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Depuis deux ans, la Grèce cherchait à se débarrasser du joug ottoman qui n’avait que trop duré.

 

Le zèle du cavalier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Elle voulait mettre fin à quatre siècles d’exaction, de honte et de souffrance.

 

Le zèle du cavalier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il va de soi que le Sultan, qui régnait depuis « La Sublime Porte », n’allait pas laisser faire les indépendantistes.

Dans le cadre des représailles, une armée composée de cinq mille fantassins et de cinq cent cavaliers ottomans a été débarquée en Crète. Ils arrivaient d’Égypte. حسن باشا (en français : Hassan Pacha) conduisait l’expédition punitive.

 

Le zèle du cavalier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traqués par la machine de guerre de l’envahisseur, les rebelles crétois se sont repliés vers le grenier de l’île, qui était le plateau appelé Λασίθι – ΛΑΣΙΘΙ (en français : Lassithi).

La population civile aussi, fuyait les horreurs de la répression.

C’est dans ce contexte que plus d’un millier de Crétois s’est réfugié dans la grotte de Μίλατος – MIΛΑΤΟΣ (en français : Milatos).

Hélas, le zèle d’un indicateur, qui voulait plaire à la force dominante, a révélé au terrible Hassan Pacha la cachette des insoumis.

À quoi ressemblait celle-ci ?

Voici l'entrée de la grotte, vue de l'extérieur :

 

Le zèle du cavalier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La masse rocheuse semblait revêche. Elle exhibait sans ménagement sa rudesse.

Qu'en était-il de l'espace intérieur ?

Jugez-en par vous-même :

 

Le zèle du cavalier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rien de très sympathique non plus !

En la circonstance, l'enjeu n'était pas par rapport au charme, mais par rapport la sécurité.

Le trou de lumière était, pour l'instant, un atout, car il correspondait à un apport d'oxygène et permettait le renouvellement de l'air.

Mû par un zèle soudain de spéléologue, le Capitaine s’est mis à explorer les anfractuosités les unes après les autres et à s’enfoncer de plus en plus profondément dans les entrailles de la terre.

Les historiens estiment à deux mille mètres carrés la disponibilité au sol, ce qui donnait pour chaque réfugié un espace vital de deux mètres carrés au plus. Déjà, ce n’était pas très spacieux. Ensuite, de quelle utilité aurait été la surface au sol d’un couloir étriqué où l’on ne pouvait progresser qu’en s’aplatissant contre la paroi de la roche ?

 

Le zèle du cavalier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Même problématique lorsque qu’il fallait se courber, voire même ramper.

 

Le zèle du cavalier
 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et les pentes, glissantes ou non, ne pouvaient offrir un habitat en raison du déséquilibre permanent qui comblerait des aventuriers de l’ère moderne en quête de sensations fortes, mais incommodait à coup sûr des êtres qui cherchaient le repos et la paix.

 

Le zèle du cavalier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pendant le temps de l'encerclement par l'armée ottomane, quarante naissances ont eu lieu à l'intérieur de la grotte. Faut-il s'en réjouir ? Bien sûr qu'il faut s'en réjouir ! Il faut se réjouir que la vie continue malgré l'oppression, l'absence de liberté, le manque d'approvisionnement, l'insuffisance du confort et l'incertitude de l'avenir.

Il faut se réjouir que quarante embryons aient pu voir le jour, alors que d'autres n'ont pas eu cette chance. Car les mères qui avaient porté ceux-ci avaient fui sur des chemins escarpés, comprimé le corps pour ramper sous des plafonds bas, glissé sur des sols inhospitaliers, malmené le souffle à cause de la peur. On ne dénombrait pas les fausse couches, mais elles constituaient déjà les prémices de l'hécatombe.

Entre stalagmites et stalactites, quarante bébés sont nés. Mais quel avenir leur était réservé ? Dans l'immédiat, ils ne pouvaient pas être nourris à leur faim, car le lait maternel a vite tari, faute de nourriture suffisante.

Puis, il y avait les coups de canons, qui étaient envoyés de la colline d'en face. Les colonnes vibraient, les parois tremblaient. Des nuages de poussière s'en détachaient pour envahir les narines et les poumons. Des clameurs s'élevaient par crainte de l'effondrement qui emmurerait vivantes les personnes bloquées dans une pièce.

Les quarante bébés sursautaient à cause de la violence des coups de canon. Et le pilonnage incessant auquel s'adonnait l'ennemi ne faisait que prolonger le climat de terreur, de surcroît amplifié par la caisse de résonance que formait la grotte.

 

Le zèle du cavalier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nés pour souffrir de la faim, et peut-être en mourir.

Nés pour avoir le tympan meurtri par des canonnades.

Nés pour être envahis, malgré soi, du malheur des aînés.

Les cris de terreur poussés par les mères à chaque tir de canon étaient perceptibles par les oreilles des nourrissons. Ceux-ci captaient aussi l'effroi qui avait chassé la joie du visage maternel.

L'imprégnation, qui était une agression et une corrosion, se déroulait dans les domaines auditif et visuel, mais aussi olfactif.

Les quarante nourrissons souffraient, sans pouvoir y mettre un terme, de la surcharge de gaz carbonique ainsi que de la macération incontrôlable des excrétions, habituelles ou inhabituelles.

À cette épreuve olfactive, liée à la configuration du refuge, est venue s'ajouter la rage de l'envahisseur, qui s'est mis à enfumer la grotte comme on enfume une taupinière.

Rester libres et mourir asphyxiés. Ou courir vers l'air libre et mourir quand même, sous les balles de l'ennemi.

Bien sûr, celui-ci a bien promis de laisser la vie sauve aux personnes qui se rendraient.

Mais en définitive, personne n'a survécu, sauf celles qui pouvaient tout de suite servir d'esclaves.

« Tout de suite », c'est-à-dire que les quarante bébés, qui n'étaient que des esclaves en devenir, devaient être passés au fil de l'épée, sur le champ.

 

Le zèle du cavalier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ces quarante bébés étaient nés pour respirer la fumée des canons.

Ils étaient nés pour ne respirer que vingt jours, ou moins.

Car le siège de la grotte a duré vingt jours, du 3 février au 23 février de l'an 1823.

L'ennemi a pris soin d'exterminer avec les indépendantistes leur descendance.

Il n'a pas non plus oublié de châtier les racines de l'arbre généalogique.

Toutes les personnes âgées ont été rassemblées sur un lieu appelé Γκράμπελ (en français : Grambelles).

Là, le zèle du cavalier ottoman a été électrisé.

 

Le zèle du cavalier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et sous les sabots de la fureur et de la folie, tous les corps ont été piétinés. Des squelettes ont craqué, des boîtes crâniennes ont explosé, des membres ont volé en éclat, des visages en miettes se sont répandus sur le sol.

 

Le zèle du cavalier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mesure punitive spectaculaire, qui en dit long sur la rage des représailles et sur la cruauté de la machine de guerre chez l'envahisseur ottoman.

À ce stade de l'entretien, nos amis lecteurs ont sans doute en tête la scène des chevaux dans le film « Gandhi », réalisé par le talentueux Richard Attenborough.

Dans cette scène très émouvante, des chevaux de l'Empire britannique étaient utilisés pour mater une protestation conduite par Gandhi, qui n'était alors qu'un avocat en Afrique du Sud.

Devant la charge de la cavalerie britannique, les Hindous se sont aplatis, face contre terre. Et les chevaux ont refusé de piétiner les humains qui se trouvaient au sol.

 Le zèle du cavalier

 

 

 

 

 

 

 

 

Cet épisode illustre de façon éloquente que le cheval est l'ami de l'homme, et ce depuis des temps immémoriaux. L'équidé est incapable de faire du mal consciemment à un humain inoffensif.

Cet instinct pacifique du cheval a toujours prévalu, sauf...

Les historiens rapportent les cas où il y a eu dérogation à cette règle de vie.

Ils citent la cavalerie parthe, si redoutée par l'Empire romain. Entre autres, les cavaliers parthes entraînaient leurs montures à piétiner l'ennemi qui se trouvait à terre. Autrement dit, le cheval parthe était spécialement dressé pour faire du mal à un corps humain.

De la même façon, les chevaux que le Pacha حسن باشا a utilisés pour assiéger la grotte de Μίλατoς étaient spécialement dressés pour piétiner sans hésitation l'ennemi.

Le zèle des cavaliers ottomans a mis en action cette perversion de l'instinct initialement pacifique chez le cheval.

On peut s'interroger sur l'intérêt que revêtait pour l'envahisseur un tel traitement.

Des corps fourbus par le grand âge offraient peu de résistance physique. Du coup, les chevaux seraient moins effrayés pour accomplir la sale besogne.

Dans ce cas, ce qui était facile n'apporterait que peu de gloire.

L'Ottoman aurait-il mobilisé une imposante armée pour accomplir un geste peu glorieux ? Bien sûr que non !

L'Ottoman voulait à tout prix une victoire physique, mais aussi un triomphe sur le plan des symboles.

D'abord dans le geste : piétiner, c'est écraser et réduire en miettes sous ses pieds, pour exprimer le plus grand mépris, pour faire subir la plus grande humiliation.

Ensuite, dans le choix des victimes : il s'agissait de celles et ceux qui avaient donné naissance aux indépendantistes, donc de celles et ceux qui étaient coupables d'avoir engendré, biologiquement et spirituellement, des âmes rebelles à l'autorité du Sultan.

Le zèle des cavaliers ottomans avait pour mission de réduire à néant tout l'arbre généalogique de la rébellion.

Pour achever le démembrement des victimes, l'Ottoman les a décapitées. Avec les têtes coupées, il a construit une pyramide.

 

Le zèle du cavalier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De cette histoire douloureuse, il subsiste quelques vestiges tangibles.

Dans la pénombre de l'entrée de la grotte, sont exposés dans un ossuaire quelques fragments des squelettes des martyrs du mois de février 1823.

 

Le zèle du cavalier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Devant les reliques, des couronnes de laurier saluent leur désir de liberté.

Le relief s'imprègne incontestablement de l'histoire qui l'enveloppe.

Le paysage vibre avec les drames qui s'y sont déroulés.

Le zèle du cavalier rend la grotte de Μίλατoς tristement célèbre. La visite n'en est que plus édifiante, car elle incite à méditer sur les gouffres de la nature humaine.

 

Tag(s) : #2021-2022 La CRETE
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