• Le balcon posé sur la mer (41-1) à Χίος. Le balcon chantant

    Grâce au voilier breton Glen Feeling 2, rencontré récemment à Σάμος (transcription : Samos), le balcon posé sur la mer à Χίος (transcription : Khios) s’est trouvé un complice roulant avec quatre roues. Ainsi nous avons pu mener une existence amphibie et profiter des richesses culturelles qu’offrait la terre ferme. Parmi ces richesses, il y avait la musique pour célébrer le temps estival et rendre le plaisir nocturne encore plus suave.

    Grâce à une affiche sur la Grand’Place, nous avons été prévenus que des concerts auraient lieu à Βολισσός (transcription : Volissos), sans aucune contrepartie financière.

    Curieux et impatients, nous étions présents dès la première session :

     

    Le balcon posé sur la mer (41-1) à Χίος. Le balcon chantant

     

    Nous savourions pleinement notre chance de terriens improvisés.

    Le concert a démarré de manière très tonique. Le privilège d’ouvrir les festivités revenait à un artiste qui n’avait pas la langue – ni la bouche, non plus – dans la poche.

    Ses lèvres adoptaient mille configurations pour bien faire sonner chaque syllabe et insuffler la tonalité appropriée :

     

    Le balcon posé sur la mer (41-1) à Χίος. Le balcon chantant

     

    La satire se voulait décapante. La bouche ne se préoccupait plus de la joliesse : elle devait émettre avec force des mots de colère.

     

    Le balcon posé sur la mer (41-1) à Χίος. Le balcon chantant

     

    Quel que soit le sentiment exprimé, la diction était toujours très soignée.

    La satire pratiquait volontiers l’ironie. Les lèvres prenaient alors la forme de deux vagues, chargées non pas de sel mais d’amertume.

     

    Le balcon posé sur la mer (41-1) à Χίος. Le balcon chantant

     

    La torsion des lèvres était un spectacle absolument fascinant, qui témoignait que le Grec était talentueux et entier dans son art.

    La bouche chantait, mais les bras aussi !

    Les voici qui chantaient le déséquilibre :

     

    Le balcon posé sur la mer (41-1) à Χίος. Le balcon chantant

     

    Cette formidable expressivité était au service du texte chanté. Mais au fait, que disait celui-ci ? Il disait par exemple :

    Εγώ γεννήθηκα ελεύθερο πουλάκι

    χωρίς οχτάωρα, χωρίς αφεντικό

    όλο πετάω από κλαδάκι σε κλαδάκι

    λέω και ένα ρεφραινάκι μαγικό

    Δε δουλεύω, ποτέ μου δε δουλεύω

    και ούτε θέλω να μιλάω για δουλειά

    δε δουλεύω, ποτέ μου δε δουλεύω

     

    En français :

    Je suis né un oiseau libre

    sans huit heures, sans patron

    Je vole de brindille à brindille

    Je dis un chœur magique

    Je ne travaille pas, je ne travaille jamais

    Et je ne veux pas parler de travail

    Je ne travaille jamais, je ne travaille jamais

     

    Pour ce chant de la liberté, l’artiste s’est donné des ailes :

     

    Le balcon posé sur la mer (41-1) à Χίος. Le balcon chantant

     

    Emportés par l’impressionnant jeu de scène, nous nous envolions aussi.

    Après ce début tonique où la musique était au service de l’esprit critique, le concert a privilégié la douceur mélancolique.

    Avant même de chanter, le chanteur a amené sur l’estrade une harmonie dont le regard du batteur se faisait l’écho :

     

    Le balcon posé sur la mer (41-1) à Χίος. Le balcon chantant

     

    Toujours dans le prélude instrumental, le pianiste affichait, lui aussi, le sourire de l’amitié émerveillée :

     

    Le balcon posé sur la mer (41-1) à Χίος. Le balcon chantant

     

    Que disait le texte chanté pour que les instrumentistes ne cachent pas leur joie ?

    La chanson disait :

    Μίλησέ μου μίλησέ μου

    Δε σε φίλησα ποτέ μου

     

    Μίλησέ μου μίλησέ μου

    Μόνο στ' όνειρό μου σε φιλώ

     

    En français :

    Parle-moi, parle-moi

    Je ne t'ai jamais embrassé

     

    Parle-moi, parle-moi

    Ce n'est que dans mon rêve que je t'embrasse

     

    Le balcon posé sur la mer (41-1) à Χίος. Le balcon chantant

     

    Même si cela semble paradoxal, l’âme grecque se délectait quand le désir était inassouvi.

    La chanson disait encore :

    Έχεις αφήσει μια ψυχή στην παγωνιά και στη βροχή μ’ ένα παράπονο μ’ ένα παράπονο πικρό θα σ’ το ξαναθυμίσω

     

    En français :

    Tu as laissé une âme dans le gel et la pluie avec une plainte avec une plainte amère je te le rappellerai encore

     

    Et regardez l’effet que provoquait sur le public cette meurtrissure :

     

    Le balcon posé sur la mer (41-1) à Χίος. Le balcon chantant

     

    Les âmes émues se mettaient en piste pour tournoyer avec le vertige de la tristesse.

    Toute frénésie était bannie.

    On se freinait pour ne pas se ridiculiser par la vitesse.

    On évitait soigneusement les saccades.

    Les circonvolutions servaient-elles à entretenir la peine ou à l’évacuer ? Qui saurait le dire ?

    Voilà l’énigme qui a clos la première journée du festival.

    Inspiré par cette journée de découverte, le Capitaine a pris en main les rênes de la diététique en mêlant dans le concert de la salade le chant des espaces sauvages et le chant des espaces cultivés : le premier était incarné par la fleur de thym tandis que le second était représenté par l’aneth.

     

    Le balcon posé sur la mer (41-1) à Χίος. Le balcon chantant

     

    Nous sommes revenus à Βολισσός le lendemain, pour assister à un spectacle époustouflant.

    Bien sûr, il y avait du chant, avec une voix humaine.

    Voici le chanteur, qui séduisait bigrement par sa vigueur et sa générosité :

     

    Le balcon posé sur la mer (41-1) à Χίος. Le balcon chantant

     

    Le Grec chantait des chansons crétoises, avec l’accent crétois.

    Il chantait avec sa bouche, ses yeux et ses sourcils.

    La photo montre que sa panoplie ne s’arrêtait pas là.

    En effet, au premier plan, se profilaient deux crosses. Celle de gauche appartenait à la lyre que tenait le Crétois. Celle de droite appartenait au bouzouki de l’ami qui apparaissait tout à fait à droite de la photo.

    Il y avait donc trois voix au mixage : la voix qui sortait du gosier de la Crète, la voix que faisait monter l’archet de la lyre – crétoise, elle aussi – et la voix qui sautait de corde en corde sur le bouzouki.

    La photo suivante montre les deux caisses de résonance en train de se stimuler mutuellement sous l’œil amusé du chef d’orchestre :

     

    Le balcon posé sur la mer (41-1) à Χίος. Le balcon chantant

     

    La virtuosité du Crétois dans le maniement de sa lyre était stupéfiante.

    Le bouzouki répondait à la lyre avec la même dextérité, la même célérité et le même enthousiasme.

    La prestation extraordinaire du Crétois était une polyphonie à trois voix. Mais au sein de cet ensemble, la partie maîtresse était constituée par le duo entre la lyre et le bouzouki. Et le Crétois, qui avait toujours un œil sur le bouzouki, était tout fier et tout heureux d’offrir au public le chant magique qui tissait les ondes émanant des deux instruments :

     

    Le balcon posé sur la mer (41-1) à Χίος. Le balcon chantant

     

    Ravis de cette deuxième journée musicale, nous avons dégusté notre poulet au gingembre avec le chant aromatique que composaient le persil frais et l’aneth, frais aussi :

     

    Le balcon posé sur la mer (41-1) à Χίος. Le balcon chantant

     

    L’excursion au pays des sensibilités musicales était une expérience très agréable et édifiante. Nous nous sommes davantage approchés de l’âme grecque.

    Le balcon posé sur la mer à Χίος était un balcon chantant. Quelle chance !


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