Elles ont éclos là, parce que tel était leur bon plaisir. Contemplez le faste de leur liberté :
Elles chantaient la bonne humeur. Comment ne pas être de bonne humeur quand rien n'est imposé : ni le lieu, ni le temps, ni la façon... ?
C'était le lendemain de notre arrivée dans l'archipel des Cyclades. Notre pied à terre s'appelait Άνδρος – ΑΝΔΡΟΣ (en français : Andros).
Une fois la question de l'amarrage résolue, nous avons entrepris d'explorer l'île. Dès le début de cette passionnante promenade, des silhouettes aux couleurs vives nous ont fait signe de nous arrêter. Elles étaient postées en bordure du cordon asphalté et dominaient le vallon qui s'étirait en direction de la mer. La lisière entre l'onde et le sable était ponctuée un port prometteur, qui s'appelait Μπατσί – ΜΠΑΤΣΙ (en français : Batsi).
Nous n'avons compris la valeur prémonitoire de cette halte que deux jours plus tard, quand l'équipage du Zeph a été très chaleureusement accueilli par Armando, puis par Κώστας (en français : Kôstas) et Μαρία (en français : Maria). L'hommage à ces êtres qui constituaient le trésor de Μπατσί – ΜΠΑΤΣΙ se trouve dans l'article « Le souffle du cercle », publié le 30 avril 2022.
Autres sentinelles, qui n'avaient de compte à rendre à personne, sauf à elles-mêmes :
De leur propre initiative, elles ont pris place à cet endroit stratégique pour surveiller les entrées et les sorties du port de Σέριφος – ΣΕΡΙΦΟΣ (en français : Sérifos), qui était notre quatrième escale dans l'archipel cycladique.
Sur la droite de la photo, se trouvait le bassin méridional. Jadis, sur la plage qui s'y déployait, nous savourions le temps libre en attendant le ferry qui nous emmènerait vers une autre destination.
Nous pouvions voir le ferry venir de très loin. Dès qu'il apparaissait à l'horizon, nous allions rejoindre l'embarcadère qui se trouvait au Nord.
Point besoin de courir pour arriver avant le ferry. Le temps de l'insouciance, que nous savourions jusqu'à l'ultime parcelle, rendait la première visite de Σέριφος – ΣΕΡΙΦΟΣ inoubliable.
Pour cette deuxième visite, le plaisir du passé servait immanquablement de fil conducteur au chemin de la mémoire. Par conséquent, les sentinelles fleuries apparaissaient comme des amies de longue date, qui guettaient notre retour. Elles n'ont pas fait usage de leur liberté de manière irréfléchie. Elles l'ont employée pour donner une mémoire au lieu.
Les fleurs de la liberté ne sont pas neutres. Leur présence concourt à un projet.
À Σέριφος – ΣΕΡΙΦΟΣ, il y avait l'émotion du souvenir et l'émotion de la nouveauté.
Mieux équipés et plus disponibles, nous avons pu acquérir une connaissance plus approfondie de l'île. Les randonnées nous ont révélé qu'au sein de la nature, l'énergie vitale et la liberté étaient indissociables.
Le lendemain de notre arrivée sur l'île, nous sommes montés sur la colline qui servait de refuge en cas d'attaque par la mer. Le village perché qui s'y formait s'appelait Χώρα – ΧΩΡΑ (en français : Khôra).
Sur le trajet, les fleurs de la liberté étaient omniprésentes. Par leur spontanéité et leur allégresse, elles embellissaient le panorama en direction du port qui se trouvait en contrebas.
Personne ne leur a dit de se positionner là où elles se trouvaient. Elles ne suivaient que leur propre inspiration. Avec talent, elles renouvelaient le joli cadre dans lequel on pouvait contempler l'arrivée ou le départ du ferry.
Voici l'esplanade qui occupait le sommet de la colline :
Sans craindre le vertige, des fleurs sauvages lorgnaient le précipice.
Leur liberté nous émerveillait. Mais nous n'avons pas cherché à les concurrencer. Nous nous sommes divertis tout en restant prudents.
Les fleurs de la liberté ont rendu cette promenade très agréable.
Le libre arbitre exalté par la nature avait un effet vivifiant.
Le jour suivant, nous avons entrepris une marche plus ambitieuse. Nous savions que pour ce projet, nous aurions la bénédiction des fleurs de la liberté.
Le point de départ de la seconde randonnée était le village Παναγιά – ΠΑΝΑΓΙΑ (en français : Panayia), qui se trouvait à six kilomètres au Nord-Ouest de Χώρα – ΧΩΡΑ, que nous avions visitée la veille.
Avant l'effort physique, les fleurs de la liberté nous ont prodigué une double leçon.
Voici le cadre du premier enseignement :
Du village, nous voyions la mer. C'était romantique à souhait ! Mais l'intérêt de la photo était dans le premier plan, dans la sphère végétale qui exhibait l'harmonieux rayonnement de sa structure interne.
L'absence de contrainte donnait la même importance à chaque direction dans l'espace. Et la seule configuration qui respectait cette égalité des chances était la disposition radiale.
La liberté n'est ni futile, ni stérile. Elle contribue activement à l'équité.
Voici à présent le lieu du deuxième enseignement :
Comme il était mignon, le bouquet devant la porte !
La douceur des teintes de la palette était un ravissement.
En vérité, ce tableau se trouvait dans l'ombre. Le zoom rapprochant a éclairci les couleurs tout en respectant l'homogénéité de la lumière.
Le bleu de la porte, le rose pâle du muflier et le rouge du coquelicot formaient un bel assortiment. Mais l'intérêt de cette photo était ailleurs. Il était dans l'apparence délabrée du montant qui apparaissait à droite de la photo. Le revêtement blanc tombait par grosses plaques. La maison était abandonnée. En dépit de cet abandon par l'homme, la Nature est venue fleurir le seuil. Quelle délicatesse !
Personne n'a dit à la Nature de s'occuper ainsi de ce foyer déserté. De son propre chef, elle a voulu apporter de la vie et de la gaieté à ce lieu malchanceux.
L'exercice de la liberté s'honore par le geste consolateur qu'il engendre.
Heureux d'avoir reçu ces deux enseignements, nous avons suivi le superbe sentier qui nous menait de Παναγιά – ΠΑΝΑΓΙΑ à Χώρα – ΧΩΡΑ.
Les fleurs de la liberté nous invitaient à nous épanouir en plein air, en symbiose avec les autres manifestations de la vie au sein du microcosme comme du macrocosme.
Nous avons répondu très favorablement à cette lumineuse invitation.
À titre d'exemple, prenons le moment du pique-nique.
À droite de la photo, le bâton de randonneur rappelait le contexte de cette pause méridienne.
La main droite tenait un sandwich confectionné avec du pain du terroir et du fromage, du terroir aussi. Le photographe a eu moins de temps pour manger. Mais en compensation, il se délectait de la beauté des souvenirs engrangés sur l'appareil photo, avec la complicité du trépied.
Au sol, près du Capitaine, la retsina attendait pour nous enchanter avec son goût de sève, qui était déliceusement δημοτικό – ΔΗΜΟΤΙΚΟ (littéralement : lié au peuple, et non aux couches sociales supérieures).
La liberté permettait d'accéder au bonheur même par la simplicité.
Il arrive que la simplicité côtoie le luxe.
C'était la magie opérée par les fleurs de la liberté, qui nous remerciaient avec générosité pour la tendre affection que nous leur portions.
Contemplez ce splendide hémicycle qui se déployait devant nous pour stimuler notre appétit :
Balcon de rêve, avec la mer à l'horizon.
Vision de prospérité, à perte de vue.
La paix en ex-voto, sans limite de temps !
Quel cadeau luxueux !
Les fleurs de la liberté n'œuvraient pas pour l'éphémère. Elles voulaient nous accompagner jusque dans le giron du Zeph. Voici l'astuce qu'elles ont employée :
Une floraison extrêmement odorante, qui possédait aussi l'art de charmer les papilles.
Nous ne leur avons pas fait l'affront de rester indifférent devant une telle sollicitude.
Au contraire, nous avons fait la cueillette avec beaucoup de plaisir. Et nous avons tout de suite agrémenté le repas du soir avec ce parfum de liberté :
La fricassée réalisée avec des fleurs de thym fraîchement cueillies était un pur délice.
Nous avons prolongé l'exquis souvenir de cette merveilleuse randonnée en renouvelant la cuisson avec ce thym de la liberté. Après les pommes de terre et les carottes du terroir, c'était le tour des asperges, qui étaient aussi du terroir, de s'imprégner de la suave odeur offerte par les fleurs de thym récemment récoltées.
Les fleurs de la liberté n'ont pas une existence vaine.
Elles n'agissent pas au hasard.
Leur présence possède une intentionnalité.
Nous aimons beaucoup les fleurs de la liberté.
En leur compagnie, nous nous sentons bien.
Nous les courtisons pour qu'elles nous transmettent ce qu'elles ont de plus précieux : le goût de l'indépendance.