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L'ardeur de la fraternité toscane
Ils étaient toscans. Ils habitaient l'île d'Elbe, à Marciana Marina. Ils ont appelé leur voilier Βασίλισσα. Un Océanis 411 Clipper.
Le Βασίλισσα portait haut les couleurs de l'île d'Elbe. En effet, le sommet du mât est orné de trois pavillons. Sur le pavillon du milieu, apparaissaient trois abeilles.
C'étaient les abeilles des armoiries de l'île d'Elbe.
Le Βασίλισσα et le Zeph se sont attachés l'un à l'autre depuis 2020.
Le Βασίλισσα aimait chez le Zeph la conscience de la profondeur. Le Zeph aimait chez le Βασίλισσα l'art de la légèreté.
Cette année, le Zeph a précédé le Βασίλισσα pour aller sur l'eau.
Le Zeph se trouvait déjà à Χαλκίδα – ΧΑΛΚΙΔΑ (en français : Khalkida ou Chalcis) quand l'équipage du Βασίλισσα est arrivé à Hγουμενίτσα – HΓΟΥΜΕΝΙΤΣΑ (en français : Igoumenitsa), par le ferry qui était parti d'Ancona.
Dès qu'il a posé les pieds sur le sol grec, l'équipage du Βασίλισσα a téléphoné au Zeph pour avoir des nouvelles de celui-ci. La promptitude du Βασίλισσα témoignait de l'ardeur de son affection à l'égard du Zeph.
Ardeur printanière, enjouée, émouvante.
L'itinéraire du Βασίλισσα et celui du Zeph avaient beaucoup de simiitudes quant aux bassins de navigation et à la programmation de l'ordre des escales.
En cogitant à partir des informations émises dans le blog, le Βασίλισσα a compris qu'il pouvait retrouver le Zeph à Σύρος – ΣΥΡΟΣ (en français : Syros).
La déduction était juste. En effet, le Zeph est arrivé sur cette île seulement deux jours avant le Βασίλισσα, pour s'abriter d'un coup de vent qui pourrait atteindre la quarantaine de nœuds.
Le Βασίλισσα a tenu compte de la même alerte et a choisi la même île pour s'abriter. Il a trouvé refuge dans la baie de Φοίνικας – ΦΟΙΝΙΚΑΣ (en français : Finikas), sur le flanc Ouest de l'île. Mais à son arrivée, il n'a pas vu de Zeph. Qu'à cela ne tienne ! Dès le lendemain, il s'est mis à explorer le terrtoire insulaire, à l'aide d'une mob louée. Son objectif prioritaire était de dénicher la cachette du Zeph.
Comme le Βασίλισσα était heureux de retrouver le Zeph à Ερμούπολη – ΕΡΜΟΥΡΟΛΗ (en français : Ermoupoli), sur le flanc Est de l'île !
L'abondance et l'intensité des effusions témoignaient de l'ardeur de la fraternité qui unissait le Βασίλισσα et le Zeph.
Le Zeph était très touché que le Βασίλισσα ait mis les retrouvailles fraternelles en tout premier lieu dans l'ordre du jour.
Le hasard faisait excellemment les choses : le jour de la visite-surprise des Toscans était le jour de l'anniversaire de leur mariage.
Avec cette information de dernière minute, l'ardeur de la fraternité changeait de camp et a embrasé l'esprit du Zeph, qui a tout de suite proposé aux deux tourtereaux de la Toscane un dîner en leur honneur.
Les Toscans ont fait une pause dans leur passeggiata afin d'apporter leur contribution à la soirée festive. Voici ce qu'ils ont confié au Zeph :
Un Picpoul de Pinet, sorti en 2021 des fûts du Château de la Mirande.
Le cristal était ardent dans son désir de révéler le breuvage français, qui avait traversé l'Adriatique récemment.
Il y avait six verres. Deux pour le capitaine du Βασίλισσα et sa muse. Deux pour le capitaine de l'Hirondelle brestoise et sa fée du logis. Deux pour le Capitaine du Zeph et le mousse.
Le frère du frère est encore un frère.
À son frère toscan et à son frère brestois, le Zeph a offert la boisson dont la noble ardeur des bulles était universellement admirée et applaudie.
Six coupes emplies de fraîcheur pour savourer le lien exquis de la fraternité née en mer.
Six coupes pleines de joie pour stimuler l'ardeur de la résistance au vent qui ne tarderait pas à se déchaîner.
En effet, juste après ces belles agapes de la fraternité élargie, Éole est entré dans ses terribles délires, pour souffler jusqu'à une soixantaine de nœuds !
Nuit de stress et d'angoisse.
Puis, au lever du jour, c'était le Βασίλισσα qui a pris des nouvelles du Zeph.
On se félicitait de part et d'autre que l'on avait traversé l'épreuve du vent avec succès.
Le Βασίλισσα et le Zeph se sont revus une deuxième fois dans la baie de Δεσποτικό – ΔΕΣΠΟΤΙΚΟ (en français : Despotiko).
Voici le Zeph dans cette baie :
À l'arrière-plan de la photo, c'était le rivage de l'île nommée Αντίπαρος – ΑΝΤΙΠΑΡΟΣ (en français : Antiparos).
Entre Αντίπαρος – ΑΝΤΙΠΑΡΟΣ et le Βασίλισσα, c'était une grande histoire d'amour.
D'abord, parce que les Toscans étaient tombés amoureux du site.
Ensuite, et surtout, c'était là où ils ont fêté leur union.
C'est pourquoi le Βασίλισσα avait l'ardent désir de partager avec le Zeph, en ce lieu, un nouveau moment fabuleux, qui serait le prolongement de la fête à Ερμούπολη – ΕΡΜΟΥΡΟΛΗ.
L'ardeur du désir, c'était pour le Βασίλισσα. L'ardeur de l'intelligence, c'était avec le Zeph. Car le Capitaine de celui-ci a trouvé la solution qui enchantait tout le monde : le temple d'Apollon à Δεσποτικό – ΔΕΣΠΟΤΙΚΟ, à l'heure du coucher de soleil, offrirait le cadre idéal pour trinquer à la fraternité des deux voiliers.
Le Βασίλισσα approuvait immédiatement cette idée, qu'il trouvait géniale, et s'est proposé de fournir le breuvage de la générosité.
Voici le soleil en train de se coucher derrière les colonnes du temple d'Apollon à Δεσποτικό – ΔΕΣΠΟΤΙΚΟ :
Sur la droite de la photo, étaient visibles deux silhouettes humaines. Il s'agissait des Toscans, qui nous avaient précédés sur le site, en raison de leur ardeur à profiter du cadre somptueux.
Nous les avons trouvés dans une douce rêverie.
Avec volupté, on se laisse imprégner par la poésie des lieux.
Les capitaines ont fini par préférer Dionysos à Apollon.
Sur la façade de l'Opéra de Marseille, tout un chacun peut lire que « l'Art doit à Dionysos le Mouvement et la Vie ».
Alors, nous nous sommes levés, nous avons bougé, nous avons esquissé des pas aériens et nous avons pris place à côté des colonnes pour rendre hommage à la vie si belle :
L'ardeur de l'intelligence du Capitaine du Zeph a prévu qu'après cet apéro inspiré, des agapes réuniraient les deux équipages à bord du Βασίλισσα.
Le Βασίλισσα nous a reçus à son bord avec beaucoup d'élégance et de tendresse.
Nous avons beaucoup aimé les champignons qui étaient marinés de manière à rappeler la texture des mollusques :
L'aliment était judicieusement disposé sur une assiette qui évoquait la transparence de l'onde marine.
Bien sûr, l'incontournable était le plat de pâtes.
La texture al dente était bichonnée par des mains expertes. Quel régal !
Δεσποτικό – ΔΕΣΠΟΤΙΚΟ a enrichi la fraternité entre le Βασίλισσα et le Zeph d'un souvenir si suave !
Le Βασίλισσα et le Zeph se sont revus une troisième fois, à Ίος – ΊΟΣ͡ (en français : Ios).
L'ardeur de la fraternité était dans la serviabilité à tous moments.
Le Βασίλισσα s'émouvait à cause de la route que le Capitaine du Zeph devait faire à pied afin d'acheter une nouvelle bonbonne de gaz pour la cuisinière. Le Βασίλισσα a insisté pour que nous profitions de la mob qu'il avait louée.
Chronologiquement, le Capitaine du Zeph a d'abord effectué un premier trajet, avec les mains vides, seulement pour aller demander le prix. Au cas où le prix était raisonnable, il retounerait avec la bonbonne vide pour échanger celle-ci.
Le Βασίλισσα a rencontré le Capitaine pendant le premier trajet. Vite, le Βασίλισσα est revenu vers les bateaux, avec la ferme intention d'y prendre la recharge vide pour la ramener vers le Capitaine du Zeph.
Hélas, le mousse ne savait pas où cette bonbonne vide avait été rangée. Malgré cela, le Βασίλισσα n'a pas cessé de mettre la pression sur le mousse pour que celui-ci trouve la bonbonne vide.
C'était cette insistance du Βασίλισσα qui a révélé au mousse la grande ardeur de l'affection fraternelle que le Βασίλισσα avait à l'égard du Zeph.
Finalement, le Capitaine du Zeph est arrivé au bateau, avec l'information que les 3 kg de butagaz coûtaient 12€. Il a sorti la bonbonne vide. Soulagé, le Βασίλισσα a tout de suite proposé ses services de transporteur bénévole.
Le mousse est très ému que dans cette affaire, le Βασίλισσα soit remué jusqu'aux entrailles.
Jusqu'à l'ultime instant, l'ardeur de la fraternité a souscté en nous de très fortes émotions.
Voici une photo de l'au revoir dans le port de Ίος – ΊΟΣ͡ :
La muse du Βασίλισσα surgit de la coque en brandissant un bouquet d'aneth frais qu'elle vient d'acheter. Elle veut nous l'offrir pour nous souhaiter « bon vent ! ».
C'est l'image de la spontanéité, de l'improvisation, du risque de perdre l'équilibre sur la passerelle à cause de la précipitation.
Le geste spontané de la muse du Βασίλισσα fait venir ces mots du penseur ligure Don Andrea Gallo :
“Io vedo che, quando allargo le braccia, i muri cadono. Accoglienza vuol dire costruire dei ponti e non dei muri.”
“Je vois que lorsque j'écarte les bras, les murs tombent. L'hospitalité, c'est construire des ponts et non des murs”.
Sur la photo, la muse du Βασίλισσα se tient, avec son bras gauche, à la paroi de la poupe pour ne pas tomber. En même temps, elle brandit le bouquet d'aneth frais avec son bras droit. Ce mouvement corporel fait qu'elle est en train d' « écarter les bras », pour reprendre les termes de la citation ci-dessus.
De plus, elle s'apprête à franchir la passerelle du Βασίλισσα, qui est un « pont », toujours d'après la citation précédente.
Ce « pont » traverse un fossé d'eau, enacadré par deux « murs » : le « mur » formé par la paroi de la poupe et le « mur » formé par le quai en pierre.
En ouvrant ses bras au-dessus du « pont », la muse du Βασίλισσα fait « tomber » cdes murs, symboliquent parlant.
La citation dit que c'est une manifestation de « l'hospitalité ». Autrement dit, même au moment de partir, le Zeph continue de rester dans le cœur du Βασίλισσα.
Voici une photo de ce qui s'est passé quand la muse du Βασίλισσα a remis entre les mains du mousse le bouquet d'aneth frais :
La muse du Βασίλισσα traverse la passerelle dans l'autre sens pendant que les deux capitaines s'occupent des amarres.
À la même borne d'amrrage, qui est jaune, sont fixées une amarre du Zeph, qui est de couleur claire, et une amarre du Βασίλισσα, qui est de couleur sombre. Comme le Βασίλισσα est arrivé un jour après le Zeph, l'amarre du Βασίλισσα était posée au-dessus de celle du Zeph. Et comme le Zeph s'en va avant le Βασίλισσα, il faut à présent soulever l'amarre du Βασίλισσα pour dégager celle du Zeph. La photo montre l'amarre du Zeph qui vient d'être dégagée.
Mais le véritable intérêt de la photo n'est pas dans la liberté que vient de retrouver l'amarre du Zeph. Le véritable intérêt de la photo est dans la poition des doigts du capitaine du Βασίλισσα. Regardez avec quelle délicatesse ils accompagnent le retour à la liberté de l'amarre du Zeph. Dans cette délicatesse, il y a la tendresse de l'affection fraternelle.
L'art de dire au revoir de la part du Βασίλισσα est merveilleux.
Regardez cette troisième photo, qui a été prise peu de temps après celle des amarres :
La muse du Βασίλισσα apporte au mousse du Zeph un autre bouquet, fait de menthe fraîche.
Deuxième sursaut, deuxième offrande, deuxième aller-retour.
Quatre « ponts » traversés, huit « murs » tombés, pour reprendre les termes de la citation ligure.
Une « hospitalité » magnifiée à deux reprises.
Certes, cette troisième photo renferme implicitement cette comptabilité.
Mais ici encore, l'intérêt véritable de cette photo est ailleurs : elle est dans la silhouette de la muse. Avec sa robe, elle danse, elle vole, elle est comme un papillon.
À cette présence heureuse, le mousse associerait ces vers du plus grand poète de l'Italie :
« Non v’accorgete voi che noi siam vermi
Nati a formar l’angelica farfalla. »
(Dante Alighieri, Purgatorio)
Ne réalisez-vous pas que nous sommes des vers
Nés pour former le papillon angélique
(Dante Alighieri, Purgatoire)
Sans « l'hospitalité » manifestée en « écartant les bras », nous ne sommes que des « vers », nus et laids.
Grâce à l'ardeur de la fraternité, la muse du Βασίλισσα est comme un « papillon angélique ».
Le Zeph a pris grand soin de l'aneth et de la menthe offerts par le Βασίλισσα.
L'ardeur de la fraternité toscane lui donne un goût extrêmement savoureux.
Tags : Ardeur, fraternité, Elbe, Σύρος, Ερμούπολη, Δεσποτικό, Ίος, Don Andrea Gallo, Dante Alighieri
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