait faible ne l’était pas réellement : la danse grecque rendait hommage à la force du féminin, faite de dévouement et de persévérance.
Cette danse évoquait l’héritage culturel de l’île de Πάρος (transcription : Paros).
Αμοργός (transcription : Amorgos), l’île du Grand Bleu, a aussi apporté sa contribution.
Celle-ci célébrait la virtuosité de la virilité.
Dans ce tableau, seuls les hommes de la troupe occupaient le devant de la scène.
Le Grec qui conduisait la danse occupait ce poste grâce à son agilité physique. Car il s’agissait pour lui de s’élever dans les airs, subitement, et sans casser la chaîne humaine, ni le pas de danse de ses frères d’armes :
Mais en redescendant, il devait toucher avec sa main extérieure son pied intérieur !
C’était un privilège d’exhiber ainsi sa coordination interne.
C’était comme une pépite qui éblouissait l’œil.
Généreux, le Grec a fait luire de nombreuses pépites apportées par sa grande dextérité :
Après les éloges différenciés en faveur du féminin puis du masculin, la danse cycladique a abordé la question de l’équité, non plus par rapport à la constitution du corps mais par rapport au statut social.
La chorégraphie a commencé de manière anodine, par un jeu de charme entre le masculin et le féminin :
Qui charmait qui ?
La photo montre que l’extase était du côté féminin et que la retenue était du côté masculin.
La Grecque attendait-elle que son partenaire tombe entre ses bras à elle ou s’apprêtait-elle à sauter au cou de son partenaire ?
Le désir créait son suspens !
Les corps se sont mis à chavirer. Tous !
Mais le mouvement des bras montrait que les axes inclinés n’annonçaient pas une chute mais un envol.
L’envergure devenait un motif de séduction :
À ce moment-là, a surgi un coup de théâtre : le face-à-face n’avait plus lieu entre le féminin et le masculin, mais entre ce qui paraissait riche et ce qui semblait pauvre.
À la tunique chamarrée s’opposait une robe simple, de couleur unie.
Se faisaient face une condition aisée et une condition plus modeste.
Mais la bonne humeur demeurait de part et d’autre :
Le rire était franc. Seul l’appétit de vivre comptait, peu importait la situation financière ou sociale.
C’était même le clan de la pauvreté qui donnait le plus d’attrait à la vie en impulsant le tournoiement qui apportait l’ivresse :
Le clan de la richesse était émerveillé par une telle démonstration de vitalité.
Le regard de l’éloge ne se trompait pas de cible :
Le bas de la robe de la simplicité augmentait sa circularité en s’élevant et forçait l’admiration.
Une grande complicité s’installait et menait à l’équité :
Les deux élans de la vie méritaient la même considération, indépendamment du statut social.
La danse grecque revalorisait ce qui était sous-estimé.
La chorégraphie célébrait l’esthétique et l’éthique de l’île de Νάξος (transcription : Naxos).
L’art grec des temps modernes met en avant la thérapie de la compensation.
Le balcon posé sur la mer à Χίος était un balcon dansant en faveur de l’équité.
Tags : balcon posé sur la mer, Χίος, Πάρος, Αμοργός, Νάξος, masculin, féminin, virilité, équité, compensation
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