Les avis sont unanimes. Toutes les personnes qui ont vu, de leurs propres yeux, Σύμη – ΣΥΜΗ dans le Dodécanèse, reconnaissent que l'île était vraiment magnifique !
Voici une vue de la perle du Dodécanèse :
La photo a été prise le matin, au lever du jour.
L'île baignait dans la douceur et l'harmonie.
Quel était le secret de ce suave équilibre ? Son programme architectural, qui choyait l'unité et la cohérence.
Unité autour d'un modèle hérité de l'antiquité : le fronton triangulaire, posé sur une assise rectangulaire.
Cohérence dans le choix de la palette, qui privilégiait les tons pastel pour célébrer le désir de paix.
L'exemple était donné par la municipalité locale. Voici une vue du bâtiment de la mairie, qui affichait sous le fronton triangulaire l'inscription ΔΗΜΑΡΧΕΙΟΝ :
Il était très difficile de déceler, dans ce quartier, une quelconque dérogation à la règle du triangle sommital.
Unité autour d'une forme géométrique élémentaire : le triangle. Mais pas d'uniformité, grâce à la variation des dimensions, à l'étagement savamment exploité et au maniement subtil d'une palette qui restait cependant homogène.
Le modèle architectural préconisé par la mairie semblait respecté dans toute la baie.
Voici ce qu'on pouvait admirer dans la lointaine périphérie Nord-Est :
Trois frontons triangulaires accolés.
La proclamation de l'unité était manifeste, mais le désir d'être distinct l'était tout autant, grâce aux variations apportées par la mise en couleurs.
Cette double motivation créait une subtile tension qui retenait le regard.
Depuis quand date cette mode architecturale ?
Les vieilles bâtisses pourraient nous être utiles à ce sujet. En voici une dans l'angle Sud-Est du port :
Visiblement, la maison était très âgée, et très mal entretenue aussi.
Mais son sommet triangulaire disait qu'elle avait respecté la règle communautaire.
Le premier étage s'avançait au-dessus de la rue par un balcon, délabré lui aussi. Voici ce qu'on pouvait lire sous les planches du balcon :
Sur une plaque de marbre, apparaissaient dans une teinte violacée les caractères suivants :
Α. ΣΕΠΤΕΜΡΙΟΥ
1888
AKM
H. ΣΥΡΟΣ
On peut penser que le fronton triangulaire était déjà très en vogue au dix-neuvième siècle, et qu'il ne résulte pas d'une lubie des temps modernes.
Tous les habitants ont-ils adopté de plein gré la mode du triangle sommital ?
Les contraintes imposées par la fonctionnalité pouvaient amener une certaine modification du schéma triangulaire. Par exemple, les moulins, même avec leurs toits coniques, n'auraient pas la même allure que les façades du classicisme.
Sur la photo précédente, l'émulation entre la maison rose aux volets bleus et la maison jaune aux volets verts ne semblait pas être affectée par le voisinage d'un moulin qui avait perdu son toit conique.
Il existait une autre situation où le triangle antique n'apparaissait pas dans sa forme originelle. On pouvait voir ce cas, même à proximité de la mairie. Voici cette dérogation, où le sommet zénithal était remplacé par un arc s'ouvrant vers le ciel :
Le bâtiment qui présentait cette audace architecturale arborait deux drapeaux : celui qui était en bleu et blanc se référait à l'État grec tandis que l'autre drapeau, qui était en jaune et ocre, symbolisait l'autorité de l'Église orthodoxe. En fait, il s'agissait du siège de l'Archevêché.
Autrement dit, seul le pouvoir religieux pouvait s'autoriser à ne pas respecter la règle du fronton strictement triangulaire.
L'introduction des lignes courbes était alors comme une forme d'indépendance par rapport à l'autorité politique qui gérait l'esthétique de la ville. Voici un autre exemple où les courbures latérales semblaient dire au triangle sommital qu'il ne se suffisait plus à lui-même :
La liturgie orthodoxe avait une prédilection pour le cercle. Le cercle, sous forme d'arcs ou de torsades, servait à estampiller des territoires qui relèveraient directement de la transcendance.
Il était même possible que la ligne courbe soit présente dans l'architecture sans qu'il y ait une autorité religieuse derrière. En voici un exemple :
Sur la photo, le fronton triangulaire était bien solennel. Mais la ligne de crête, formée de plusieurs arrondis, lui disputait la préséance.
La photo a été prise sur le chemin menant aux moulins.
Une telle forme de désobéissance au schéma municipal aurait été inconcevable dans le centre ville.
Car l'immensité majorité des habitants ont préféré jouer la carte de l'accord plutôt que celle du désaccord.
Au cas où ils auraient envie de mettre des ondulations, celles-ci resteraient à l'arrière-plan.
Sur la photo précédente, le fronton triangulaire faisait figure de proue. Les arabesques étaient placées en retrait pour ne pas lui voler la vedette.
Si la ligne courbe voulait absolument figurer dans le même plan que le triangle, elle devrait faire preuve de diplomatie.
Sur la photo ci-dessus, l'architecte aurait pu coiffer le triangle par un arc. Mais il ne l'a pas fait. Au contraire, il a matérialisé une moitié de cercle sous le triangle pour évoquer la soumission de l'arc de cercle au fronton triangulaire.
Et si la ligne courbe voulait siéger à la place du triangle ? Celui-ci n'accepterait cette cohabitation qu'à une seule condition. Voici cette condition :
Que la ligne courbe chante les louanges du fronton antique, en épousant les flancs d'une harpe !
À Σύμη – ΣΥΜΗ, le fronton triangulaire faisait partie de l'inconscient collectif.
Voici une manifestation de ce fait :
La photo a été prise dans une arrière-boutique.
Sur le mur mitoyen, l'architecte a conçu un fronton triangulaire pour coiffer le rectangle d'une fenêtre. Le barman a accroché aux barreaux des bouteilles d'alcool. Avec beaucoup d'humour, il a dédié ce temple symbolique à Dionysos !
Non loin de là, se trouvait cette autre œuvre d'art :
Un treillis où étaient accrochés plusieurs coquillages était suspendu à un clou. Les fils qui partaient du clou formaient l'équivalent du fronton antique.
En fait, la photo montre deux frontons antiques. Il y aurait donc encore deux temples symboliques : l'un qui pourrait être consacré à Poséidon et l'autre, à Éole !
Avec beaucoup de créativité et de talent, la très grande majorité des habitants de Σύμη – ΣΥΜΗ ont mis en valeur le fronton triangulaire.
L'emploi le plus prestigieux de ce fronton a eu lieu au moment de la construction du Parthénon.
Il existe un projet d'architecture qui a multiplié les exemples de fidélité à ce modèle antique. Il s'agit de la « ville haute » que forment les monuments funéraires situés à l'entrée du Premier Cimetière d'Athènes. Voici l'un de ces monuments funéraires :
La ressemblance avec un temple antique est stupéfiante.
Mais il s'agit là d'une nécro-pole, c'est-à-dire d'une cité des morts.
La mairie de Σύμη – ΣΥΜΗ, elle, nourrit l'ambition de bâtir une « cité des vivants » avec le même modèle architectural, hérité de l'Antiquité. Elle fait de l'île un espace sanctuarisé en offrant au fronton triangulaire un avenir prospère.