C'était un jour sans agitation intérieure et sans angoisse lancinante.
C'était aussi un jour qui ne portait pas le corset de la programmation : tout était libre, tout était ouvert.
Chronologiquement, la première activité du jour a eu lieu tôt le matin, avant même le lever du soleil :
Il s'agissait du transfert de l'eau douce à l'aide des seaux. Nous voulions profiter de la fraîcheur du petit matin avant que la morsure du soleil n'accroisse la pénibilité du portage.
De l'eau douce était disponible sur le quai des pêcheurs :
Saint Georges, le vainqueur du Dragon, veillait à la sécurité de nos seaux.
La disponibilité providentielle nous incitait à faire aussi la lessive :
La simplicité du mode de vie sur le quai des pêcheurs nous convenait tout à fait.
Le transfert des seaux d'eau jusqu'à la passerelle du Zeph s'est achevé au moment où le disque solaire a commencé à émerger au-dessus des montagnes de l'Est.
La clarté nouvelle transformait la surface de l'eau dans les seaux en miroir. Dans l'un des miroirs, l'on pouvait voir l'alliance conclue avec Éole pour un supplément d'énergie :
Quelle était l'augure transmise par cette vision ?
Pour l'heure, la netteté de l'image laissait augurer un retour au calme.
L'Hypérion, qui avait des impératifs non négociables dans le calendrier, devait partir ce jour-ci. Le voici qui se préparait à partir :
Finalement, l'Hypérion est parti, laissant complètement découvert le flanc gauche du Zeph.
Le Zeph, toujours coquet et narcissique, était fasciné par son double dans l'onde.
Après une très longue hésitation à cause d'une météo versatile, le Capitaine s'est résolu à lever l'ancre.
La mer s'est révélée conciliante,
Pas de heurt, pas de violence, pas de traîtrise.
Quant aux deux voiles, elles ont rempli leur mission d'une manière plus que satisfaisante.
Voici, sur la carte marine, le Zeph en train de s'éloigner de Κάλυμνος :
Un peu plus d'une paire d'heures après, le voici qui entrait dans la baie de Λακκί (transcription : Lakki), à Λéros (transcription : Léros) :
Voici le Zeph dans la marina, après un amarrage aisé et rapide :
Le museau du Zeph regardait le septentrion tandis que la poupe était orientée vers le Sud. À tribord, se dressait une falaise, à laquelle était adossé le bâtiment qui abritait la capitainerie et le restaurant de la marina. Le flanc gauche, lui, recevait donc la lumière du couchant, qui produisait ces reflets :
La surface à peine plissée de l'eau donnait à voir le bien-être d'une journée tranquille.
Au sujet de la tranquillité, Euripide, l'un des trois grands auteurs tragiques de l'Athènes classique, a écrit ceci dans sa pièce de théâtre « Les Bacchantes » :
ὁ δὲ τᾶς ἡσυχίας βίοτος καὶ τὸ φρονεῖν ἀσάλευτόν τε μένει καὶ συνέχει δώματα
Στίχοι τπθ' – τϟβ'
En français :
Une vie tranquille et dirigée par la sagesse demeure inébranlable et sauvegarde la demeure
Vers 389 – 392
En écho à cette pensée de l'auteur grec, la tranquillité de la navigation du jour sauvegardait, au sens propre, la demeure flottante qu'était le Zeph. Et au sens figuré, cette tranquillité sauvegardait encore l'harmonie dans les relations entre le Capitaine et l'équipage.
Une des manifestations de cette harmonie sauvegardée était la pérennité du principe de l'autonomie.
Ce soir-là, la table de l'autonomie avait au menu un poulet doré au gingembre, servi avec du raisin rouge, dont la saveur légèrement acidulée avait pour mission de donner du peps au plat :
Le croquant du raisin rouge devait donner la réplique à la texture al dente du brocoli et de la carotte.
Le balcon posé sur la mer entre Κάλυμνος et Λéros n'était pas le balcon de la banalité, mais de la tranquillité.
La tranquillité était une bénédiction.