On dresse la table pour honorer des invités, pour montrer qu’on les chérit.
La nuance est déterminée par les circonstances de la réunion et par la personnalité des convives.
À Ostie, nous avons dressé la table pour recevoir nos amis romains, Danielle et Alberto. Ils sont très observateurs et possèdent une mémoire époustouflante. Ils se sont souvenus qu'il y a trois ans, à Κέρκυρα – ΚΕΡΚΥΡΑ, nous leur avions préparé des pêches rôties.
Danielle et Alberto pratiquent la langue de Molière avec précision et humour. Ils sont friands de culture et bien au fait de tout ce qui vient de France.
C’est pourquoi nous leur avons proposé un des fleurons du vignoble rhodanien, le Condrieu. Et avec la production de la maison Guigal, le succès était assuré.
Pour l’entrée, nous avons pensé au foie gras, agrémenté de tranches de pommes et d’ananas rissolées. D’ordinaire, nous accompagnons le foie gras avec un Sauternes ou un Gewurztraminer. Mais ce soir-là, pour faire plaisir à la Dame d’Ostie, nous avons osé un grand cru du couloir rhodanien. Et nous sommes très heureux que l’accord mets-vin, que nous avons inventé, ait plu à tout le monde.
L’ambiance de fête dégagée par la table a plongé la Dame d’Ostie dans un rêve. Une fois revenue de son échappée onirique, elle nous a confié avec sa douce voix : « Sans le mât, et sans le moteur, je prends ! ». Par ces mots ravissants, la Dame d’Ostie nous avouait qu’elle serait prête à faire l’acquisition des lieux, parce que la conception, l’aménagement et le décor lui plaisaient beaucoup Son cri du cœur nous flatte énormément, et nous la remercions vivement pour la spontanéité et la sincérité de sa déclaration.
À Ostie, le raffinement de la table était dans le fait que la convivialité entre fins gourmets se doublait d’un échange entre esthètes.
À Ponza, le Zeph a reçu l’Aventy le soir de l’arrivée de celui-ci.
À cette occasion, le raffinement n’était pas dans ce qui était visible sur la photo, mais dans ce qui était invisible.
En effet, l’Aventy ne consomme pas de vin. Mais, par courtoisie, il nous laisse savourer à satiété le breuvage de Dionysos. L’esprit raffiné de l’Aventy lui interdit toute pointe d’ironie, que d’autres qualifieraient, par euphémisme, d’humour.
Malgré l’existence d’une ligne de partage des eaux, chacun se sent à son aise. Le raffinement de la table dressée pour l’Aventy est dans l’éloge de la liberté, une liberté dépouillée de toute forme de rigorisme.
Sans complexe et sans fausse joie, le capitaine du Zeph et le mousse ont dégusté le Médoc 2015, produit par le Château La Fleur des Aubiers.
La joie d’être ensemble, qui illuminait le giron du Zeph, se répandait aussi à l’extérieur. Les lumières du port nous ont permis de réaliser plusieurs photos amusantes, dont celle-ci, à la proue du Zeph, avec le museau de l’annexe au premier plan.
Le hasard des poses pendant le fonctionnement du retardateur montre que les deux qui se tenaient aux cordages étaient les deux qui avaient consommé le fameux Médoc, tandis que les deux autres, qui exhibaient le bel équilibre de leur autonomie, étaient les deux qui étaient restés fidèles à leur sobriété.
À Πύλος – ΠΥΛΟΣ, en septembre dernier, le Zeph a reçu le Mayapi, qui est un grand amoureux de la Grèce. Chez le Mayapi, le désir de Grèce, toujours vif et fécond, a engendré une culture érudite concernant les spécificités de chaque territoire hellène.
Le meilleur ouzo pour le Mayapi est le Βαρβαγιάννη – ΒΑΡΒΑΓΙΑΝΝΗ.
Pour célébrer l’amitié qui a traversé victorieusement les trois années de séparation, le Zeph a réservé une place d’honneur à l’ouzo de prédilection du Mayapi.
À Πύλος – ΠΥΛΟΣ, le Zeph était tout seul, en bout de quai.
La quiétude des lieux et la clémence de la météo suggéraient de fêter les retrouvailles sur la belle terrasse offerte par le pont arrière.
La détente, la joie, le plaisir étaient au rendez-vous.
Le raffinement de la table préparée pour le Mayapi était dans l’émergence de souvenirs faits de simplicité, de naturel et d’authenticité.
Le temps de la convivialité était si délicieux que le Mayapi est resté pour la collation du soir. À l’heure du crépuscule, la table du Zeph a su trouver de nouvelles ressources pour garder son raffinement.
Le raffinement de la table du Zeph exprime sa sollicitude à l’égard des visiteurs. Cette démonstration d’amour trouve son inspiration dans un texte grec, qui dit :
ἀγαπήσεις τὸν πλησίον σου ὡς σεαυτόν
TO KATA MATΘAION ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ. Kεφ. κβ’. Στίχος λθ’
Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Bonne Nouvelle selon Matthieu. Chapitre 22. Verset 39
Dans cette déclaration, le terme pivot est l’adverbe « comme », qui exprime une comparaison et décrit un équilibre.
Si on ne sait pas s’aimer soi-même, on aura bien du mal à aimer autrui.
Dans la façon dont on aime les autres, se voit la manière dont on s’aime soi-même.
Et de quelle manière le Zeph s’aime-t-il ? Beaucoup. Passionnément même.
Il n’est donc pas étonnant que le raffinement de la table soit l’un de ses principes de vie, même sans invité.
Le Zeph se fait beau pour se trouver désirable à ses propres yeux, surtout aux moments festifs, comme à Noël, à Port Napoléon, il y a deux ans.
C’était un moment d’intense bonheur, car il correspondait à une renaissance, d’abord biologique, puis affective et morale.
Le raffinement de la table exprimait la gratitude pour Asclépios.
La teinte rouge évoquait la nouvelle santé de l’appareil circulatoire, qui avait échappé, de justesse, à une mésaventure fatale.
Désormais, la route de la mer était permise.
L’avenir, tragiquement bouché, s’ouvrait de nouveau sur l’azur.
Le raffinement de la table était dans la possibilité d’évoquer l’agréable perspective des horizons azurés.
Dans le bleu du cristal, il était impossible de ne pas voir le scintillement des Luci d’Arte, les lumières confectionnées avec art et amour, qui avaient illuminé le Noël salernitain du voyage initiatique.
En souvenir de l’enchantement trouvé à Salerno, Le Zeph s’est paré de guirlandes et de boules rouges ou argentées.
Le raffinement de la table rejaillissait sur son environnement immédiat et lointain, sur les parois toutes proches et sur la bruyère ocre des environs.
On y voit le triomphe de l’espoir et le retour à la vie. Car Asclépios a protégé le Zeph d’un malheureux coup de scalpel.
Le raffinement de la table n’est pas une chose fortuite. Il est une manifestation délibérée de la conscience. Puisse-t-il toujours témoigner de notre gratitude pour le don de la vie !