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Joseph et Joshua
"Mon cœur battait la chamade. Dans l'air vif, mon pas sur le pont était léger. Je sentais qu'il n'y aurait pas de retour et que je m'engageais dans une aventure dont je comprenais parfaitement le sens. J'avais sollicité peu d'avis extérieurs, car je m'accordais le droit d'avoir mes propres opinions dans tout ce qui concernait la mer".
40 miles de plus pour gagner le port de GAETA. Au départ, par vent de travers, dans les sur-ventes, le bateau frôle les 9,3 nœuds !... Le pilote automatique gère bien le vent. Je n'ai pas grand chose à faire... Hisser les voiles en quittant le port et les affaler à l'arrivée. C'est tout. Entre ces 2 événements, il se passe plusieurs heures, des dizaines parfois, ou je me contente de surveiller la marche du bateau, et encore, quand je ne dors pas, quand je ne lis pas, quand je n'écoute pas de la musique, quand je ne cuisine pas, ...
Je regarde la mer, jusqu'à m'en hypnotiser. Je regarde mon sillage comme le marcheur en montagne, l'hiver, regarde les traces qu'il laisse dans la neige.
"Pendant les quelques jours qui suivirent, le vent souffla bon frais, et la mer, bien que très houleuse, n'était ni trop mauvaise ni trop dangereuse. Assis dans la cabine, je la sentais à peine, tant les mouvements longs et balancés de mon sloop étaient doux. N'étant plus dérangé par des événements extérieurs, je me retrouvais à nouveau seul avec moi-même, sur la mer immense, dans la main des éléments".
A bientôt.
Tags : mer, vent, port, conrad, slocum, procida, croisière, voilier, bateau
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Commentaires
Pourquoi " Joseph et Joshua " ?
Joshua, c'est toutes les sonorités hébraïques d'origine pour dire " Dieu sauvera " :
יהושוע. De même, pour Joseph, qui signifie " Dieu ajoutera " : יוסף. Nous voilà revenus dans l'univers du chandelier à sept branches ! Hasard ou déterminisme ?
Joseph était le premier des deux fils que Rachel a donnés à Jacob, lequel Jacob a eu la hanche déboîtée parce qu'il avait lutté dans un corps à corps avec l'ange pendant toute une nuit.
Vendu par ses frères, Joseph leur a finalement pardonné : c'est la figure prophétique du Messie de miséricorde.
Puis grâce à ses talents divinatoires, Joseph a gagné l'estime et la confiance de Pharaon pour devenir son premier ministre : c'est la figure prophétique du Messie de gloire.
Le Messie de miséricorde est venu il y a vingt-et-un siècles. Il a promis à ses disciples de revenir sous la forme du Messie de gloire.
Quant à Joshua, brillant lieutenant de Moïse, c'est lui qui a ramené aux enfants d’Israël, la fameuse grappe de raisin qu'il fallait porter à deux, lui et Caleb. Témoignage spectaculaire de la fertilité et de la richesse de la Terre Promise. Mais Moïse n'aura pas l'autorisation de traverser le Jourdain pour entrer en Terre Promise. C'est Joshua qui le remplacera pour conduire les douze tribus et veiller au transport de l'arche de l'alliance et du chandelier à sept branches.
Joshua est une autre figure prophétique du Messie de gloire, qui conduira sa congrégation dans le Millénium dont parle Saint Jean l'évangéliste.
" Joshua " , en hébreu, donne " Jésus ", en français, en préservant les trois consonnes de la racine trilitère ישע , qui signifie "sauver".
Capitaine, il y a entre les gestes et les mots - les gestes de Salerno et les mots de Gaeta - comme un fil conducteur qui te ramène invariablement vers un foyer de la Méditerranée orientale !
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Lundi 25 Janvier 2016 à 11:57
Pourquoi Joseph et Joshua? Parce que en ce moment je lis du Joshua SLOCUM qui fait référence à Joseph CONRAD, dont j'aimerais bien me procurer un exemplaire de son livre "Le miroir de la mer"...
Voilà pourquoi !
A bientôt.
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3VirgMercredi 27 Janvier 2016 à 12:02
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Gaeta vient du grec Καιέτα – ΚΑΙΕΤΑ , qui était le nom de la nourrice d’Énée. Elle faisait partie du groupe de Troyens qui ont pu fuir la cité en flammes. A la tête de ce groupe de fugitifs, se trouvait le prince Énée, à qui la prophétie promettait une revanche sous la forme d'une renaissance en Italie.
L'épisode de la fuite est célèbre par la description d’Énée portant, sur son dos, son père Anchise, aveugle et paralysé. Image émouvante de la piété filiale. Assiste-t-on, à l'époque moderne, à de telles démonstrations d'attachement et de sacrifice ?
Mais Anchise ne verra pas la fondation de la nouvelle Troie sur le sol de l'Italie. Il meurt à l'orée du territoire promis, vers la pointe sud-ouest de la péninsule, non pas sur le rivage du continent, mais tout près, en Sicile !
La nourrice, elle, atteint réellement le rivage du continent. Elle meurt en touchant le site qui verra s'élever la Ville éternelle. C'est l'amarre qui a fini de servir : usée par sept ans d'infortune et d'inconfort en mer, elle sombre dans le sillage de la navigation, mais pas dans la mémoire des colons. Καιέτα – ΚΑΙΕΤΑ , la nourrice, c'était le cordon ombilical entre les rives de l'Hellespont et celles du Tibre. Dans l’Énéide, Virgile rapporte l'oraison funèbre prononcée par Énée :
Tu quoque litoribus nostris, Aeneia nutrix,
aeternam moriens famam, Caieta, dedisti ;
et nunc seruat honos sedem tuus ossaque nomen
Hesperia in magna, siqua est ea gloria, signat.
Toi aussi, Caiète, nourrice d’Énée, par ta mort
tu as donné à nos rivages une gloire éternelle ; et maintenant,
ton honneur se perpétue et ton nom, dans la grande Hespérie,
si cette gloire importe quelque peu, signale le lieu où reposent tes os.
( Livre VII, vers 1 à 4 )
A Καιέτα – ΚΑΙΕΤΑ , la nourrice, il a été donné de voir la prophétie se réaliser, davantage qu'à Ἀγχίσης – ΑΓΧΙΣΗΣ , le père.
Valorisation du lait qui a nourri et assuré la survie, de la figure de la mère, non pas de l'être, mais de la fonction. De même, Énée comptera dans sa descendance Romulus et Rémus, qui seront nourris par un lait de substitution pour accomplir leur destin de fondateurs de Rome.
Les Anciens ne concevaient pas la navigation comme une fin en soi. Pour eux, ce n'était qu'une manière d'écrire leur itinéraire sur le livre de la vie, avec le souci constant de la filiation et du respect de l'héritage éthique.
Les navigateurs de l'Antiquité emmenaient sur leurs navires l'histoire intergénérationnelle, et la figure de la mère et du père les accompagnait jusqu'au bout de leurs forces. Les embruns n'avaient pas pour rôle de faire oublier le lien social : au contraire, ils le renforçaient.
La croisière, c'est l'étourdissement et l'oubli. La navigation, c'est la mémoire et le souvenir.
Ben dis donc ! Du texte, de l'histoire, du latin et du grec, des couleurs, des photos ! C'est un blog dans le blog ! Très original.