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La réparation par la résilience
Le mot français « résilience » vient du terme anglais « resilience », qui lui-même est issu du verbe latin « resilire », dont la signification est « rebondir ».
Avec l’approbation du chirurgien, qui nous a informés du calendrier du bloc opératoire de la clinique spécialisée de Χαλκούτσι – XAΛΚΟΥΤΣΙ (transcription : Khalkoutsi), nous avons fait un bond de 250 km vers le Nord-Ouest de la clinique, jusqu’à Μεγάλο Χωριό – MEΓΑΛΟ ΧΩΡΙΟ (transcription : Mégalo Khôrio), pour réparer la confiance en soi, qui avait été sérieusement amochée à cause d’un mensonge par omission.
Ce qui avait été omis, c’était le signalement du plateau rocheux entre Φονιάς – ΦΟΝΙΑΣ (transcription : Fonias) et Στύρα – ΣΤΥΡΑ (transcription : Styra), dans la partie méridionale du Golfe d’Eubée.
Quant au mensonge qui a provoqué l’accident du Zeph, il était double. D’une part, la carte marine utilisée (« Nav...x ») parlait de Φονιάς comme d’un rocher isolé, ce qui contredisait la configuration du plateau rocheux. D’autre part, cette même carte marine indiquait une profondeur d’eau de 11 m alors que le Zeph a quand même heurté le rocher malgré un tirant d’eau de 1,90 m.
Pour nous remettre du traumatisme causé par ce double mensonge, nous avons rebondi grâce à des activités saines, agréables et gratifiantes. La randonnée était l’une d’elles.
Pour la circonstance, le Capitaine a choisi de randonner dans la gorge surnommée Πάντα Βρέχει (littéralement : Toujours Il Pleut), qui figurait parmi les cinq plus belles de la Grèce.
Et pour se rincer les yeux, purger le corps et revigorer le moral grâce à Πάντα Βρέχει, il fallait rebondir jusqu’à Μεγάλο Χωριό.
La réussite à Πάντα Βρέχει dépendait étroitement de l’organisation en amont et en aval.
En amont, il fallait surtout un excellent sommeil, qui puisse détendre le corps et rassurer le moral. Ce sommeil de la satisfaction, nous l’avons trouvé dans une demeure qui était fleurie dans le moindre recoin.
Voici la porte d’entrée :
La colombe de la paix apparaissait au milieu d’un cœur orné de trois fleurs.
La paix n’était pas seulement sur le bout des lèvres, elle venait du fond du cœur.
Celui-ci était bien portant, comme l’illustrait la triple floraison.
On se reconstruit vite grâce à des messages de bienvenue aussi raffinés et touchants.
Une fois la porte d’entrée poussée, voici le hall qui desservait les différents espaces intimes.
Les murs du hall étaient parés de rideaux brodés.
Des cœurs stylisés annonçaient au visiteur un accueil très chaleureux.
L’étoffe jouait avec la dualité entre la matière translucide et la transparence totale. Le graphisme utilisait savamment ces chemins de transparence totale pour faire émerger des incrustations d’émeraude et de lapis-lazuli.
Comme l’art se joignait à la sollicitude pour souhaiter la bienvenue, ensemble ils procuraient au visiteur un bien-être considérable, tant pour le corps que pour l’esprit. Les conditions étaient alors idéales pour rebondir en toute sécurité, en toute efficacité et en toute félicité.
Ici encore, le cœur contenait une fleur. C’était la bonté qui fleurissait.
L’élégance régnait partout, même dans le lieu d’aisance. Voici comment la disponibilité du papier hygiénique était suggérée :
Par voie aérienne !
L’impression de légèreté donnée par la suspension avait un pouvoir suggestif sur le transit intestinal : celui-ci en devenait apaisé, régulier et finalement libérateur. Ainsi, l’organisme retrouvait l’aisance qui faisait éclore le sourire et rebondir la plante des pieds.
La suspension comportait trois étages, destinés à recevoir chacun un rouleau de papier. Chaque étage exhibait des corolles blanches de marguerite. Ce triptyque fleuri rappelait que la prospérité de la flore intestinale contribuait grandement au bien-être de tout l’organisme.
L’enchantement, qui déjà naissait du décor silencieux mais éloquent, ne pouvait que croître lorsque la parole et le geste donnaient vie à l’espace destiné à l’échange.
Le mousse a fait remarquer à l’hôte qui nous recevait d’une manière très fraternelle, que sa belle demeure avait une flagrance qui rappelait la Πλατεία Ομονοίας (littéralement : Place de Concorde) à Athènes. Puis le mousse a mis un nom sur cette odeur très caractéristique : il s’agissait de l’odeur de la cannelle.
Ravi, l’hôte nous a tout de suite offert ce bouquet :
Il s’agissait de la camomille que les mains maternelles avaient cueillie dans la montagne avoisinante.
Le préambule des cœurs brodés, qui accompagnait nos premiers pas dans cette demeure n’était pas illusoire. Loin de là, il annonçait des élans de générosité et laissait augurer une belle harmonie entre les êtres.
La bienveillance était un puissant encouragement à rebondir.
Nous avons informé notre hôte de notre désir de randonner dans la gorge Πάντα Βρέχει. Immédiatement, il a pris à cœur notre projet de randonnée et nous a donné des conseils très avisés, éclairants et pragmatiques.
Avant cela, la littérature qu’avait consultée le Capitaine se plaisait surtout dans le culte de la nébulosité et dans le maniement de la pétoche. L’accès au rideau de pluie y était décrit sans repère précis et sans cohérence. Ces soi-disant paroliers de l’aventure ne semblaient n’avoir qu’un seule préoccupation : celle de faire du sensationnel en agitant l’épouvantail de la noyade. Car selon eux, il y aurait de l’eau jusqu’au cou et des courants extrêmement forts.
Cette manipulation de l’information n’apportait aucune aide à la personne qui voudrait connaître de visu le rideau de pluie tant vanté.
Notre hôte, lui, voulait réellement nous aider et nous rendre la chose accessible.
Ni il ne sous-estimait le danger, ni il ne l’exagérait.
Tout en nous conseillant la prudence, il nous encourageait à procéder par étapes, sans défaitisme, mais en restant toujours positifs.
Pour l’accès au site, il a dit au Capitaine : « Roule en direction de Ρoσκά – ΡΟΣΚΑ (transcription : Roska). Et quand tu ne peux plus avancer avec ta voiture, gare-la sur le côté, et tu continues à pied. »
C’était du pur bon sens. L’hôte nous prévenait qu’à partir d’un certain moment, la route serait impraticable, à notre goût. Qu’à cela ne tienne ! Il suffirait de laisser la voiture et de rebondir en toute simplicité, avec du courage et le sens de l’observation.
Voici là où nous avons laissé la voiture :
Sur la gauche la photo, le chemin vers le rideau de pluie comportait une descente avec une pente assez forte. Le Capitaine craignait que nous ne puissions remonter cette pente dans l’autre sens. La prudence nous a donc suggéré de poursuivre à pied notre itinéraire à partir de là.
Quant au site lui-même, notre hôte nous a informés que l’épreuve, physique et mentale, nous attendrait dès l’entrée. Il s’agissait d’une épreuve de stabilité. Mais pour évoquer le risque de perdre l’équilibre à cause de la violence et du caractère multidirectionnel du courant, il a parlé de «jacuzzi». Le vocabulaire se voulait réaliste, mais ludique et élégant. C’était cette élégance de la pensée qui nous a soutenus quand nous avons pensé perdre pied, littéralement.
Voici le Capitaine qui partait en éclaireur :
Centimètre par centimètre, il avançait au milieu des remous. Le contre-jour assombrissait la masse d’eau tumultueuse et faisait grandir l’incertitude. Nous craignions un affaissement brutal du lit du torrent, qui provoquerait un engloutissement désastreux dans l’abîme d’eau.
Le chemin devenait impraticable faute de connaissance précise sur la profondeur de l’eau. Le conseil avisé de notre hôte revenait dans notre esprit : « N’abdiquez pas. Rebondissez en changeant de modalité ! »
Le Capitaine a donc fait demi-tour, non pour abandonner la partie mais pour trouver une autre solution.
Le voici qui revenait sur ses pas :
Les vêtements mouillés montraient jusqu’à quelle profondeur il a dû entrer dans l’eau.
Les premiers essais infructueux commençaient à nous miner le moral.
Avant de venir ici, nous avons beaucoup misé sur la force régénératrice de la gorge Πάντα Βρέχει. Ce rebond devait réussir, malgré la traîtrise des courants et et le corps glissant des rochers.
La persévérance a donné à notre pensée d’aventurier le temps de mûrir : au lieu de descendre le torrent en passant par le milieu de son lit, nous avons finalement préféré escalader les rochers qui étaient sur les côtés.
La latéralité offrait une double visibilité : on voyait la hauteur de la roche qui émergeait, mais aussi la profondeur de l’eau où on mettait ses pieds. La clarté de la vue permettait d’adapter l’effort et de rebondir jusqu’à l’objectif ultime. Voici cet objectif ultime :
Le rideau de l’émerveillement était créé par le ruissellement de myriades de perles. Chaque perle était une constellation de fraîcheur.
Le ravissement était extrême au ras du sol et tout le long de la roche pendant que le regard s’élevait, jusqu’aux bassins de collecte sommitaux :
À ce moment-là, nous étions les seuls à profiter de cet Éden visuellement, épidermiquement et musicalement.
Les instants d’extase s’enchaînaient sans discontinuité.
Comblés, nous avons pris le chemin du retour.
Le contre-jour a disparu. La lumière du soleil révélait à présent la magnifique limpidité de l’eau.
L’allégresse portait nos pas, depuis le rideau de pluie jusqu’à la demeure qui nous a permis de réussir cet inestimable rebond.
Nous avons voulu exprimer notre immense gratitude envers notre hôte, qui était l’artisan de la résilience développée et emmagasinée au cours de cette randonnée mémorable.
Il est fréquent que le visiteur fasse l’éloge de ce qu’il a reçu du Grec. Mais y a-t-il l’équivalent au sujet de ce que le Grec reçoit du visiteur ? La vraie question est alors celle-ci : le visiteur a-t-il quelque chose à offrir en retour au Grec ?
Cette question, fondamentale et inéluctable, nous a interpelés et nous y avons répondu par l’affirmative, en offrant à notre tour l’hospitalité à notre hôte. Stimulés par l’énergie du rebond superbement réussi, nous l’avons invité à partager notre table de l’amitié. Nous lui avons offert de l’ouzo avec des courgettes al dente. Très ému, notre hôte a réitéré son élan de générosité. Tout de suite, il est allé chercher le miel de ses abeilles pour nous le donner en mains propres. Voici ce miel, utilisé en synergie avec la camomille si généreusement offerte la veille :
Notre rebond a tout de suite entraîné un rebond de la part de l’hôte.
Cette belle réciprocité a fait éclore une amitié selon la vertu (κατ’ ἀρετήν), pour reprendre les termes d’Aristote.
Sur place, le mousse a remercié l’hôte pour le double geste de générosité. Le mail de la gratitude contenait ces lignes :
“ Ήσουν το όργανο της Θείας Πρόνοιας για να μας συμβουλέψεις για το Φαράγγι Πάντα Βρέχει. Χωρίς εσένα, δεν θα φτάναμε στην κουρτίνα της βροχής...Σε ευχαριστούμε που μας έδωσες το χρυσό της υπομονής, της ακρίβειας και της επιμονής.”
En français :
“Tu as été l’instrument de la Providence pour nous conseiller au sujet de la gorge Πάντα Βρέχει. Sans toi, nous ne serions pas allés jusqu’au rideau de pluie...Merci de nous avoir offert l’or de la patience, de la précision et de la persévérance.”
L’hôte s’appelait Βασίλης – BAΣΙΛΗΣ (transcription : Vasilis).
Le voici sur le balcon où nous lui avons offert de l’ouzo et des courgettes al dente.
Tout comme la phase préparatoire du rebond, la phase de la réception finale, après le décollage, apportait une grande satisfaction. Ainsi, le rebond jusqu’à Μεγάλο Χωριό pour réaliser la randonnée dans la gorge Πάντα Βρέχει a été une réussite totale.
Le miel que nous ajoutons en ce moment à notre yaourt pour fortifier nos défenses immunitaires est le miel fabriqué par les abeilles de Βασίλης.
Ce miel fait aussi beaucoup de bien à notre santé psychique car il rappelle le merveilleux rebond jusqu'à Πάντα Βρέχει.
Nous continuons à assurer la réparation de notre psychisme par la résilience, qui est l’art de rebondir.
Tags : réparation, résilience, rebondir, amitié, Aristote, vertu, réciprocité, Μεγάλο Χωριό, Πάντα Βρέχει, Χαλκούτσι, camomille, miel
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