Pour Minh !

28 Avril 2016

J'ai trouvé ça dans une église à CROTONE. Comme des moucharabieh perchés dans les arcades de la voûte.

Peut-être saura t'il nous expliquer ce que cela signifie. C'est la première fois que je vois une telle disposition.

Pour Minh !

Bon, attention, ce n'est pas comme la dédicace à ZAZA. Là, on est dans le sérieux. Dans le divin. Dans le j'y comprend rien, mais je fais des efforts ! Ça vaut bien un demi point en plus, non ?

L'ouzo n'est bon qu'à partir du second verre !

Tag(s) : #voyage initiatique 2015-2016

Dédicace pour ZAZA !

Pour Fifi !

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19/05/2016 00:22

Moucharabieh s'écrit en arabe : ﻣﺸﺮﺑﻴﮫ On reconnaît les trois consonnes qui forment la racine trilitère ﺸﺮﺐ du verbe "boire". C'est à l'ombre des moucharabiehs que l'Orient déguste le thé. L'Orient fuit la lumière crue. L'Orient vit, agit et séduit à l'ombre. Les orifices restés béants à travers les moucharabiehs ont pour fonction d'accélérer le flux de l'air qui vient de faire le plein de fraîcheur en passant au préalable sur des surfaces d'eau. A la fraîcheur de l'ombre, s'ajoute celle de l'air. Ainsi, les moucharabiehs contribuent doublement à la production d'une température agréable pour savourer les délices du thé. Dispositif fort ingénieux qui assure le confort tout en faisant œuvre de séparation. Les mêmes lois de la mécanique des fluides interviennent quand il s'agit de filtrer, non plus le soleil, mais la libido. En distillant puis en propulsant le flux ascendant de la libido, le rempart perforé se mue en accélérateur de désir et en diffuseur de plaisir. Le filtre devient un astucieux complice pour la jouissance de l'interdit.

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01/05/2016 12:46

En parlant de moucharabieh, tu as vu juste. Avec justesse, tu as reconnu la composition structurelle, évoqué la fonction sociale, identifié l'inspiration artistique et culturelle. Le maillage de bois cache en montrant, soustrait à la vue en dévoilant, dissimule en trahissant. Brider la curiosité de ce côté-ci pour l'exciter encore plus de l'autre. Que cherche-t-on à partitionner, à fragmenter, à réduire à l'inefficacité, pour l'allumer encore plus de l'autre côté ? Le désir. Le désir premier, le désir naturel, donc, par définition, irrépressible, qui est celui du corps de l’autre. Le caractère ajouré de l'ouvrage ne fait qu'exhiber cette irrépressibilité. La conception témoigne d'une impuissance, la réalisation est un acte illusoire. Échafaudage vain, au sens propre comme au sens figuré. Car la maison de Dieu n'échappe pas au règne du désir. L'on prie avec son corps, et non sans son corps, jamais en dehors de son corps. Treillis de protection, mais aussi de vulnérabilité. A quoi sert un rempart " ajouré " ? La porosité d'un système de défense ne peut qu'amener la défaite. Un système équivalent existe à Saluzzo, à 55 km au sud de Torino. Un regard plongeant, et non en contre-plongée, c'est-à-dire un regard en provenance de l'autre côté, du côté caché, en dit long sur la dialectique du discret et de l'ostentatoire, de l'extinction et de l'allumage, de la réduction et de l'intensification. Le croisement des pièces de bois et la partition de l'espace dans le champ visuel ne sont ni un jeu gratuit de géométrie, ni une coquetterie innocente de menuiserie. L'ouvrage ajouré a une fonction sociale, celle de mettre à l'écart une moitié de l'humanité, pour la soustraire de la vue . Dans un lieu soi-disant de spiritualité, il s'agit de combattre la distraction et d'empêcher la dispersion de l'esprit. Hélas, il était admis que la figure qui distrayait et dispersait était la figure démultipliée d'Eve ! A force de vouloir déplacer hors du champ visuel, l'on finit par proposer l'élévation, comme si tout ce qui est au-dessus de la tête devenait inaccessible au regard. C'est ainsi que l'espace réduit, comprimé devient espace surélevé. Ironie du sort : la présence que l'on voulait éviter est maintenant topographiquement incontournable quand les prières viennent d'en bas et s'élèvent vers la voûte. L'ouvrage ajouré se nomme " matroneo " en italien. La racine du mot montre clairement la fonction sociale. Le vocable est un substantif masculin. Le masculin comme genre grammatical pour dire la " protection " assurée auprès de la gent féminine. L'on est dans l'air du temps ! La langue française n'a rien de tout cela. Même pas une trace dans le vocabulaire. Viollet-le-Duc dans son ouvrage sur l'architecture, utilise la forme latine : matroneum, qui perdure jusqu'à nos jours. L'emploi du latin est une manière de refuser l'actualisation de la conception. La pratique architecturale française rejoint les réticences de la langue. La Chapelle Royale de Versailles a aussi sa galerie des femmes, qui est, comme tous les matroneum, surélevée. Mais à Versailles, il y a comme une revanche, car la galerie des femmes est ouverte à tous les regards, admirateurs ou suppliants. Le regard de l'interdit est toujours le regard du délice, mais cette fois-ci, le lieu du secret devient le lieu de la parade. A la place d'un rideau permanent, hérité de la tradition paléochrétienne, Versailles propose un spectacle permanent. Renversement de situation, et de statut. Mais revenons à la spécificité locale de Crotone. Les "moucharabieh" que tu montres dans ta chronique sont dans l'église Santa Chiara, confiée à des religieuses appartenant à l'ordre des "Clarisse". Et l'homme de Dieu, qui t'a fait la visite, a précisé que ces "moucharabieh" étaient en lien direct avec les "Clarisse". Maintenant qu'il est clair que tes "moucharabieh" sont des "matronei" ( pluriel de "matroneo" ), le lien entre l'objet et la personne est un lien culturel, qui voulait que le féminin soit dans la discrétion et l'effacement, voire l'invisibilité. Mais à Santa Chiara di Crotone, il y a plus que le message habituel des "matronei ". L'ordre des " Clarisse " a été fondé par Claire d'Assise, qui a suivi l'enseignement de François d'Assise. François d'Assise, qui t'a tant impressionné à Sorrento par ses conversations avec les oiseaux, et dont tu as présenté un portrait dans ta chronique publiée le 31 décembre 2015 à 01:42. L'idéal de Claire d'Assise était la pauvreté absolue. La rigueur de la règle monastique imposait une séparation totale d'avec ce monde matériel. Une concrétisation de cette distanciation impérative est dans la structure des " matronei " de l'église Santa Chiara di Crotone : les paries opaques sont beaucoup plus importantes que les endroits transparents. Quant au style mauresque qui a provoqué ton étonnement, il a sa source dans les années où la Calabre faisait partie du " Royaume de Sicile ", fondé par les Rois Normands. A plusieurs reprises, ta route a croisé celle de la dynastie normande : à Salerno, avec la cathédrale dont tu as montré les mosaïques dans l'article sur le " centro storico di Salerno ", publié le 2 janvier 2016 à 16:04 ; puis à Tropea, avec le Duomo juché au sommet d'un rocher impressionnant, que tu as montré dans l'article " De Vibo à Tropea ", publié le 12 avril 2016 à 08:49 ; et enfin , dernièrement, à Lipari, dont les colonnes bleu et or qui apparaissaient dans l'article sur la citadelle, publié le 23 avril 2016 à 22:35, n'étaient qu'une modeste évocation du faste de la cour de Palerme. Les Rois Normands, et tout particulièrement Roger II, ont impulsé une synthèse entre l'Occident et l'Orient. Le style arabo-andalou des " matronei " de Crotone est un témoignage que cette synthèse a fortement imprégné le " Royaume de Sicile ", dont la Calabre faisait partie intégrante. Capitaine, ton œil est exercé à guetter les amers, à déceler ce qui est inhabituel. C'est réjouissant que ta vigilance te fasse remarquer les manifestations de l'Orient pendant que tu t'achemines vers l'Orient !

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