• Kos, berceau prestigieux d'un serment de probité

    Le serment est construit autour de la phrase centrale : « Διαιτήμασί τε χρήσομαι ἐπ´ ὠφελείῃ καμνόντων κατὰ δύναμιν καὶ κρίσιν ἐμὴν, ἐπὶ δηλήσει δὲ καὶ ἀδικίῃ εἴρξειν. »

    En français :

    Je prescrirai les régimes minceur ou fortifiant adaptés au soulagement des patients autant que le pourront ma force physique et ma capacité de réflexion ; je passerai ma vie et j'exercerai mon art dans l'innocence et la pureté.

    L’art dont il s’agit est l’art médical.

    L’innocence dont se prévaut la pratique de cet art consiste à s’abstenir d’apporter toute sorte de nuisance à autrui.

    Quant à l’autre préoccupation, qui est la pureté, elle enjoint de ne pas se souiller par une subordination à l’injustice.

    Serment qui tient en très haute estime la relation à autrui et le respect de soi-même.

    Serment de probité envers autrui mais aussi envers soi.

    L’originalité de cette démarche est d’introduire la dimension éthique dans un savoir-faire qui aurait pu n’être que technique.

    L’homme qui a inauguré ce serment était un médecin grec, qui s’appelait Ιπποκράτης – IΠΠΟΚΡΑΤΗΣ (en français : Hippocrate). Il a vu le jour à Kως – KΩΣ (en français : Kôs), qui est une île de l’archipel du Dodécanèse.

    Hippocrate partageait son savoir à l’ombre d’un arbre. L’actuelle municipalité de Kως – KΩΣ nous le rappelle.

    En effet, une élégante pancarte installée sur le bord de mer donne l’information à tout promeneur qui passe à proximité du bâtiment de la police. Voici cette pancarte, utile et coquette :

     

    Kos, berceau prestigieux d'un serment de probité

     

    Un arbre opulent apparaît au centre de la pancarte : il possède un très beau feuillage et de nombreuses racines, bien robustes. Il est encadré par deux caducées, pour montrer qu’il n’a pas qu’une fonction ornementale, mais qu’il est très intimement lié à la problématique de la guérison.

    L’inscription d’en haut est :

    HIPPOCRATES TREE.

    Elle est en anglais et signifie :

    ARBRE D’HIPPOCRATE.

    En bas de la pancarte, est visible une autre inscription. La voici :

    ΠΛΑΤΑΝOΣ ΙΠΠΟΚΡΑΤΗ.

    Elle est en grec et signifie :

    PLATANE D’HIPPOCRATE.

    L’analyse de la pancarte soulève deux questions. La première question concerne la disposition spatiale des lignes écrites. La deuxième question a trait à la signification du vocabulaire employé.

    Tout d’abord, l’arrangement spatial, qui dit la préséance. Sur les panneaux de signalisation routière, la langue grecque précède toujours la langue anglaise. Ici, avec la pancarte qui indique le chemin vers l’arbre d’Hippocrate, c’est l’ordre inverse qui s’affiche. Les services culturels de Kως – KΩΣ veulent insister sur le caractère universel de l’héritage d’Hippocrate en mettant à la première place la langue connue et pratiquée sur toute la planète.

    De plus, le « platane » grec se dépouille de ses particularités botaniques et devient, dans le texte anglais, un arbre sans spécificité, accessible à tous, facilement représentable pour tout le monde.

    Suivons la direction indiquée par la pointe stylisée et découvrons l’arbre qui aurait assisté à tous les enseignements d’Hippocrate. Voici le prétendant au statut d’arbre-témoin :

     Kos, berceau prestigieux d'un serment de probité

     

    La photo est prise à contre-jour, en regardant vers l’Est.

    L’arbre d’Hippocrate présente plusieurs ramifications. Il semble très âgé. Et très fatigué aussi. D’où la nécessité d’un imposant échafaudage métallique pour le soutenir.

    Sur la droite de la photo, le bâtiment éclairé par la lumière du soleil qui vient de se lever est la mosquée  غازي حسن باشا (en français : Gâzi Hassan Pacha). Son minaret, qui se trouve encore plus à droite, donc hors champ, a été endommagé par un séisme survenu en 1993 et demeure encore sous la protection d’un échafaudage.

    Seulement quelques mètres séparent les deux échafaudages : celui de l’arbre d’Hippocrate et celui de la mosquée  غازي حسن باشا . Qui voit l’un sait que l’autre est juste à côté.

    Sur la photo, entre l’arbre d’Hippocrate et la mosquée  غازي حسن باشا , apparaît un palmier. Celui-ci appartient à un espace primordial de la cité antique : il s’agit de l’agora, point de convergence de tous les flux sociaux, pour des intérêts économiques, culturels ou politiques.

    Donc, de l’arbre d’Hippocrate, on voit l’agora. Par conséquent, de l’agora, on peut aussi discerner l’emplacement de l’arbre d’Hippocrate. En voici la preuve :

     Kos, berceau prestigieux d'un serment de probité

     

    Le palmier identifié précédemment se démultiplie allègrement pour créer un décor propre à l’Orient. Au premier plan, s’éparpillent les blocs du marbre qui a assisté aux échanges tumultueux de la place la plus animée de la cité antique. À partir de cette prestigieuse agora, on voit aisément un minaret sous échafaudage. C’est celui de la mosquée  غازي حسن باشا ! Et au même endroit, se trouve donc l’arbre sous lequel Hippocrate donnait ses cours. Physiquement, le lieu de l’enseignement de l’art médical se trouvait à portée de vue du centre névralgique de Kως – KΩΣ. Inversement, toute personne vaquant aux affaires de la terre nourricière pouvait hisser son esprit jusqu’aux sphères supérieures du savoir en se dirigeant vers l’arbre d’Hippocrate, dont l’emplacement était facilement discernable.

    La même visibilité s’offrait aux personnes qui venaient de la mer. Voici une vue sur la cité antique, à l’heure où le soleil se couche :

     

    Kos, berceau prestigieux d'un serment de probité

     

    La photo a été prise depuis là où le Zeph était amarré, c’est-à-dire depuis la mer.

    On reconnaît sans aucune difficulté le minaret sous échafaudage, qui est celui de la mosquée  غازي حسن باشا . Là où s’élevait le minaret, se dressait aussi l’arbre d’Hippocrate.

    La topographie montre deux choses. D’abord, l’arbre qui symbolise la transmission de l’art médical et qui évoque le serment de probité domine, au sens propre comme au sens figuré, les routes maritimes ainsi que les carrefours terrestres. Ensuite, cette place en hauteur s’accompagne d’une ouverture à 360°, sur tous les points cardinaux.

    Autrement dit, la topographie illustre le caractère universel de l’héritage du Grec qui a inauguré le serment de probité.

    Il existe un vif débat pour savoir si le platane qui se trouve actuellement à côté du minaret de la mosquée  غازي حسن باشا est bien celui des origines. Ce débat est vain, car l’enjeu n’est pas dans la longévité de la sève de l’arbre, mais dans le bonus d’ordre éthique qu’apporte le serment à l’art médical.

    Sur la rive Sud de la Méditerranée, à عنابة (en français : Annaba), les futurs médecins connaissent très bien la phrase centrale du serment de probité. La voici dans leur langue maternelle :

    وأقصد في جميع التدابير بقدر طاقتي منفعة المرضى

    وأما الأشياء التي تضرب بهم وتدني منهم بالجور عليهم فأمتنع بها بحسب رأيي

    À عنابة , avant d’exercer leur fonction, les médecins prêtent serment en suivant le modèle laissé par Hippocrate, sans se soucier de la longévité du platane d’origine.

    Il en est de même là-bas, au bord de la Mer de Chine. Exactement : au Viet Nam. Les médecins vietnamiens connaissent, eux aussi, la phrase centrale du serment de probité, qui est, en vietnamien :

    « Tôi sẽ chỉ dẫn mọi chế độ có lợi cho người bệnh tùy theo khả năng và sự phán đoán của tôi, tôi sẽ tránh mọi điều xấu và bất công. »

    Tout comme leurs collègues à عنابة en Algérie, ils prêtent serment en empruntant le sillage laissé par Hippocrate, sans polémiquer sur l’origine du platane sous échafaudage.

    Bien que ce soient les médecins en Occident qui appellent Hippocrate « père de la médecine », la pensée hippocratique possède une gloire internationale.

    L’actuelle municipalité de Kως – KΩΣ œuvre de toutes ses forces dans ce sens.

    Face au quai qui reçoit avec liesse les bateaux d’excursions, elle a fait ériger un mémorial en l’honneur de son fils le plus illustre. Voici la sculpture commémorative :

     

    Kos, berceau prestigieux d'un serment de probité

     

    On y voit Hippocrate en train d’enseigner. À ciel ouvert. C’est-à-dire à l’ombre d’aucun arbre. Les arbres visibles sur la photo ne font pas partie de la sculpture. Autrement dit, la question de la longévité du platane d’origine est secondaire et futile, absolument secondaire et tout à fait futile !

    Hippocrate apparaît au centre du groupe de personnages sculptés. Il est assis, torse nu.

    Près de son bras droit, se tient son assistant, qui est un jeune homme. Celui-ci est debout, avec une allure hiératique, presque à la manière égyptienne. C’est le reflet de l’obéissance, du dévouement et de la vénération.

     

    Kos, berceau prestigieux d'un serment de probité

     

    Le jeune assistant a dans sa main gauche un bol destiné à recueillir l’argent de la générosité qui émanera du public. Sur son avant-bras droit, pend une étoffe, prévue pour les soins du corps de son Maître.

    Le public est symbolisé par le jeune homme qui est assis aux pieds d’Hippocrate et qui montre son profil droit quand le groupe de personnages est regardé de face, c’est-à-dire quand le visiteur tourne le dos à la mer.

    Si celui-ci se déplace un peu plus vers l’Ouest, il obtient chez le jeune étudiant un visage de trois quarts, toujours du côté droit.

     

    Kos, berceau prestigieux d'un serment de probité

     

    Là, tout de suite, un détail surprend : le jeune étudiant, qui a pourtant les yeux ouverts, ne regarde nullement son Maître, ni le visage solennel de celui-ci, ni la main gauche qui relève l’index, ni la main droite qui tient un parchemin enroulé. Indubitablement, l’attention de l’étudiant est profonde ; cependant elle se manifeste non par la vue, mais par l’ouïe. C’est l’oreille et non le regard qui capte l’enseignement, intégralement, intensément.

    Quand un locuteur rétorque avec véhémence : « J’entends bien ! », il ne mentionne pas sa faculté auditive, mais l’attention que son esprit vient d’accorder au message perçu.

    De la même façon, chez les Anciens, l’attention et l’obéissance transitaient prioritairement par la voie auditive.

    Dans le cas présent, l’artiste s’est montré fidèle à la façon de faire des Anciens.

    Bien que le cadrage de la photo ci-dessus exhibe le rôle majeur de l’ouïe, l’intérêt visuel n’a pas complètement déserté le devant de la scène. En effet, l’un des pôles attractifs est constitué par l’index de la main gauche d’Hippocrate. L’index est levé pour souligner un point important du discours. Il est légèrement incurvé, pour exprimer la douceur du ton et inciter à la prudence dans le jugement.

    Ce doigt de l’instruction et de la sagesse est imité par un index qui apparaît sur la droite de la photo et qui appartient à une main plus jeune. Il s’agit de la main droite d’un enfant. Voici le mouvement général auquel participe la main droite de l’enfant :

     

    Kos, berceau prestigieux d'un serment de probité

     

    La cambrure du jeune corps traduit le magnétisme exercé par la présence de l’Aîné.

    Si la causalité de l’attitude de l’enfant est constituée par l’irrésistibilité de l’attraction, la modalité de cette attitude emploie le langage de la chorégraphie. En effet, le jeune corps donne l’impression qu’il va prendre son envol en exécutant une pirouette ascensionnelle.

    Les bras maternels, toujours prévoyants, sont là pour empêcher la perte d’équilibre.

    Ce spectacle contient une leçon : la méthode hippocratique propulse le corps sur le chemin de la légèreté.

    Pour apprécier pleinement la figure de danse présentée par l’enfant, contemplons-la sous un autre angle. Supposons que l’étudiant assis regarde en direction de l’enfant. Que verrait l’étudiant ? Ceci :

     

    Kos, berceau prestigieux d'un serment de probité

     

    Les deux bras arrondis de l’enfant forment une couronne, qui coifferait l’ensemble des deux mains d’Hippocrate. Hommage spontané, instinctif.

    Cette nouvelle perspective révèle chez l’enfant un visage empli de fascination.

    Changeons encore de perspective et regardons depuis le diaphragme maternel l’attitude de l’enfant. Voici ce que nous pourrions voir :

     

    Kos, berceau prestigieux d'un serment de probité

     

    L’avant-bras de l’enfant plonge en direction de l’avant-bras de l’Aîné.

    Au même moment, la jeune main ressemble à un grappin bien déterminé à ne pas rater sa cible.

    La chorégraphie de l’enfant est porteuse d’un message. Elle dit que la sagesse hippocratique ne rend pas la vie austère, mais gaie et dansante.

    L’analyse de l’attitude de l’enfant a commencé par la constatation d’un parallélisme entre deux index levés.

    Il existe un autre parallélisme entre les deux corps. Voici ce deuxième parallélisme :

     

    Kos, berceau prestigieux d'un serment de probité

     

    Le bras gauche de l’enfant est parallèle à l’avant-bras gauche de l’Aîné.

    La photo montre que l’œil gauche maternel est grand ouvert. Mais celui-ci ne s’intéresse pas du tout à ce deuxième parallélisme. Le regard maternel l’enjambe sans scrupule et se dirige avec gravité vers un endroit situé plus loin et plus bas.

    Quel est le point de mire du regard maternel ?

    Voici ce qui est visé par les yeux écarquillés de la mère :

     

    Kos, berceau prestigieux d'un serment de probité

     

    Tout le visage maternel est absorbé par la vision du parchemin enroulé, que tient Hippocrate dans sa main droite.

    La conscience maternelle s’intéresse vivement à ce qui ne s’envole pas avec le temps, c’est-à-dire à la parole écrite.

    Parmi les écrits légués par Hippocrate, il y a le recueil consacré aux Aφορισμοί (en français : Aphorismes). Un aphorisme est une proposition résumant à l'aide de mots peu nombreux, mais significatifs et faciles à mémoriser, l'essentiel d'une théorie, d'une doctrine, d'une question scientifique.

    L’un des aphorismes les plus célèbres d’Hippocrate est :

    Φάρμακό σας ας γίνει η τροφή σας και η τροφή σας ας γίνει φάρμακό σας.

     

    En français :

    Que votre médicament soit votre nourriture et que votre nourriture soit votre médicament.

     

    Hippocrate prescrit que l’on se soigne par l’alimentation. Pour le « père de la médecine moderne », la guérison passe par l’équilibre du régime alimentaire.

    Voilà, la boucle est bouclée. Car le premier mot de la phrase centrale du serment de probité, citée dès le début de cet article, est le verbe Διαιτήμασί, qui se réfère au régime alimentaire.

    Disciples zélés d’Hippocrate, nous avons honoré la mémoire du Maître en faisant mijoter de l’agneau au wok, à petit feu, pour avoir une cuisson tout en douceur, pendant que cet article était en cours d’écriture. Nous avons veillé à l’équilibre des apports nutritionnels en prenant soin d’accompagner la viande du terroir par une variété de légumes frais :

     

    Kos, berceau prestigieux d'un serment de probité

     

    Équilibre des nutriments, mais aussi des saveurs.

    Toujours en suivant les conseils d’Hippocrate, nous avons convoqué dans la même cuisson la douceur des carottes, l’acidité des tomates, le goût piquant des poivrons, l’amertume du laurier.

    Autre élément qui entre en jeu dans le régime hippocratique : le vin. Voici l’aphorisme du Maître à ce sujet :

    Το κρασί, αν χρησιμοποιηθεί κατάλληλα και με μέτρο, ανάλογα με τον άνθρωπο, είναι άριστο τόσο για την υγεία, όσο και για την αρρώστια.

     

    En français :

    Le vin, s'il est utilisé de manière appropriée et avec modération, selon la personne, est excellent pour la santé et la maladie.

     

    La parole du Maître est pleine de nuances. Tout doit être en harmonie avec la constitution physique de l’individu.

    Donc, pour nous, pour notre propre cas, pour notre univers gustatif marqué du sceau de l’éclectisme, un Haut-Médoc, sorti en 2005 des fûts du Château Verdigan, sied à merveille pour réaliser l’accord mets-vin qui honore la pensée hippocratique :

     

    Kos, berceau prestigieux d'un serment de probité

     

    Nous savourons les dix-sept ans d’âge du breuvage bordelais, comme nous nous délectons de l’enseignement transmis à travers le serment de probité.

    Dans la langue antique, le verbe Διαιτήμασί rappelé ci-dessus se réfère aussi à un mode de vie. Autrement dit, la préoccupation diététique préconisée par l’Art médical d’Hippocrate est une hygiène révélatrice d’une conception de la vie.

    Nous adhérons complètement à cette façon de voir et nous nous réjouissons de pouvoir la mettre en pratique en toutes circonstances.

     

    Kos, berceau prestigieux d'un serment de probité

     

    Kως – KΩΣ , berceau prestigieux d’un serment de probité, a justifié la manière d’être du Zeph. Jusque-là instinctive, elle possède désormais un fondement philosophique fourni par la pensée hippocratique.

    Le séjour à Kως – KΩΣ a été un très grand καιρός – KAIPOΣ.


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  • Commentaires

    1
    Hanabi
    Dimanche 25 Septembre 2022 à 19:59

    Merci d'avoir partagé avec nous cette vision universelle du serment d'Hippocrate. L'article est passionnant et instructif.  Les photos, comme toujours, très belles. Mais comment faites vous pour avoir tant de bouteilles d'excellent cru à bord ? Vous les transportez dans votre petite auto depuis la France, ou bien avez-vous une remorque réservée à cet effet ?



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