Le visage de Pompée était celui du compagnon d’armes, du gendre, du rival et de l’ennemi juré de Jules César.
À Dyrrhachium, qui est devenu l’actuelle Durrës en Albanie, là où l’Aventy a fait escale le 11/10/17, le visage Pompée était un visage aux aguets, parce que Jules César, qui était juste en face, à Brindisi, cherchait à débarquer pour mettre le siège. Puis, c’était un visage de satisfaction, parce que Pompée a réussi à déjouer les manœuvres d’encerclement de Jules César.
Hélas, pour une raison inconnue, Pompée a laissé avorter sa chance : à l’issue d’une bataille, il s’est retenu d’exterminer les forces adverses alors qu’il en avait largement les moyens.
César en a profité pour fuir en Grèce et y reconstituer ses troupes.
Le visage de Pompée n’a pas toujours été un visage d’anxiété ou de colère.
C’était un visage de jubilation et d’euphorie quand l’homme triomphait des pirates qui pullulaient en Méditerranée orientale.
La République, reconnaissante, lui a offert le surnom « Magnus ». À Rome, Pompée devenait Pompée le Grand, en référence à Alexandre le Grand.
C’était aussi un visage de douceur et de bienveillance le jour où l’homme a épousé la fille de Jules César.
Alliance matrimoniale, au service d’une alliance politique. Du moins, c’était ce qu’espérait Jules César.
Quand la fortune sourit, la frontière entre la gloire et l’arrogance est imperceptible.
Fort de ses triomphes militaires, Pompée s’est mis en tête de s’emparer de l’or du Dieu des Hébreux.
C’est ainsi qu’il a pénétré dans l’enceinte la plus sacrée de la Judée. Mais en guise de trésor, il n’a trouvé que les Dix Paroles qui avaient été données à Moïse sur le mont Sinaï.
Visage de l’insolence, de la frustration, de la vacuité.
Après Dyrrhachium, le visage de Pompée était celui du déclin.
Un mois seulement après Dyrrhachium, c’était César qui a donné le coup de grâce, dans l’ultime affrontement qui l’opposait à Pompée.
Traqué par le nouvel homme fort de la République romaine, Pompée a misé sur l’hospitalité légendaire de l’Égypte. Il espérait que le pays du Nil témoignerait quelques égards pour le favori de la mer. Hélas, l’Égypte n’avait pas que son hospitalité qui était légendaire : sa perfidie l’était tout autant !
Sur la frêle embarcation qui l’amenait vers le rivage égyptien, le visage de Pompée était méconnaissable, non pas physiquement, mais parce qu’il avait perdu l’aura du triomphateur en mer, et qu’il ne diffusait plus l’autorité d’un grand général.
Au moment où Pompée s’apprêtait à mettre le pied sur le sol de l’Égypte, il a été transpercé dans son dos par un glaive romain, puis à plusieurs reprises, par un poignard égyptien. L’amiral déchu a été décapité sur le champ.
Le visage de Pompée était méconnaissable à l’approche du rivage. Après le débarquement, il l’était bien plus encore : en effet, sur le sable de la plage, c’était devenu un visage sans vie. Un visage figé par la trahison. Un visage figé dans l’impuissance et dans la défaite. C’était le 28 septembre de l’an 48 avant notre ère.
Lorsque César est arrivé à son tour en Égypte, il a reçu comme cadeau de bienvenue, la tête de son vieil ennemi.
C’était la dernière fois que César voyait le visage de chair de Pompée.
Trois ans et demi plus tard, César, piégé par les conspirateurs, s’est écroulé sous leurs 23 coups de couteau impitoyables.
Le meurtre avait lieu au Sénat. Le corps sanguinolent du « dictateur » s’est effondré au pied de la statue érigée en mémoire du Grand Pompée.
Le visage de Pompée était resté de marbre, au sens propre, comme au sens figuré. Visage de l’impassibilité et du détachement.
Juste retour des choses : le visage de Pompée aurait-il dû s’émouvoir de l’assassinat de celui qui lui a volé la vedette au Sénat, sur le Champ de Mars et dans le cœur de la République ?