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La saison du choix
Voici le Zeph lors de son dernier crépuscule à Βόλος – ΒΟΛΟΣ (en français : Volos) :
La lumière dorée du soleil couchant lui conférait l'aura des temps homériques.
Le Zeph venait d'être dessalé de fond en comble. Il en était tout heureux.
Le Capitaine aussi, était tout heureux que les préparatifs pour renouer avec l'aventure sur les flots se déroulent bien.
Avec légèreté, il a quitté le quai de l'eau douce pour rejoindre l'habitacle bichonné.
Vingt-quatre heures après, il a fait le geste inverse pour tenter de sécuriser un Zeph en proie à des oscillations verticales intempestives. C'est alors qu'a eu lieu la douloureuse chute sur le quai, à Αμαλιάπολη – AMAΛIAΠΟΛH (en français : Amaliapoli).
Voici une photo du lieu de la catastrophe, peu de temps avant que l'accident ne survienne :
Des Grecs qui pêchaient le long du quai avant notre arrivée se sont rapprochés du Zeph, comme si celui-ci rendait l'eau plus poissonneuse. C'étaient eux qui ont appelé du secours quand le Capitaine se tordait de douleur sur le quai. Ils nous ont dit que l'ambulance arriverait dans une dizaine de minutes. Mais chaque seconde de souffrance sans la perspective d'un remède pesait comme un siècle de torture.
Alors le Capitaine a fait le choix d'abandonner l'attente de ces premiers secours pour retourner à Βόλος – ΒΟΛΟΣ, qui semblait plus apte et plus efficace pour traiter le traumatisme subi.
À première vue, c'était le choix de ne pas rester passif.
En vérité, c'était le choix d'affronter l'agitation de la mer avec un seul bras valide pour tenir la barre et malgré une douleur croissante, qui s'amplifiait au centuple à chaque heurt de la vague.
Hélas, les vagues qui ont heurté le Zeph au cours des quinze miles nautiques qui séparaient Αμαλιάπολη – AMAΛIAΠΟΛH, où s'était produit l'accident, et Βόλος – ΒΟΛΟΣ, où nous misions sur de meilleurs soins, étaient légion !
Alors, était-ce le choix de la lucidité ou celui de la folie ?
En tout cas, l'affreuse réalité des secousses endurées et les élancements qui se propageaient du bras handicapé au cerveau désemparé faisaient que ce choix était un choix extrêmement courageux.
C'était le choix d'un pari. Le Capitaine a parié sur l'hospitalité des gardes-côtes. C'était donc le choix de la sagesse. Et les divinités ont approuvé de façon non équivoque ce choix.
Voici le Zeph devant le bâtiment des gardes-côtes :
Au premier plan, le Zeph était reconnaissable à son orin rouge, à son drapeau tricolore et à son portique, qui montrait la signature de l'artisan concepteur : RS-INOX.com.
Du côté de la poupe du Zeph, était amarré le bateau d'intervention des gardes-côtes.
La photo a été prise au moment où ceux-ci vérifiaient que les passagers qui voulaient accéder au ferry étaient en règle par rapport aux mesures anti-Covid.
Les bâtiments de l'administration portuaire se trouvaient à droite de la photo.
Maintenant que nous leur avions confié notre affaire, les gardes-côtes ont pris très au sérieux leur mission de protecteurs. Pour les rassurer, le Capitaine a fait le choix de changer de chantier naval.
Initialement, nous avions réservé notre place pour le prochain hivernage au chantier Evoico Sea Center, situé à Χαλκούτσι – ΧΑΛΚΟΥΤΣΙ (en français Khalkoutsi), face à la rive Sud de l'île d'Eubée.
Or, il faudrait deux jours de navigation pour s'y rendre. De surcroît, le trajet passerait par le pont de Χαλκίδα – ΧΑΛΚΙΔΑ (en français : Khalkida ou Chalcis), qui risquerait d'être fermé pendant le week-end qui approchait. Donc, en tout, il faudrait quatre jours pour sécuriser définitivement le Zeph. Quatre jours en mer, c'était trop pour le bras en souffrance. C'était trop aussi pour les gardes-côtes, qui voulaient absolument que plus rien de désastreux ne nous arrive.
En raison de tout cela, le Capitaine a fait le choix d'un autre chantier naval, situé à Λίμνη – ΛΙΜΝΗ (en français : Limni), sur la côte Sud de l'île d'Eubée. Avec cette nouvelle perspective, le ber de l'hivernage ne se trouverait qu'à soixante-douze miles nautiques du bâtiment des gardes-côtes de Βόλος – ΒΟΛΟΣ. Cette distance pourrait être parcourue d'une seule traite. Et avant la fin du jour, le Zeph serait en sécurité.
Initialement, le choix du nouveau chantier naval était seulement motivé par la prise en compte de nos propres limites physiques. Mais au bout du compte, ce choix avait une influence bénéfique auprès des gardes-côtes car il les persuadait que nous étions des personnes raisonnables et prudentes.
Le choix d'un nouveau domicile pour le Zeph avait une contrepartie, qui était financière. Il impliquait la perte des arrhes versées au premier chantier. Le montant de celles-ci s'élevait à cent cinquante euros.
Voici le Capitaine au moment du versement des arrhes, huit semaines auparavant :
Mais pour l'heure, la préoccupation n'était pas de faire des économies, mais de rentrer en France au plus vite, après avoir mis de l'ordre dans la parenthèse grecque.
Le retour en France sous forme d'un rapatriement par voie aérienne était subordonné à l'avis favorable d'un médecin de contrôle, qui devait apposer la formule « Fit to fly » (en français : apte à prendre l'avion) sur le dossier de l'enquête médicale.
La visite médicale dont l'objectif était l'obtention du sésame pour le rapatriement par avion a eu lieu au IATPIKO AΘHNΩN (en français : CENTRE MÉDICAL D'ATHÈNES).
Le précieux sésame était à portée de main, mais il était assorti d'une demande de promesse. Le Capitaine devait promettre au chirurgien qui l'examinait, de se faire opérer dans les quarante-huit heures qui suivraient l'arrivée sur le sol français.
Il fallait donc choisir entre la Grèce et la France, entre l'hôpital à Lyon et l'hôpital à Athènes.
Comme il faudrait au moins un jour pour trouver un avion disponible et plusieurs jours encore pour obtenir un rendez-vous avec le chirurgien lyonnais qui avait jadis opéré le bras gauche, la promesse attendue serait impossible à tenir.
Par conséquent, le Capitaine a fait le choix de se faire soigner en Grèce, au IATPIKO AΘHNΩN.
Le voici qui remplissait les formalités pour l'admission dans le service du chirurgien grec qui l'avait ausculté tout à l'heure :
Au premier plan, apparaissait la poignée rétractable de la valise initialement prévue pour l'avion du rapatriement. Désormais, c'était le mousse qui devait en prendre soin, dans le hall d'accueil de l'hôpital.
Peu de temps après, un infirmier a conduit le Capitaine à la chambre qui venait de lui être attribuée. À partir de cet instant, le mousse n'a plus revu le Capitaine de toute la soirée.
Jusqu'à quand le mousse ne reverrait-il plus le Capitaine ?
La réponse à cette question dépendait d'un choix que le mousse devait faire : il avait à choisir entre dormir allongé sur un lit ou dormir assis sur un siège.
L'hôtel proposait le confort du lit tandis que l'hôpital offrait l'émotion d'un siège à côté de l'ami.
Le contact visuel procure du courage, du réconfort, de l'énergie positive.
Afin de rétablir le contact visuel, le mousse a fait le choix de dormir assis sur un siège, à l'hôpital, pour la première nuit et pour les nuits suivantes.
Pour entrer dans la chambre où était alité le Capitaine, et y rester, il fallait passer un test PCR à cause du Covid. Le test coûtait cinquante euros.
Grâce au test PCR, le mousse a pu accéder au neuvième étage où se trouvait la chambre du Capitaine. Dès que la porte de l'ascenseur s'est ouverte au neuvième étage, une infirmière, très douce et très dévouée, est venue pour aider le mousse à porter tous les bagages vers la chambre du Capitaine.
Comme la nuit était déjà très avancée et que le Capitaine avait besoin de trouver des forces grâce au sommeil, le mousse a fait le choix de ne pas entrer dans la chambre tout de suite. Le mousse a préféré passer le reste de la nuit sur un siège dans un couloir du neuvième étage, en attendant le réveil de Capitaine.
Là où patientait le mousse, il avait la présence de l'olivier sacré et de la colombe de la paix.
Le CENTRE MEDICAL D'ATHÈNES faisait tout pour aider chacun à retrouver la paix du corps et de tout l'être.
Au cours de cette épreuve, tout comme dans le reste de l'existence, le choix dévoile la personne intérieure que nous sommes.
Tags : Αμαλιάπολη, Βόλος, Λίμνη, Χαλκούτσι, Evoico Sea Center, IATPIKO AΘHNΩN, Fit to fly
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Commentaires
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Tout ce qui se rapporte à la mer et à la navigation porte le sceau de l'exceptionnel.
L'amitié entre le Hanabi et le Zeph est exceptionnelle.
Le concert de la fraternité, donné avec tant de générosité par le maestro du Hanabi dans le port de Kyparissia, relevait aussi de l'exception.
L'intérêt montré par le capitaine du Hanabi pour les atours égyptiens de la barque ΠΕΛΑΓΙΝΗ, décrite dans l'article « le courage de l'attente », était absolument exceptionnel.
Au sujet du caractère exceptionnel, l'empereur-philosophe Marco Aurelio (en français : Marc Aurèle) disait :
" L'uomo comune esige dagli altri. L'uomo eccezionale esige da se stesso. "
L'homme ordinaire est exigeant avec les autres. L'homme exceptionnel est exigeant avec lui-même.
L'exceptionnel se définirait par une très grande exigence avec soi-même.
RP