-
Le balcon posé sur la mer (37) entre Λéros et Πάτμος
Très satisfait de son escale à Λéros (transcription : Léros), le Zeph a vogué vers Πάτμος (transcription : Patmos) avec une grande confiance :
Le linge qui séchait encore sur les filières à la sortie de la baie de Λακκί (transcription : Lakki), où se trouvait la marina, témoignait de deux choses : le pragmatisme et l’esprit autonome, qui étaient deux principes constitutifs de l’identité du Zeph.
Sans être très conciliante, la mer ne nous a pas causé d’ennuis :
Nous nous sommes présentés devant le port municipal de Πάτμος avec plein d’espoirs :
Vigilant, consciencieux et prévoyant, le Capitaine préparait l’amarrage en faisant danser les cordages.
Grâce à la sollicitude sans borne du Βασίλισσα toscan, qui veillait avec tant de patience et d’intelligence à l’apparition du καιρός, le Zeph a bénéficié d’une place de choix. Ce n’est que bien plus tard que nous avons pris conscience que celle-ci était convoitée avec voracité par une multitude de bateaux qui prêtaient allégeance à un cerveau mafieux local.
Les bateaux venus après nous ont dû se contenter du moignon de quai qui restait :
Sur la photo, le tube métallique du premier plan appartenait au portique qui soutenait les panneaux solaires du Zeph.
En regardant le bateau, qui battait pavillon italien, se satisfaire, non sans fébrilité, de la portion congrue, nous réalisions à quel point les divinités nous avaient choyés.
Après l’amarrage, le Capitaine s’est épanché auprès du mousse en confiant à celui-ci : « Encore une fois ...qu’est-ce qu’on est bien ! »
Et le mousse, de répliquer immédiatement : « C’est pourquoi je ne vais pas chercher mieux ailleurs. Ailleurs, c’est-à-dire hors de la mer Égée. »
La paix intérieure, qui était engendrée par un cadre physique et humain favorable, stimulait l’inspiration de celui qui était en charge de l’équilibre diététique à bord. Quelles que soient les circonstances, les légumes frais avaient toujours leur place à table :
Le goût exquis de la fraîcheur accompagnait à merveille l’apport vitaminé.
Le Zeph aussi, frémissait de bonheur :
Progressivement, la pureté de la satisfaction nous menait vers le pays des songes.
La sieste était l’un des moments les plus exquis au cours de précédente halte à Πάτμος.
Deux ans auparavant, nous nous étions évadés avec Morphée à flanc de montagne. Cette fois-ci, l’irrésistible Morphée est venue sur le balcon posé sur la mer pour nous proposer une suave échappée vers les douceurs de l’irréel.
Dans ce cas précis, la valeur du balcon posé sur la mer ne résidait nullement dans sa mobilité, mais dans la vertu recréatrice des instants immobiles.
À la sortie de la sieste, qui avait occupé une grande partie de l’après-midi, le Capitaine a dit : « On est très bien ici ! »
Le constat répété du bonheur n’était pas une auto-persuasion, mais l’épanchement persistant d’un navigateur qui savourait l’or du temps.
Ce bien-être physique et nutritionnel allait avoir des répercussions prodigieuses sur le déploiement de la vie intérieure. Courage et prospérité en seraient les principales caractéristiques.
Bon sens et stratégie obligeaient : le port municipal de Πάτμος épousait tout naturellement la courbure de l’anse où il était blotti. Le quai des ferries était positionné à l’extrémité Sud-Est de l’arc de la sécurité tandis que le Zeph s’est installé à l’extrémité Nord-Ouest, pour plus d’indépendance et de quiétude.
Voici la proue du Zeph, qui recevait la lumière du couchant :
À l’arrière-plan, c’était la rive occidentale de la baie.
Le balcon posé sur la mer s’emplissait de poésie quand la lumière des lampadaires prenait la relève de celle de l’astre solaire.
Quant à la poupe, elle confirmait avec éloquence la position privilégiée dont bénéficiait notre balcon posé sur la mer.
Contemplez avec nous, sans modération :
Dans l’ordre d’éloignement croissant, qui suivait aussi un balayage visuel de droite à gauche, il y avait le port de plaisance avec ses mâts, puis le quai des ferries avec l’immeuble flottant de la Blue Star, et finalement, tout en haut de la montagne, une forteresse que les insulaires nommaient pompeusement « le Grand Monastère ». Car la pensée dominante faisait de ce site fortifié le lieu où l’évangéliste Jean, le bien-aimé du Nazaréen, aurait reçu de celui-ci la dictée du dernier livre des Écritures Grecques Chrétiennes.
Ce soixante-sixième et dernier livre du Corpus de l’Alliance commence ainsi :
Aποκάλυψις Ἰησοῦ Χριστοῦ ἣν ἔδωκεν αὐτῷ ὁ θεός δεῖξαι τοῖς δούλοις αὐτοῦ ἃ δεῖ γενέσθαι ἐν τάχει καὶ ἐσήμανεν ἀποστείλας διὰ τοῦ ἀγγέλου αὐτοῦ τῷ δούλῳ αὐτοῦ Ἰωάννῃ
Dans son édition du Jubilé de 2023, la Bible de Maredsous rend ainsi ce verset :
Révélation de Jésus Christ, que Dieu lui a confiée pour montrer à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt ; il l’a signifiée (à son tour), par l’entremise de son ange, à son serviteur Jean
Comme les Anciens avaient coutume de nommer le livre par le premier mot du texte, tout naturellement le livre que le Nazaréen a dicté à son apôtre bien-aimé Jean s’appelle, en grec, Aποκάλυψις. En français, ce terme grec signifie tout simplement, sans épouvantail et sans spectre : « Révélation ». Mais les partisans de l’obscurantisme se sont cramponnés à la transcription : « Apocalypse », qui n’est que l’onomatopée du vocable grec.
Le bien-être matériel encourage la franche expression de l’indépendance d’esprit et le libre exercice du jugement critique, sans aucun asservissement à la pensée dominante.
L’aisance matérielle et la fécondité intellectuelle se nourrissent mutuellement pour promouvoir le bon sens et l’objectivité.
Et le bon sens dit que l’homme de bonté qu’était le Nazaréen n’aurait jamais demandé que son ami, presque centenaire, escalade la montagne pour y recevoir une révélation qui pouvait très bien être donnée au ras de l’eau, comme au temps où le Maître et le disciple bien-aimé partageaient la même nourriture au bord de la Mer de Galilée.
En conséquence, la Révélation faite par le Nazaréen à Jean, son apôtre bien-aimé, avait plus de probabilités d’avoir lieu au ras de l’eau que sur ce site perché, qui est grotesque par sa supercherie.
Promenons-nous, si vous le voulez bien, sur le rivage de l’Ouest, dans le sens qui correspondrait, sur le Zeph, à un déplacement de la proue vers la poupe.
Voici le centre d’intérêt qui se présenterait en premier sur notre chemin :
Derrière les deux bateaux amarrés, c’était le bâtiment de la chapelle dédiée au Saint qui s’appelait O Άγιος Φανούριος (transcription : Fanourios).
Le mur qui séparait l’édifice sacré et le trottoir était interrompu par une porte que gardaient deux grands piliers dotés chacun d’un sommet pyramidal. Ces deux piliers, qui apparaissaient tout à fait à droite de la photo, étaient des sentinelles de la bienveillance.
En effet, ces deux sentinelles indiquaient l’endroit où il n’y avait pas de limite de temps à la bienveillance.
Inversons la perspective par rapport à la photo précédente.
Voici ce que nous pouvions voir à partir de l’intérieur de l’enceinte sacrée, en direction du quai où le Zeph était amarré :
Le premier plan était séparé par une allée que bordaient des lauriers prospères. Sur la photo, à droite de l’allée, c’était le sanctuaire pour la relation avec la transcendance. À gauche de l’allée, c’était l’espace de survivance du lien affectif avec les êtres chers qui étaient partis trop tôt.
À l’arrière-plan, les deux sentinelles, vêtues de blanc, montaient la garde au niveau de la transition entre le monde de l’agitation et celui du recueillement.
Quant à la porte elle-même, un battant était fermé : c’était celui qui apparaissait à droite sur la photo.
L’autre battant, lui, était ouvert.
Finalement, la porte était-elle fermée ou ouverte ?
Qu’importe qui pouvait entrer par cette porte et sortir par cette porte, sans toucher à quoi que ce soit.
La porte était donc ouverte !
Et l’accès était libre, totalement libre !
Le battant fermé rappelait au visiteur le devoir de respecter les lieux. Quant au battant ouvert, il signifiait une invitation permanente à profiter de la quiétude et du réconfort offerts à l’intérieur de l’enceinte sacrée.
Les deux photos précédentes ont été faites avec la lumière du matin.
Les lignes écrites ci-dessus restent-elles valables à d’autres moments de la journée ?
Voici une photo, qui a été faite tard dans la nuit :
À droite de l’allée de séparation, c’était encore l’espace réservé aux prières. Des chaises étaient installées dehors, pour permettre le recueillement, même directement sous la voûte céleste. La partie à gauche était toujours occupée par le cimetière.
Comme sur la photo en plein jour, le battant droit de la porte était fermé tandis que celui de gauche était resté ouvert.
L’empreinte horaire de la photo indiquait 23h36min33s.
Mais cette indication donnait l’heure en France, et non en Grèce.
En Grèce, à ce moment-là, il était déjà minuit, passé de 36 minutes et 33 secondes.
Donc, même après minuit, la porte était restée ouverte, comme elle l’avait été en plein jour.
La lumière rouge qui apparaissait sur cette photo provenait du phare rouge que l’on peut voir sur la photo de la poupe du Zeph.
Aucun horaire restrictif ne figurait sur la porte.
À tout moment de la journée, chacun pouvait venir se confier à son Père céleste ou pleurer des êtres tant aimés, mais qui étaient contraints de prendre le grand départ.
Avant Πάτμος, seul Πύλος (transcription : Pylos), sur le flanc Ouest du Péloponnèse, n’avait pas limité les heures de visite.
À partir du flanc gauche du Zeph, il était possible de contempler le lieu de la bienveillance sans limite et de s’en émouvoir.
La promenade entre les bateaux de plaisance et les ferries présentait un deuxième lieu d’intérêt. Le voici :
Des blocs de pierre émergeant du sol de la route étaient protégés par une clôture en fer forgé. Une inscription permettait d’identifier ces pierres. Voici cette inscription :
ΛΕΙΨΑΝΟΝ ΒΑΠΤΙΣΤΗΡΙΟΥ
ΕΥΑΓΓΕΛΙΣΤΟΥ ΙΩΑΝΝΟΥ
ΤΟΥ ΘΕΟΛΟΓΟΥ
95 μ. Χ.
En français :
VESTIGES DU BAPTISTÈRE
DE L’ÉVANGÉLISTE JEAN
QUI PRÊCHAIT LA PAROLE DE DIEU
95 av. Christ
La route d’où émergeaient les pierres historiques était une route transversale qui rejoignait le bord de mer.
Voici une image plus élargie de cette jonction :
La photo a été faite en regardant le Sud.
À gauche de la photo, la route asphaltée était celle qui longeait la mer depuis la chapelle Άγιος Φανούριος mentionnée ci-dessus.
L’intérêt de la photo résidait dans la mise en opposition de deux emplacements : celui du baptistère, qui se trouvait au premier plan, à droite, et celui du Grand Monastère, qui apparaissait tout à fait à gauche, au sommet de la montagne.
L’archéologie confirme que l’activité de prédicateur de l’apôtre Jean se déroulait au ras de l’eau, comme du temps où il était dans la province de Judée de l’Empire romain, tandis que les intérêts matériels et financiers du clergé orthodoxe ont décrété que le lieu de la Révélation devait être perché au sommet d’une montagne.
Le récit de la Bonne Nouvelle montre clairement que le Nazaréen ressuscité continue de manifester des égards envers ses disciples en s’insérant toujours avec douceur dans leurs activités quotidiennes. C’était la même douceur qui était à l’œuvre quand il a fallu un lieu pour dicter la Révélation à l’apôtre Jean. Cette dictée avait de très fortes chances d’être faite au ras de l’eau et n’importe quel rivage de l’île aurait convenu.
Comme l’aberration entretenue par la pensée dominante est navrante !
La Grèce nous a habitués à cultiver l’exacte appréciation du beau.
C’est pourquoi l’indépendance d’esprit nous incite aussi à ne pas taire des comportements mafieux de celles et de ceux qui avaient l’œil et la main sur ce bout de quai tant convoité pour sa position stratégique face au port municipal et au Grand Monastère.
Bien entendu, nous nous gardons de faire des ingérences dans les affaires internes de la Grèce. Néanmoins, nous avons tout de même le devoir de relater notre grande surprise et notre profonde déception quand les magouilles du XXIè siècle font affront à l’éthique millénaire du δημοτικό (littéralement : librement accessible à toutes les composantes du peuple).
Le Zeph avait, à tribord, les montagnes de l’Est. De là venait la lumière du jour naissant mais aussi de la lune qui sortait de sa cachette :
Sur la photo, le dernier lampadaire à gauche était celui qui se dressait à côté de la poupe du Zeph.
En zoomant, il est possible de reconnaître, à gauche de ce lampadaire qui représentait pour les fans de la passeggiata nocturne le bout du monde, le profil en along side du Zeph, avec son mât, ses lignes bleues et même son éolienne !
Le lever de la lune suscitait en nous une profonde gratitude envers le καιρός. Et l’authenticité de la gratitude commandait une pratique édifiante de l’objectivité.
Le balcon posé sur la mer entre Λéros et Πάτμος était le balcon de la pensée éclairée er éclairante, courageuse et libératrice. C’était le balcon du λόγος (transcription : logos).
Tags : balcon posé sur la mer, Λéros, Πάτμος, Βασίλισσα, καιρός, Révélation 1:1, Άγιος Φανούριος, λόγος, mafieux, Πύλος, gratitude, objectivité
-
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment
Ajouter un commentaire