Le balcon posé sur la mer à Θηρασία (transcription : Thérassia) avait un demi-frère qui possédait du sang crétois dans les veines et qui avait élu domicile à Xανιά (en français : La Canée), mais qui travaillait à Θηρασία au moment où nous étions de passage sur l’îlot volcanique.

Le demi-frère s’est proposé de nous amener vers l’autre côté du cratère, là où celui-ci avait bâti sa renommée internationale. Le départ était organisé à l’heure où l’ombre était minimale. Le retour à Θηρασία avait lieu en fin d’après-midi.

La promenade au bord du cratère révélait la magie de l’eau douce, par contraste avec l’immensité de l’eau salée en contrebas et par contraste aussi avec l’ardeur indomptable du soleil.

Pour tempérer le feu qui venait à la fois du ciel et des entrailles de la terre, l’élément qui rafraîchissait opérait aussi de manière duale, à la fois avec l’eau salée et l’eau douce.

Cette cohabitation de la fraîcheur et de la chaleur, qui aurait dû avoir un déroulement agonistique selon les principes de la physique, s’épanouissait finalement en synergie pour concourir à l’équilibre du cosmos.

L’air, le quatrième élément non encore cité dans l’énumération précédente, était le charmant messager de cette synergie.

Voici un effet du bel équilibre au sommet du cratère :

Aucun portrait réalisé auparavant n’avait montré une telle fraîcheur sur le visage du Capitaine. Cette fraîcheur juvénile était octroyée par la sieste qui venait d’avoir lieu, à l’ombre d’un cyprès planté sur le parvis d’un lieu de recueillement.

Le sourire de l’équilibre s’est épanoui sur nos lèvres, car nous nous sommes octroyé l’indispensable repos, c’est-à-dire le précieux recul par rapport à un regard boulimique.

La recherche de l’équilibre produisait des résultats à la fois insolites et ravissants.

Voici une séance de photo qui exploitait l’équilibre au bord du cratère :

La mariée se tenait au sommet d’une masse rocheuse, tout près du vide. La traîne de sa robe était lancée juste au moment où soufflait une rafale. Le photographe avait la responsabilité de capter l’équilibre entre la poussée du vent et la force gravitationnelle. Le bleu foncé de la robe se référait de toute évidence à celui de la mer en contrebas.

Après l’équilibre géologique, physiologique et topographique, nous étions confrontés à l’équilibre qui était sans doute le plus dur à réaliser, parce que celui-ci faisait intervenir des sentiments.

Regardez l’exquise tendresse qui nous a souhaité la bienvenue au bord du cratère :

La frêle silhouette des chatons qui venaient de naître nous attirait.

Leur innocence nous émouvait.

Le désir de jouir indéfiniment de leur affectueuse compagnie était irrésistible.

Tout nous incitait à satisfaire ce désir, surtout le bien-être procuré par le cadre extrêmement romantique de la découverte.

L’alcôve s’ouvrait sur le cratère à travers une arcade polylobée, de style vénitien.

La contemplation de l’immensité de l’azur pouvait se faire à partir d’un lit moelleux dont les coussins apparaissaient à gauche de la photo ou à partir d’une balançoire aménagée en cocon.

La fraîcheur du lieu était un pur délice. Deux facteurs y contribuaient. Le premier était l’ombre offerte par l’architecture. Le second était l’eau d’une piscine conçue comme miroir de l’intimité. Le photographe s’est adossé au rebord de la piscine pour réaliser la photo précédente.

En effet, vers le bas de la photo, entre la balançoire en forme d’œuf et les pieds du Capitaine, apparaissait sur un carreau de couleur claire la grille métallique que l’architecte avait prévue pour faire face au trop-plein de la piscine.

Le bonheur engendré par la douceur d’un lieu aussi paisible et aussi charmant ne demandait qu’une chose : ne jamais prendre fin.

Ce bonheur ne provenait pas d’une conversation avec la matière inanimée, mais d’un échange de tendresse avec d’autres créatures, qui nous ont, si spontanément et si généreusement, offert leur amitié.

La perspective de prolonger indéfiniment ce bonheur nous aurait poussés à agir comme Pâris à la cour de Ménélas. Mais l’éthique nous a sommés de ne pas profaner l’hospitalité de la Grèce, malgré la possibilité pour nous d’agir incognito.

Le balcon au bord du cratère nous a réservé une épreuve morale redoutable.

Nous nous félicitons d’avoir préservé l’équilibre entre le plaisir personnel et l’exigence d’intégrité.

De retour à l’embarcadère, nous avons vu sur les balcons au ras de l’eau deux spectacles intéressants et instructifs.

Voici le premier spectacle :

Le balcon qui donnait sur la mer était celui d’une taverne qui proposait la cuisson sur la braise. Ostensiblement, la spécialité de la maison était affichée : il s’agissait du poulpe, servi grillé, bien sûr.

De deux manières, cette vitrine alléchante abordait la question de l’équilibre.

D’abord, l’équilibre par rapport à la verticalité faisait que l’objet du désir restait à hauteur des yeux sans tomber.

Ensuite, un autre équilibre, plus subtil et sans doute plus important encore que le précédent, permettait d’étirer la chair de l’animal jusqu’à donner à celle-ci la transparence, sans toutefois provoquer un quelconque déchirement.

La table de notre balcon posé sur la mer à Θηρασία proposait aussi le goût du grillé.

Avec du thym et du cumin, les saucisses de Μύκονος étaient grillées, non pas sur la braise, mais au wok, pour ne pas dessécher la chair.

De plus, elles étaient accompagnées par des légumes qui garantissaient l’équilibre diététique du plat servi :

Dans le cas présent, le tiercé formé par la courgette, la carotte et le poivron avait pour mission de servir de contrepoint à l’apport protéique, tout en préservant la texture al dente.

L’équilibre diététique était un défi passionnant. Le balcon posé sur la mer était tout disposé à le relever, vaillamment.

Le deuxième spectacle intéressant et instructif, vu à l’embarcadère, était celui-ci :

Un corps de langouste servait de support à des pierres précieuses,

Dans la nature, il y a cinq couleurs possibles pour la langouste, qui peut être brune, rouge, rose, verte ou blanche.

Le joaillier de Οία (transcription : Iya) a choisi la couleur blanche pour évoquer la pureté.

À bord du Zeph, nous faisions aussi l’éloge de la pureté.

Le décor de la pureté servait d’écrin à une pierre précieuse qui s’appelait l’amitié.

L’ami était l’Hypérion, que le Zeph avait rencontré, il y a deux ans, à Ίος (transcription : Ios).

D’une saison à l’autre, l’Hypérion n’a pas cessé de témoigner sa générosité et sa fidélité.

Pour les retrouvailles à Θηρασία, l’Hypérion, qui venait de Αμοργός (transcription : Amorgos) a offert au Zeph l’ouzo fabriqué sur l’île du Grand Bleu :

Pour accompagner cet ouzo de la fête, le mousse a préparé un sauté de légumes, dont le caractère al dente enchantait l’Hypérion :

L’équilibre était le fondement et la garantie de la très belle amitié entre l’Hypérion et le Zeph.

Ensemble, nous avons levé nos verres de champagne à la beauté de cette saison de navigation :

Ensemble, nous avons savouré le croustillant du καιρός à la manière dont nous avons savouré le croustillant des rouleaux de printemps à Θηρασία.

Le balcon posé sur la mer à Θηρασία était le balcon de l’équilibre.