• De quel retour s’agit-il ?

    Du retour à Port Napoléon ? Stratégiquement, diplomatiquement et financièrement, il est hors de question d’envisager un tel retour !

    De quel retour parlons-nous alors ?

    Du retour de l’accalmie.

    Car le Zeph a subi l’humeur très maussade du Bec de l’Aigle dès le premier jour, c’est-à-dire avant-hier, et aussi le jour suivant, c’est-à-dire hier. Le ciel était gris, encombré et bas. Le vent fort était incessant. Il pleuvait même.

    Le retour à une météo clémente était plus qu’un vœu : c’était un besoin urgent.

    Le Zeph sait que « la navigation n’est pas un plaisir, mais une épreuve. »

    Cependant, entre prendre conscience de l’épreuve et la subir, il y a une très grosse différence.

    Donc, hier après-midi, tout était en berne : les étendards, les oriflammes, et aussi le moral de ceux qui étaient sur l’eau ou sur la terre ferme.

    Et au milieu de cette morosité prégnante, le mauvais sort a frappé : le quai dit « quai d’honneur » a été privé d’électricité à partir du milieu de l’après-midi.

    Incident sans doute banal en d’autres circonstances.

    Mais pour le Zeph, c’était trop. Ses derniers jours à Port Napoléon ont été pollués par des coupures d’électricité aléatoires, mais extrêmement fréquentes, à cause du manque de civisme. Et voilà que le même scénario semblait refaire son apparition.

    Ceux qui étaient là, au « quai d’honneur », avant le Zeph, se targuaient de leur ancienneté, mais se montraient lamentablement incompétents pour remettre l’électricité collective en marche.

    Tout le monde se résignait. Non, tout le monde faisait le mort, avec l’obscurité si désagréable, chargée d’humidité et de malveillance.

    Quand nous nous sommes réveillés ce matin, sous trois épaisseurs de couette, l’électricité était rétablie par la capitainerie, qui a expliqué la panne par une surconsommation des plaisanciers en matière de chauffage.

    Discours convenu. Rhétorique indigente.

    « Surconsommation », nous a-t-on dit ! « En matière de chauffage », s’est-on plu à préciser, comme si une tentative supplémentaire d’explication donnait plus de véracité à la première.

    Ineptie ! Pure ineptie ! Double ineptie même !

    Ah bon ?

    En effet, à partir de 16h hier, jusqu’à ce matin, personne au « quai d’honneur » n’avait d’électricité. Or, à 21h hier, le giron du Zeph abritait encore 18 degrés Celsius. Donc à 16h, personne n’a encore mis le chauffage.

    De plus, le quai n’était pas plein.

     

    La promptitude du retour

     

    Donc il ne pouvait pas y avoir sollicitation abusive de l’énergie électrique. Objectivement, la consommation précédant la panne était bien au-dessous, et non au-dessus, des prévisions des concepteurs du quai.

    Ceux-ci avaient pourtant installé plusieurs bornes, comme pour mieux cerner les responsabilités individuelles en cas de défaillances.

    Le Zeph est amarré à l’extrémité orientale du « quai d’honneur ».

     

    La promptitude du retour

     

    Le premier soir, il n’avait personne à tribord. C’était donc lui qui se trouvait le plus à l’Est. À bâbord, il y avait un Océanis de 36 pieds, baptisé « Soledad ».

    Le deuxième jour, en début d’après-midi, un Wauquiez de 38 pieds, baptisé « La petite Orion » est venu s’amarrer en catastrophe à tribord du Zeph.

     

    La promptitude du retour

     

    À partir de ce moment-là, le Wauquiez était le bateau qui se retrouvait le plus à L’Est.

    Le Wauquiez était le seul plaisancier à se brancher à sa borne électrique.

     

    La promptitude du retour

     

    Le fil du Wauquiez était noir, avec un adaptateur bleu. À gauche, le fil qui sortait de l’embout blanc était coupé et n’allait nulle part.

    Le Zeph et le Soledad étaient branchés ensemble à une autre borne. Le fil du Zeph était jaune. Celui du Soledad était orange. Le fil blanc allait à un bateau encore plus à l’Ouest, séparé du Soledad par une coque sans branchement électrique.

     

    La promptitude du retour

     

    L’intention d’individualiser les responsabilités était manifeste. En dépit de cela, tout le « quai d’honneur » a été privé d’électricité en fin d’après-midi, pendant toute la soirée et pendant toute la nuit, sans aucune possibilité de localiser avec précision le départ de la panne.

    La rhétorique de la capitainerie a mis tout le monde dans le même sac, sans discernement et sans souci d’équité. L’explication officielle était bancale à cause du caractère collectif de l’accusation. Elle l’était encore, parce qu’elle montrait du doigt un besoin de chaleur, absolument fictif, parce que ce jour-là, à 16h, la température dans les bateaux avoisinait les vingt degrés Celsius.

    Le comble, c’était qu’aucun dispositif de dépannage n’avait été prévu en dehors des heures d’ouverture de la capitainerie.

    Financièrement, nous avons payé hier pour un service qui n’a pas été rendu.

    La promptitude du retour de l’embellie était illusoire. De plus, elle a été polluée par un comportement humain dont les défaillances dévoilaient le manque de rigueur et de probité.

    Les contrariétés causées par les humains sont plus difficiles à supporter que les désagréments provoqués par les éléments.

    Dans quelle mer faudrait-il naviguer pour échapper à la sottise et à la fausseté ?

     

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