• La promptitude de l'indignation

    La promptitude de l'indignation

     

    Imperia, sur le chemin de Porto Maurizio à Oneglia, juste avant de traverser le torrente Impero, il y a trois jours. Cadre idyllique, aménagé par la municipalité pour profiter du front de mer : beaucoup d’arbres pour la fraîcheur de l’ombre, des bancs publics pour le confort de la position assise, des jeux d’enfants pour le bonheur des familles.

    L’indignation a choisi ce contexte spatial dédié à la cellule familiale pour s’exprimer sans retenue, en criant : « La violenza sulle donne avvelena il mondo ».

     

    La promptitude de l'indignation

     

    « La violence sur les femmes empoisonne le monde ».

    La phrase italienne ne dit pas que seules les victimes des violences sont touchées par l’empoisonnement. Celui-ci n’épargne nullement les auteurs de ces violences, et finalement toute la communauté en est gangrenée. Le « monde », qui s’en trouve empoisonné, n’est pas que la famille humaine, mais tout le cosmos ! Quelle terrible dévastation ! D’où la promptitude de l’indignation.

    Le verbe « avvelenare » est construit à partir du nom « veleno », qui désigne le poison.

    Littéralement, « avvelenare », c’est introduire du poison. Ce qui signifie que celui-ci était, initialement, complètement étranger à l’organisme. Autrement dit, la « violenza » dénoncée ne faisait absolument pas partie du corps social, initialement. La violence n’est pas une donnée innée de la famille humaine.

    L’auteur milanais Manzoni associait le mot « veleno » avec deux autres dans sa phrase : « Ogni passo che fanno nell’andito, senton crescere un tanfo, un veleno, una peste, che li respinge indietro ».

    « À chaque pas qu’ils font dans le vestibule, ils sentent monter une puanteur, un poison, une peste qui les repoussent en arrière ».

    Pour l’auteur milanais, et pour nous tous, le poison a une odeur nauséabonde, qui le caractérise, l’annonce et le dénonce. De même, la violence dégage une odeur putride qui est reconnaissable de très loin.

    Dans le trio infernal « tanfo, veleno, peste » – « puanteur, poison, peste », c’est la peste qui détient la position finale. Autrement dit, le poison peut être mortel. Et son action nocive, irrémédiable. De même, la violence peut laisser des séquelles dont on ne se relèverait pas du tout, dont on mourrait, à brève échéance ou à longue échéance.

    D’où la promptitude à proclamer l'obligation pour une moitié de l’humanité de respecter l'autre moitié, la deuxième moitié étant celle qui porte dans sa chair l’espérance de la fécondité et de la naissance.

    Indignation sur fond rouge. Le rouge vif de la coquetterie, du désir et de l'amour sur les lèvres.

    Savona, avant-hier soir. Promptitude de l’indignation, sous forme de bouillonnement polychrome, sur les parois d’un tunnel.

     

    La promptitude de l'indignation

     

    La première vision débouchait sur des cours intérieures, d’où partaient d’autres tunnels.

    Grouillement souterrain qui disait le refus de l’absurdité, la révolte contre l’injustice du sort.

    Si l’on empruntait le même tunnel, dans l’autre sens, qu’est-ce qui apparaîtrait dans la lucarne de lumière ? Un édifice religieux, avec les silhouettes de quatre saints, qui encadraient le portail central.

     

    La promptitude de l'indignation

     

    À gauche il y avait Sainte Thérèse et Saint Joseph. À droite, il y avait Saint Pierre et Saint Jean.

     

    La promptitude de l'indignation

     

    Et encore un peu plus à droite, il y avait le linge tout propre et tout blanc, qui pendait dehors, aux fenêtres. Avec ce sens du parcours, faudrait-il comprendre qu’un jour, la misère économique, sociale et affective déboucherait sur un peu de quiétude, accompagnée par un confort physique décent ?

    Un parcours dans l’autre direction, lui, correspondrait à une descente aux Enfers !

    Dans quelle dynamique se trouvait le visiteur à cet instant ?

    Genova, passeggiata d’hier soir. On rentrait au port en sortant par la Porta dei Vacca, après avoir emprunté la Via delle Fontane qui descendait de la Basilica della Santissima Annunziata del Vastato. Sur le trottoir de droite, on s’est retrouvé nez à nez avec le slogan : « Lo chiamano lavoro, ma è sfruttamento ».

     

    La promptitude de l'indignation

     

    « Ils l’appellent travail, mais c’est de l’exploitation »

    L’effort n’était pas mis en cause, mais son contexte. L’indignation visait l’intention qui était en amont, et la destination qui était en aval.

    Le slogan était écrit sur le mur extérieur d’un établissement d’enseignement supérieur.

    Pour plus de lisibilité, un fond blanc avait été apposé sur le mur ocre avant de former les lettres bleu vert.

    La promptitude de l’indignation a fait que les lettres ont débordé du cadre blanc. Mais le message restait très clair et percutant. Considérait-il que la formation donnée de l’autre côté du mur était un endoctrinement ?

    À l’orée de l’an neuf, il a été donné à l’esprit du Zeph de rencontrer dans la demeure des anges du Languedoc deux formidables exemples de la promptitude de l’indignation.

    Chronologiquement, la première promptitude de l’indignation est née sur la rive Sud de la Méditerranée, il y a un demi-siècle. Elle était alors incarnée par une jeune lycéenne qui s’indignait que des peuples, d’où qu’ils soient, n’aient pas le droit de disposer d’eux-mêmes.

    Promptitude d’une conscience politique, qui a valu à la jeune fille d’alors le bannissement paternel.

    Quand le capitaine s’adressait à cette âme entière et fougueuse, il utilisait un surnom affectueux, qui était « Talia ». Pour cette femme qui portait encore très haut l’étendard de son indignation, le mousse employait le titre de « Pharaonne », parce que son compagnon de vie portait le nom d’un souverain de la VIè dynastie de l’ancienne Égypte.

    Regardez bien les yeux de la « Pharaonne ».

     

    La promptitude de l'indignation

     

    On y voit encore la lumière vive de l’indignation suscitée par un désir intense de justice. C’est aussi l’éclat d’un être très entier et extrêmement partageur.

    Autre exemple fascinant de la promptitude de l’indignation, chez les anges du Languedoc, deux générations après. Son prénom venait du grec Χλόη – ΧΛΟΗ, qui signifie “jeune pousse”. C’était un ange blond, d’une blondeur sublime. Mais plus sublime encore que la blondeur de sa chevelure, était la pureté de son cœur. L’ange blond ne supportait pas que des hôtesses de caisse soient “ennuyées” par des clients qui pinaillaient sur leurs remises de quelques sous. Le mousse utilise des guillemets pour “ennuyées” car il emploie le mot au sens fort du XVIIè siècle français. L’homme de la rue, au XXIè siècle, aurait tout simplement dit “emmerdées”.

    L’ange blond était indigné par le peu d’égards manifesté à des personnes moins chanceuses économiquement et socialement.

    L’indignation, prompte parce sincère, durable parce que profonde, faisait que l’ange blond préférait subir une diminution de son propre avoir plutôt que d’aggraver la dégradation de la dignité de l’autre.

    Chez l’ange blond, la promptitude de l’indignation était celle d’une noblesse d’âme.

    Cet ange blond, prompt à s’indigner pour protéger la dignité humaine, a laissé un portrait culinaire très original. Le vin blanc était son breuvage préféré.

     

    La promptitude de l'indignation

     

    Le piment de la sauce qui accompagnait les raviolis chinois avait sa bénédiction.

    La chronique du Zeph n’a pas l’intention de faire rêver.

    Si les divinités ont généreusement désillé l’œil du Zeph, c’est pour que celui-ci partage sans restriction toutes ses expériences du réel.

    La beauté réside aussi dans l’authenticité sans fard et sans fausseté.

    La promptitude de l’indignation fait partie de cette authenticité.

    Pin It

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :