• L'ardeur de la fraternité brestoise

    Ils s'interpelaient comme des frères, se taquinaient comme des frères, se congratulaient comme des frères, s'entraidaient comme des frères, trinquaient comme des frères, s'aimaient comme des frères. L

    es voici :

    L'ardeur de la fraternité brestoise

     

    L'un d'eux était Lyonnais. C'était le Capitaine du Zeph.

    L'autre était de Brest. C'était le Capitaine du Gwennili. « Gwennili » est l'équivalent en breton de « Hirondelle ».

    Par rapport à la grammaire, « hirondelle » est un nom au féminin.

    Cependant, par rapport à la physiologie, une hirondelle peut être une femelle ou un mâle. Par conséquent, nous utiliserons l'expression « le Gwennili » avec l'article « le » au masculin pour désigner le bateau brestois, qui était un catamaran.

    Le lien de fraternité entre les deux capitaines est né d'une amarre lancée dans la marina de Ερμούπολη – ΕΡΜΟΥΠΟΛΗ (en français : Ermoupoli), en pleine tempête.

    De très gros efforts de traction étaient déployés pour contrer le vent qui empêchait le Gwennili de s'amarrer le long du quai.

    Celui qui fournissait l'aide en provenance de la terre ferme était le Capitaine du Zeph.

     

    L'ardeur de la fraternité brestoise

     

    Sur la photo, le capitaine du Gwennili était entièrement vêtu de rouge. À côté de lui, se tenait une invitée, récemment arrivée du Bosphore. Le copilote, qui était aussi le cordon bleu à bord, était la silhouette qui s'apprêtait à passer devant le mât, en allant de tribord à bâbord.

    Dès les premiers instants, l'élan fraternel se parait d'une belle ardeur. Tout de suite, le capitaine du Gwennili nous a convié à un apéro. Fièrement, il nous a offert un breuvage grec, le Μοσχοφίλερο (en français : Moskhofiléro).

     

    L'ardeur de la fraternité brestoise

     

    Pendant le séjour à Ερμούπολη – ΕΡΜΟΥΠΟΛΗ, le délicieux Μοσχοφίλερο a assisté à tous les témoignages d'affection entre les deux frères.

    L'ardeur exprimait la sincérité et la profondeur de la gratitude.

    L'ardeur était communicative : l'ardeur du premier geste engendrait celle de la réciprocité.

    Le Zeph a répondu au Gwennili, en lui offrant un apéro dès le lendemain. Toute la délégation venue du Bosphore pour saluer le Gwennili était conviée.

     

    L'ardeur de la fraternité brestoise

     

    Sur la photo, le mousse du Zeph était assis à côté du capitaine du Gwennili. En poursuivant dans le sens de rotation des aiguilles d'une montre, on trouve ensuite l'invitée qui était apparue sur la photo précédente. C'était une disciple fervente de Pythagore. À côté de la Pythagoricienne, était assise une artiste, qui était une éminente ambassadrice de l'élégance à la française. À l'angle suivant de la table, se trouvait le cordon bleu du Gwennili. C'était une âme emplie de noblesse, de générosité et de gaieté. À la place d'honneur, se trouvait le Capitaine du Zeph. L'hémicycle se terminait avec un autre disciple de Pythagore, très dévoué et plein d'égards pour autrui.

    Cette belle compagnie a offert au giron du Zeph un sublime bonheur nourri par l'universalité de la fraternité.

    Soyons équitable et rendons hommage au photographe qui a réalisé cette splendide photo. C'était aussi lui qui avait préparé les amuse-bouches de l'apéro de la veille à bord du Gwennili. Son nom était tout un monde de douceur, car il avait les sonorités de Μέλι – MEΛΙ (transcription : Méli), qui désignait le miel, en Mer Égée.

    Le surlendemain de l'amarrage du Gwennili, le Zeph a quitté Ερμούπολη – ΕΡΜΟΥΠΟΛΗ pour d'autres escapades dans l'archipel cycladique. En effet, le vent a commencé à faiblir, et il fallait que nous en profitions pour découvrir d'autres horizons égéens. À ce moment-là, nul ne savait quand le Gwennili et le Zeph se reverraient. Nul ne savait non plus ce qu'allait devenir la fraternité entre les deux capitaines. « Nul », c'est-à-dire aucun mortel. Mais quant aux divinités, elles avaient déjà leurs plans dans la tête.

    Le poète américain Edwin Markham a déclaré :

    “There is a destiny which makes us brothers ; none goes his way alone. All that we send into the lives of others comes back into our own.”

    « Il y a un destin qui fait de nous des frères ; aucun ne va son chemin seul. Tout ce que nous envoyons dans la vie des autres revient dans la nôtre. »

     

    D'après le poète américain, le lien de la fraternité porte le sceau du destin.

    Autrement dit, les divinités ont prévu que le Gwennili et le Zeph se rencontreraient à nouveau, toujours dans la même marina de Ερμούπολη – ΕΡΜΟΥΠΟΛΗ.

    Douze jours après en être parti, le Zeph y est revenu, pour s'abriter du terrible meltem.

    Entretemps, le Gwennili n'a pas du tout bougé, pour cause de travaux.

    Le jour des retrouvailles, c'était le Gwennili qui est venu à la rencontre du Zeph. Vêtue d'une robe qui avait le double éclat de l'or et de la pourpre, l'ambassadrice du Gwennili a accouru vers la poupe du Zeph en s'écriant : « C'est Pierre ? »

    L'ardeur de la fraternité s'entendait dans la voix haletante. Puis, dans les éclats de rire qui célébraient la belle surprise.

    Fidèle à sa générosité, le Gwennili nous a tout de suite invités à son bord pour entendre le récit de notre récente navigation. Il nous a reçus avec son breuvage préféré, le Μοσχοφίλερο, et des douceurs apportées du Bosphore.

     

    L'ardeur de la fraternité brestoise

     

    Il y avait quatre sortes de chocolat et des marrons glacés. Comme c'était délicieux !

    Quant à l'assiette de présentation, elle était estampillée avec le nom d'un site que le Gwennili avait affectionné au cours des précédentes navigations.

    En français, il y a l'expression : « le hasard fait bien les choses ».

    Ici, à Ερμούπολη – ΕΡΜΟΥΠΟΛΗ, il faisait même très bien les choses, puisqu'il a rallumé la flamme de la fraternité en la rendant plus ardente.

    Le Zeph se laissait volontiers porter par cette nouvelle ardeur et dès le lendemain, il a convié le Gwennili à des agapes plus solennelles.

    Le hasard mentionné ci-dessus a un nom particulier en grec : il s'appelle καιρός – ΚΑΙΡΟΣ (translittération : kairos). Le terme grec signifie deux choses. D'abord, que ce qui survient ne relève pas du pouvoir des hommes. Ensuite, que la tournure prise par les événements revêt un caractère exceptionnel. Autrement dit, le Zeph a compris que ces retrouvailles avec le Gwennili étaient un magnifique cadeau offert par les divinités, dont la clémence était loin d'être permanente.

    C'est pourquoi le Zeph s'est promptement emparé de ce καιρός – ΚΑΙΡΟΣ et l'a honoré à sa juste valeur.

    De son côté, le Gwennili se laissait aussi enflammer par la nouvelle ardeur fraternelle.

    Regardez comme il était beau et élégant quand il rendait visite à son frère d'armes :

     

    L'ardeur de la fraternité brestoise

     

    L'ardeur procurait de l'éclat à la présence fraternelle. Un éclat qui exprimait avec éloquence le bonheur de se retrouver ensemble.

    Nous avons pris l'apéro sur le pont à l'arrière du Zeph, avec le Μοσχοφίλερο chéri du Gwennili.

     

    L'ardeur de la fraternité brestoise

     

    En guise de nourriture solide, étaient servis des légumes bien al dente. D'abord, du chou-fleur. Puis, des petits pois.

    Pour le plat de résistance, nous sommes descendus dans le carré du Zeph, de peur que les aliments ne se refroidissent trop vite à l'extérieur. Était prévu du poulet rôti avec des courgettes et des poivrons. Pour accompagner ce poulet rôti, il y avait un Cru Bourgeois : un Médoc issu des fûts du Château « Granges de Civrac ».

     

    L'ardeur de la fraternité brestoise

     

    L'ardeur fraternelle acquérait des accents euphoriques grâce à ce millésime 2014.

    Le lendemain de ces agapes, il y avait, dans l'agenda du Zeph, l'anniversaire de mariage des Toscans rencontrés en 2020 à Πύλος – ΠΥΛΟΣ (en français : Pylos).

    Qu'à cela ne tienne ! Le Zeph a de nouveau invité le Gwennili à ce repas commémoratif.

    Avoir près de soi son frère d'armes deux jours de suite pour des moments festifs, c'était une très, très grande chance.

    En effet, la psychologue Astrid Alauda a déclaré :

    “There is no love like the love for a brother. There is no love like the love from a brother.”

    « Il n'y a pas d'amour comme l'amour envers un frère. Il n'y a pas d'amour comme l'amour venant d'un frère. »

     

    Avec magnificence, le Gwennili a apporté sa contribution à la fête en l'honneur des Toscans. Il est venu avec...son Μοσχοφίλερο chéri ET... ? ? Et un far breton, si savoureux !

    Voici l'instant magique du dessert :

     

    L'ardeur de la fraternité brestoise

     

    De cette œuvre d'art, il n'en restait pas une seule miette.

    À nous tous, cette fête de la fraternité a fait le plus grand bien. Car dans la nuit qui allait suivre, le meltem se déchaînerait avec ses quarante nœuds de fureur.

    Du bonheur avant l'angoisse, pour mieux dominer celle-ci. Excellente prophylaxie !

    Ainsi, la photo suivante est annoncée. La voici :

     

    L'ardeur de la fraternité brestoise

     

    Un catamaran, dont certaines amarres avaient été rompues dans la nuit par le vent en furie, menaçait d'entrer en collision avec le Gwennili. Celui-ci a appelé son frère d'armes à son secours. Il fallait tirer et tendre, dénouer et nouer, déplacer et rigidifier pour s'opposer à l'hostilité des éléments. Une lutte à quatre mains était engagée. Une stratégie élaborée par deux cerveaux synchrones était mise en place.

    Ce combat côte à côte rappelait la solidarité légendaire entre hoplites dans l'Antiquité grecque.

    La solidarité, qui était un aspect essentiel de la fraternité entre les deux capitaines, concernait les grandes choses comme les petites.

    Le Gwennili a prêté son bidon d'eau au Zeph afin que celui-ci en ait deux simultanément pour chaque transport.

     

    L'ardeur de la fraternité brestoise

     

    Chaque bidon avait une contenance de vingt litres. Celui du Gwennili était grec tandis que celui du Zeph était français.

    Le bidon du Gwennili, qui était plus trappu et qui présentait une meilleure assise, était mieux conçu pour l'empilement. C'était celui qui avait le bouchon rouge. Le bouchon du bidon du Zeph était vert.

    Dans la configuration adoptée par le Capitaine du Zeph, le bidon du Gwennili était posé sous celui du Zeph. Symboliquement, le Gwennili portait sur ses épaules son frère d'armes. Et ce, à plus d'un titre.

    D'abord, sur le plan logistique. En doublant le volume d'eau transporté à chaque trajet, le Capitaine du Zeph a réduit de moitié le nombre de trajets et la fatigue causée par les efforts de traction.

    Ensuite, sur le plan psychologique. Comme la borne d'eau se trouvait vers la sortie de la marina, du côté des bâtiments roses qui apparaissaient sur la photo, la route du ravitaillement du Zeph passait nécessairement devant l'emplacement du Gwennili, ce qui donnait lieu à d'agréables conversations, qui mettaient tout le monde de très bonne humeur, aussi bien celui qui tirait les quarante litres d'eau que ceux qui saluaient sa persévérance.

    L'espace égéen a réuni le Gwennili et le Zeph. Les effusions abondaient de part et d'autre au sujet des pans de vie antérieurs. Au cours de ces confidences chaleureuses, nous avons appris que jadis, le futur capitaine du Gwennili et son futur équipage avaient séjourné plusieurs années dans l'Empire du Milieu. De cette expérience en Extrême-Orient, ils ont ramené des sonorités linguistiques très pittoresques et un savoir-faire fabuleux pour exalter les saveurs de l'exotisme.

    En raison des origines du mousse du Zeph, la connexion culturelle était immédiate.

    De concert, le Gwennili et le Zeph ont symboliquement levé l'ancre pour voguer ensemble vers la Mer de Chine. Voyage des réminiscences. Voyage gustatif.

    Dans un premier temps, c'était le Gwennili qui dirigeait l'expédition.

    Émerveillés, nous savourions le riz et le rôti de porc préparés avec talent par le cordon bleu du Gwennili.

     

    L'ardeur de la fraternité brestoise

     

    La fraternité entre les deux capitaines avait pour corollaire l'affection entre les deux cordons bleus.

    Très heureux d'avoir fait un voyage gastronomique au pays que l'Indochine considérait comme un grand frère, le mousse du Zeph a convoqué ses souvenirs d'enfance pour offrir au Gwennili le festin de la réciprocité.

    Compétition ? Nullement !

    Tout simplement, l'ardeur, qui se nourrissait de sincérité et de dévouement.

    Voici la table dressée par le Zeph pour recevoir son frère d'armes :

     

    L'ardeur de la fraternité brestoise

     

    Plus exactement, pour dire au revoir à son frère d'armes.

    Car le Zeph pressentait que le καιρός – ΚΑΙΡΟΣ était sur le point de s'en aller. Parce que la clémence des divinités touchait à sa fin.

    Pour accompagner les rouleaux de printemps, le Zeph a servi un Médoc, produit en 2015 par le Château « La Fleur des Aubiers ».

     

    L'ardeur de la fraternité brestoise

     

    Tout ce qu'avait préparé le Zeph ce jour-là enchantait le Gwennili.

     

    L'ardeur de la fraternité brestoise

     

    L'ardeur de la fraternité rendait la vie éblouissante de bonheur.

    Dans son ouvrage « Strength to love » (en français : la Force d'aimer), Martin Luther King a proposé cette analyse du lien fraternel : « The good neighbor looks beyond the external accidents and discerns those inner qualities that make all men human and, therefore, brothers. »

    L’homme bon regarde au-delà des particularités physiques et discerne ces qualités profondes qui rendent les gens humains, et donc frères.

     

    Autrement dit, le lien fraternel vient à l'existence grâce au discernement.

    Le Gwennili avait ce discernement. Du premier coup d'œil, il a perçu les « qualités profondes » du Zeph !

    Le penseur américain précise l'origine de cette perspicacité. Il dit que c'est la personne emplie de bonté qui est capable de voir au-delà de l'apparence, pour atteindre ce qui est intrinsèque.

    En d'autres termes, c'est l'intelligence du cœur qui procure ce flair pénétrant.

    En définitive, l'ardeur de la fraternité, qui s'est manifestée dès la première amarre, était le fruit de la grande bonté du Gwennili. Comme le Zeph est heureux d'avoir un tel frère d'armes !

     


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