À l’orée de l’an neuf, la plus grande et la plus belle place de la capitale des Gaules se parait d’un magnifique jardin de lumière.
Des créatures ailées venaient y butiner jusqu’à l’ivresse.
Zéphyros, celui qui se mouvait dans l’espace aérien, transformait la quête de nectar en un subtil ballet.
Le destrier du Roi-Soleil s’illuminait pour faire apparaître un essaim de lucioles au- dessus d’un foisonnement de corolles voluptueuses.
Évocation ingénieuse d’une constellation dédiée à l’ordre équestre. Clin d’œil à Pégase au firmament.
Avec élégance, le jardin lyonnais chante la symbiose entre le monde végétal et le règne animal.
Mais le passage à l’an neuf ramenait inévitablement le Zeph à l’expérience salernitaine.
Ravissement inoubliable grâce au savoir-faire de la Bella Italia, à la générosité du Sud, et surtout au doigt providentiel du καιρόϛ – ΚΑΙΡΟΣ, qui a fait que le Zeph était là, et pas ailleurs, au bon moment.
Ancora Salerno. Sempre Salerno. Salerno la Bellissima !
Il existait une correspondance entre le jardin lyonnais et le jardin salernitain.
Une des similitudes était le thème de la fécondité.
Grains de pollen en lévitation à Salerno.
Semence aérienne. Le souffle de Zéphyr contribuait à l’expansion de la fertilité.
Dynamique de l’ascension, avec ou sans appui.
Espèces rampantes s'adonnant à des acrobaties.
Lierre d'or, qui partait fiévreusement à la conquête de la verticalité.
Branches aériennes, éprises de liberté.
Fleurs flottant au vent. Silhouettes lascives.
La nature se jouait de la pesanteur. Triomphe de la légèreté.
À Salerno, le jardin de lumière cherchait à s’affranchir des contraintes spatiales. Agissait-il de même à l’égard du cadre temporel ?
En premier lieu, il y avait le jardin d’actualité. Conifères, feuillages persistants.
D’abord, la saison en cours.
Puis il y avait le jardin de mémoire. Couleurs d’automne.
Ensuite, la saison qui venait de passer.
Et il y avait aussi le jardin d’anticipation. Printemps précoce. Cerisiers en fleurs.
Saison à venir.
Était-il raisonnable de ne représenter que trois saisons tandis que l’année en compte quatre ?
Alors, vive l’été en plein hiver ! Que la couleur verte de la prospérité chlorophyllienne soit rappelée à notre bon souvenir !
À Salerno, le jardin de lumière dépassait les attentes.
Jardin fantastique. Lianes arachnéennes. Enchevêtrement onirique.
Saison de l’imaginaire, pour les esprits futuristes.
Jardin au niveau du sol, tout près de l’humus.
Champignons colorés pour une fantaisie culinaire.
Jardin sous la mer aussi, car Salerno folâtrait avec la mer Tyrrhénienne.
Surprises du fond marin. Splendeurs sous les vagues.
Jardin d’agrément. Plaisirs de la vue et de l’odorat.
Jardin nourricier. Plaisir des papilles.
Alvéoles de miel. Récolte des insectes butineurs. Trésor de la ruche.
Exhibition de ce qui est comestible.
À Salerno, le jardin de lumière respirait la liberté et la prospérité.
Jardin d’enchantement.
Jardin aux mille ressources.
Hymne à la vie polymorphe, inventive, créatrice.
Séduction par la vitalité, l’ingéniosité, la coquetterie.
« Il Giardino Incantato », disait la guirlande de lumière.
Jardin incantatoire.
Pour Bergson, « l’incantation peut participer à la fois du commandement et de la prière ». Commandement ou prière, l’objet du désir est une finalité dont le pouvoir d’attraction est extrêmement fort.
La demeure originelle de l’être humain était un superbe jardin. Impossible à la génétique de l’avoir oublié. Souvenir indélébile au cours des âges.
Jardin de nostalgie et d’espérance. Nostalgie de l’Éden perdu, espoir pour le paradis retrouvé.
Symbole de l’accomplissement du désir : le paon, l’oiseau de félicité.
La route du Zeph trouverait-elle son accomplissement ?
Quand viendrait l’appel du destin ?
Il faudrait 21 jours d’immobilisation, d’endurance dans le froid de l’hiver, pour percevoir la lumière qui luisait à l’autre bout du détroit de Messine.
Les 21 jours de maturation à Salerno ont été indispensables pour voir poindre à l’horizon des parcelles de lumière égéenne.
La lumière du jardin salernitain avait une valeur prophétique pour le Zeph.