L'automne dernier, l'Hypérion a tenu à accueillir dans son QG cannois le Zeph même si les routes maritimes des deux voiliers ne s'étaient pas croisées à cause du rocher meurtrier Φονιάς (transcription : Fonias).
L'ardeur du lien amical et l'accueil enthousiaste qui en avait résulté nous a beaucoup émus.
Au cours de cette saison 2024, les retrouvailles tant espérées ont eu lieu grâce à la bonté de la Providence, qui les a conçues comme une pièce de théâtre, composée de trois actes.
Le premier acte s’est déroulé dans le célèbre cratère effondré. L’article « Le balcon posé sur la mer (27) à Θηρασία », publié le lundi 17/06/2024 à 00:13, en est le compte-rendu.
Le deuxième acte était le geste d’indépendance affiché de concert, dans la baie de Λέβιθα (transcription : Lévitha). L’article « Le balcon posé sur la mer (32) entre Aμοργός et Λέβιθα », publié le dimanche 30/06/2024 à 01:30, en restitue la mémoire.
Quand au troisième acte, il a eu lieu à Κάλυμνος (transcription : Kalymnos). L’article « Le balcon posé sur la mer (34) à Κάλυμνος », publié le mercredi 02/7/2024 à 15:02, en donne les grandes lignes.
À Κάλυμνος, lorsque l’Hypérion et le Zeph se sont dit « À la prochaine », tous les deux ont pensé fortement que la prochaine fois n’aurait lieu qu’au printemps de l’an prochain.
La bonté de la Providence nous a tellement choyés qu’aux trois actes, s’est ajouté un épilogue. Cet épilogue, qui s’est déroulé à Λέρος (transcription : Léros) est la source d’inspiration du présent article.
En partant de Κάλυμνος, l’Hypérion nous a dit qu’il visait Αγαθονήσι (transcription : Agathonisi) et Σάμος (Samos) au Nord, à cause de leurs flots protégés du vent.
Mais en définitive, le vent a contraint l’Hypérion à raccourcir sa route pour aller se réfugier sur la côte Est de Λέρος, dans la baie de Πεντέλι (transcription : Pentéli), qui était dominée par une forteresse byzantine, érigée il y a dix siècles.
Voici la muraille méridionale :
La vue donnait sur la vallée qui s’ouvrait sur le mouillage.
Au Sud-Est, l’on pouvait contempler la rangée des six moulins à vent, qui bordait le chemin d’accès à la forteresse.
En se décalant légèrement à droite, il était possible d’admirer le mouillage qui servait d’abri à l’Hypérion :
L’enjeu psychologique a incité le Capitaine du Zeph à transférer, symboliquement, de la côte Ouest à la côte Est, le balcon posé sur la mer à Λέρος.
Ainsi, le Capitaine a pris l’initiative de joindre l’Hypérion par téléphone pour proposer une nouvelle rencontre de visu entre les deux équipages, cette fois-ci à Λέρος.
Tout de suite, l’Hypérion, par l’intermédiaire de sa Muse, a régi très favorablement à la proposition du Capitaine du Zeph.
Le lieu du rendez-vous était la plage située au pied de la forteresse byzantine.
L’heure du rendez-vous était 18h30, c’est-à-dire deux heures avant que le disque solaire ne disparaisse sous l’horizon.
La Muse et le Capitaine de l’Hypérion, qui avaient vu leur liberté fortement restreinte par le vent depuis l’avant-veille, c’est-à-dire depuis le départ de Κάλυμνος, avaient la mine toute épanouie quand nous les avons retrouvés :
Leur douce joie avait une double cause : presque en même temps, ils ont retrouvé la liberté de se mouvoir et le réconfort d’un lien amical revivifié.
Avec une grande générosité, l’Hypérion nous a offert des rafraîchissements.
Comme le capitaine de l’Hypérion, le mousse du Zeph a pris une bière pression MAMOΣ (transcription : MAMOS).
Le Capitaine du Zeph, lui, a préféré une bière pression AΛΦA (transcription : ALFA).
Ce soir-là, l’amertume du houblon servait de vecteur à une confidence : l’Hypérion se préparait à une profonde mutation, peut-être irréversible, tant sur le plan structurel que sur le plan organisationnel.
L’heure était gravissime. Mais le sourire s’épanouissait sur les lèvres des deux capitaines :
Le capitaine de l’Hypérion était soulagé de pouvoir s’ouvrir à des amis.
Celui du Zeph était heureux de manifester une oreille attentive et un cœur empli d’empathie.
Pendant ce temps, la Muse de l’Hypérion œuvrait pour que cette rencontre impromptue porte le sceau de l’inoubliable. Connaissant les choix qui définissaient l’identité du Zeph, elle a proposé une table, non pas dans une taverne toute proche, même si celle-ci avait une bonne réputation, mais dans le chaleureux et inégalable chez soi.
L’intelligence, la diplomatie et le dévouement caractérisaient le savoir-vivre de la Muse de l’Hypérion.
Entre le balcon posé sur la mer dans la baie de Λακκί (transcription : Lakki), à l’Ouest, et le balcon posé sur la mer dans la baie de Πεντέλι, à l’Est, le trait d’union était assuré par la mob que nous avions louée, puis par l’annexe qui nous a amenés de la plage jusqu’à la plateforme arrière de l’Hypérion :
Cette annexe était associée à l’exquis souvenir des agapes de l’amitié, qui s’étaient déroulées deux ans auparavant, au mouillage de Aστυπάλαια (transcription : Astypaléa).
Le pavillon tricolore, arboré par l’Hypérion, impressionnait par sa grande taille.
Il proclamait la fierté que procurait le savoir-vivre à la française, qui recommandait la courtoisie, la prudence et l’esprit rigoureux.
Voici une vue du chez soi de l’Hypérion :
La proue était dirigée vers l’Ouest.
La belle lumière du soleil couchant évoquait la prospérité. Il s’agissait de la prospérité de l’expérience en mer, après un parcours de plusieurs dizaines de milliers de milles nautiques.
La teinte ambrée gagnait du terrain au fur et à mesure que le soleil se rapprochait de l’horizon.
Les éléments structurels de l’Hypérion témoignaient du très grand soin qui leur avait été prodigué.
Les deux capitaines se promenaient sur le pont comme s’ils étaient sur le chemin de ronde d’une forteresse. Chaque détail technique faisait naître sa rétrospective :
De la proue à la poupe, la même question occupait le devant de la scène : jusqu’à quand tiendrait la forteresse du sens ?
L’échange entre les deux amoureux de la mer voulait être à la fois réaliste et constructif.
Car l’Hypérion était confronté à un questionnement existentiel.
La gravité de la situation était vécue, non pas avec désinvolture, mais avec une légèreté libératrice.
En effet, l’Hypérion a sorti le meilleur ouzo pour offrir l’apéro au Zeph :
Le meilleur ouzo selon l’Hypérion était le PILAVAS.
La photo montre une autre spécificité de l’Hypérion : à bord de celui-ci, ce n’était pas l’eau qui rejoignait l’ouzo pur, mais c’était l’ouzo pur qui faisait fondre les glaçons.
Ce protocole renfermait une signification. L’ouzo pur était un emblème de la Grèce de l’authenticité tandis que les glaçons représentaient la contribution du voyageur. La fusion des glaçons exprimait le choc émotionnel du voyageur qui se laissait immerger dans la substance de l’âme grecque.
Après l’apéro, la Muse de l’Hypérion nous a proposé des pâtes. Voici l’épisode de la préparation de la sauce :
La photo était un témoignage édifiant du dévouement de la part de la Muse de l’Hypérion.
La Muse de l’Hypérion aurait pu choisir la solution de la facilité en suggérant que nous mettions les pieds sous la table d’une taverne. Loin de là, la Muse de l’Hypérion a consenti à salir de la vaisselle, qu’il faudrait ensuite laver. La Muse de l’Hypérion accomplissait toutes ces tâches dans la bonne humeur parce qu’elle rejoignait le mousse qui préférait la table de l’amitié à celle du négoce.
En conséquence, ce soir-là, c’était à bord de l’Hypérion que le meilleur plat de toute la baie était servi :
Il était servi sans contrepartie.
Il était servi généreusement.
C’était le plat de la noblesse d’âme.
La lampe-tempête, qui donnait des reflets d’or à l’aliment, illustrait la lucidité de l’Hypérion.
L’Hypérion voyait clair en lui-même, au sujet du tournant décisif qui l’attendait dans un très proche avenir.
L’Hypérion voyait clair aussi en l’ami qu’était le Zeph, respectueux, admiratif et fidèle.
Avec une sublime clarté, l’Hypérion voyait la beauté du temps présent. Jugez-en par vous-mêmes :
Comme la joie de l’Hypérion était grande par sa spontanéité, par sa pureté et par son pouvoir communicatif !
Quelle taverne nous aurait offert la possibilité de vivre d’une manière aussi libre, aussi vraie et aussi mémorable le lien de l’amitié ?
C’était le sillage de Λέβιθα qui continuait, flamboyant, spirituel et inoubliable.
L’Hypérion vivait l’heure du bilan, gravissime et décisive.
Puisse sa quête de sens se révéler fructueuse, quelle que soit la réponse du Destin !
Le balcon posé sur la mer à Λέρος était celui de la confidence.