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Aμοργός (transcription : Amorgos) était un tremplin pour Λέβιθα (transcription : Lévitha), dont la capacité d’accueil semblait limitée. Aussi sommes-nous partis de Aμοργός de bonne heure, dans l’espoir d’arriver à temps pour avoir une place à Λέβιθα.

Voici le Capitaine en train de retirer les dernières amarres :

 

Le balcon posé sur la mer (32) entre Aμοργός et Λέβιθα

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’ombre projetée sur le banc à tribord montre que la lumière venait de la droite de la photo. Sur le Zeph ainsi que sur les structures du port, les zones éclairées par le soleil naissant recevaient une lumière qui était encore douce.

Les montagnes de l’Est, dont nous avons parlé dans l’article précédent, ont retardé l’émergence du disque solaire et prolongé l’agréable fraîcheur laissée par la nuit.

Le jour nouveau donnait de la fébrilité aux barreurs en partance. Nous aussi, nous avions hâte de rejoindre notre destination. Mais, pour reprendre l’expression de Boileau, nous nous « hâtions lentement » pour permettre à notre regard de s’imprégner de la beauté des lieux et des circonstances.

Le léger contre-jour qui charmait les yeux quand on regardait en direction de la poupe, c’est-à-dire en direction du port, conférait au Zeph une apparence onirique, qui le rapprochait de l’expérience ulysséenne.

 

Le balcon posé sur la mer (32) entre Aμοργός et Λέβιθα

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À la sortie de la baie, le Zeph a viré à tribord.

L’œil du photographe, toujours orienté vers la poupe, retrouvait des conditions canoniques d’éclairage.

 

Le balcon posé sur la mer (32) entre Aμοργός et Λέβιθα

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’éclairage des cordages montrait que la lumière venait de la gauche. La falaise à l’arrière-plan était donc en lumière rasante. D’où la mise en valeur de tous les reliefs saillants. Mais l’impression d’ensemble était paisible.

Le calme qui nous environnait ajoutait à la douce musique de l’eau le charme de la paix. Et l’absence de présence parasite transformait ce sentiment de paix en sentiment de liberté.

Ce double sentiment de paix et de liberté a accompagné toute notre glisse jusqu’à Λέβιθα.

L’absence de toute contrainte rendait la préparation du déjeuner fort plaisante.

Le bon sens recommandait l’équilibre et en tenir compte n’était pas une corvée, mais un jeu :

 

Le balcon posé sur la mer (32) entre Aμοργός et Λέβιθα

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les saucisses de Μύκονος étaient accompagnées de courgettes et de champignons bien al dente. Le clin d’œil ayurvédique était assumé par le raisin blanc.

Nous sommes arrivés à Λέβιθα en tout début d’après-midi. À notre grande surprise, le mouillage était déjà plein aux trois-quarts.

Le stationnement se faisait en s’amarrant à une bouée, qui coûtait neuf euros par nuit.

Parmi les bouées encore disponibles, nous avons choisi celle qui était la plus éloignée de la terre :

 

Le balcon posé sur la mer (32) entre Aμοργός et Λέβιθα

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La photo qui a été faite au niveau de la proue, avec le collier de flotteurs destiné à localiser l’ancre, montrait une eau d’une limpidité envoûtante.

Du côté de la poupe aussi, c’était le même enchantement :

 

Le balcon posé sur la mer (32) entre Aμοργός et Λέβιθα

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Avec délice, le mousse s’est immergé, au sens figuré comme au sens propre, dans l ‘enchantement exercé par la pureté de l’onde.

Cependant, le principal intérêt de la photo précédente ne résidait pas dans l’attractivité de l’azur, si pur soit-il, mais dans l’extrémité de la rame, dont la blancheur cycladique servait de contrepoint à l’azur omniprésent.

Où allions-nous ainsi à la rame ?

La réponse à cette question se trouve aisément dans la photo suivante :

 

Le balcon posé sur la mer (32) entre Aμοργός et Λέβιθα

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Devant le museau du Zeph, légèrement à tribord de celui-ci à cause de la perspective créée par la rotation des bateaux, c’était l’Hypérion, dont nous vous avons déjà parlé dans l’article « Le balcon posé sur la mer (27) à Θηρασία », publié le lundi 17/06/2024 à 00h13.

Le nom « Hypérion » apparaissait à la poupe et sur la passerelle rangée à bâbord.

Le Zeph ne s’attendait pas à trouver l’Hypérion ici, parce que le Zeph pensait que l’Hyprérion serait déjà à Κάλυμνος (transcription : Kalymnos).

C’était donc une très belle surprise que l’Hypérion soit à Λέβιθα.

Avec une joie sincère, la Muse de l’Hypérion nous a offert le café des retrouvailles impromptues.

 

Le balcon posé sur la mer (32) entre Aμοργός et Λέβιθα

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À gauche de la photo, c’était la face inférieure de la passerelle de l’Hypérion. Et à l’arrière-plan, c’était le Zeph, reconnaissable à son éolienne tricolore et à ses lignes bleues, en dépit du flou engendré par une mise au point sur la tasse de café.

La photo contenait les prémisses d’un pacte, celui des esprits indépendants.

En effet, dans la conversation, est venue l’inévitable question : où mangerait l’un et où mangerait l’autre ce soir ?

Pour presque tous les bateaux présents ce soir-là au mouillage, ce serait à la taverne tenue par le loueur des bouées. La littérature disait que celle-ci était réputée pour son plat préparé avec la viande de chevreau.

D’une part, il existait une pression normative qui aliénait le jugement personnel.

L’instinct grégaire et la solution de facilité parachevaient cette aliénation en transformant tous les équipages, sauf deux, en moutons de Panurge, comme à l’époque de Circé.

D’autre part, le restaurateur a développé une mise en scène intelligente, insidieuse et efficace. En effet, à l’heure où les humains commençaient à avoir faim, il n’était pas incongru que les troupeaux d’ovins aient faim aussi. Et le geste de nourrir ceux-ci était donné en spectacle pour aiguiser l’appétit de ceux-là :

 

Le balcon posé sur la mer (32) entre Aμοργός et Λέβιθα

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’imagination d’humains confrontés au mirage de l’authenticité n’avait aucun mal à voir, dans la chair à nourrir, la viande qui servait de nourriture.

Face à la pensée dominante, le Zeph était l’une des deux figures de la Résistance parce que le mousse s’est octroyé la liberté d’être circonspect sur trois points.

Le premier point d’achoppement était la qualité nutritionnelle du produit. Selon les Grecs, il n’y a pas de meilleur chevreau que celui qui est commercialisé à la Pâque byzantine. Or, cette viande de chevreau est extrêmement grasse. Le mousse doutait beaucoup que le chevreau servi à la taverne du mouillage fasse moins mal au système hépatique que le chevreau de la Pâque byzantine.

Le deuxième point de discorde était la méthode de conservation, c’est-à-dire la chaîne du froid. Bien sûr, on peut toujours manger comme au temps d’Ulysse, sans se préoccuper de frigos ou de congélateurs. Mais à l’époque d’Ulysse, on mangeait la bête tout de suite après que celle-ci avait été tuée. Est-ce que la taverne tuait le chevreau juste avant de le servir à table ? Le mousse avait de très gros doutes à ce sujet. Donc la viande était conservée quelque part. Par quel moyen, parce qu’aucune ligne d’électricité n’arrivait sur l’île et qu’aucun panneau solaire n’était visible ? Et pendant combien de temps la viande était-elle conservée au cas où le débit serait faible ?

Le troisième point qui méritait réflexion était inspiré par le principe de l’accord mets/vin prôné par la gastronomie française. L’évocation de ce principe n’indique pas un comportement chauvin, mais hédoniste, puisque qu’il s’agit de la recherche de l’excellence pour chaque instant. À la taverne du mouillage, y servait-on ceci :

 

Le balcon posé sur la mer (32) entre Aμοργός et Λέβιθα

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce champagne, que l’Hypérion a ouvert pour accueillir le Zeph, avait reposé une vingtaine d’années dans les soutes. C’était l’un des trésors les plus fameux de l’Hypérion.

Pour revenir à la question juste au-dessus, la réponse était, évidemment : « Non ! »

Donc la table de l’Hypérion était, ce soir-là, la plus belle table, non seulement de la baie, mais de toute l’île qui s’appelait Λέβιθα.

Ce champagne, qui était excellent parce qu’il avait le goût de l’expérience de la mer, témoignait de la profonde empathie qu’éprouvait l’Hypérion pour le Zeph. Le Zeph était et est très reconnaissant envers l’Hypérion pour ce geste grandiose.

En observant les visages des personnes qui revenaient de la taverne, il n’était pas difficile de voir qu’aucun geste grandiose n’avait illuminé leur plat de chevreau.

Cette photo de la première apparition du champagne de l’Hypérion révélait aussi que l’Hypérion était l’autre figure de la Résistance, aux côtés du Zeph. Pour apporter un tel soutien au Zeph, l’Hypérion a fait montre d’un très grand courage. Le Zeph était, et est encore, éperdument admiratif devant ce courage de l’Hypérion.

Ce qui rendait la table de l’Hypérion exceptionnelle, ce n’était pas seulement ce qui était posé dessus, mais ce qu’elle générait autour d’elle. Verrait-on, à la taverne, des capitaines aussi heureux que ces deux-là :

 

Le balcon posé sur la mer (32) entre Aμοργός et Λέβιθα

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La réponse est encore : « Non ! »

Si le lien d’amitié s’exhibait d’une manière aussi spontanée, aussi franche, aussi libre, aussi émouvante, c’était parce que nous savourions le bonheur du « chez soi ». En l’occurrence, le « chez soi » était la demeure flottante façonnée par la personnalité de l’Hypérion.

À la taverne, chacun se focalise sur son plaisir gastrique.

À la table de l’Hypérion, on prenait le temps de se délecter de la présence de l’ami.

Regardez comment l’émotion a fait glisser le bras gauche du Capitaine sur l’épaule de son ami :

 

Le balcon posé sur la mer (32) entre Aμοργός et Λέβιθα

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Verrait-on, en taverne, des bras gauches glisser de façon aussi ostensible ?

Contemplez aussi le bonheur de la Muse de l’Hypérion : elle était heureuse de nous offrir une hospitalité désintéressée.

La taverne ne peut rien donner d’équivalent.

Voici les deux équipages réunis autour de la plus belle table de Λέβιθα, sans qu’intervienne aucune pièce sonnante et trébuchante :

 

Le balcon posé sur la mer (32) entre Aμοργός et Λέβιθα

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les verres étaient levés pour célébrer l’indépendance d’esprit.

Dans cet hymne à l’indépendance d’esprit, le Zeph avait une très grande dette vis-à-vis de l’Hypérion en raison de la profonde empathie de celui-ci.

Cette dette était aussi relative à un autre aspect du savoir-être de l’Hypérion : il s’agissait du dévouement.

Souvent le dévouement s’exprimait par le fait d’accomplir, pour le bien de tous, des tâches obscures. En voici un exemple, quand la Muse de l’Hypérion préparait notre manger, au lieu de s’asseoir à la taverne :

 

Le balcon posé sur la mer (32) entre Aμοργός et Λέβιθα

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On salit la vaisselle quand on fait à manger.

Après le repas, il faut encore laver la vaisselle puis la ranger.

À la taverne, la personne qui mange n’a pas de vaisselle à laver !

Mais, la Muse de l’Hypérion n’avait pas peur de salir sa vaisselle pour nous préparer à manger. Nous lui sommes très reconnaissants pour son dévouement. Ce soir-là, elle a cuisiné pour nous des gnocchi, qui étaient délicieusement parfumés.

 

Le balcon posé sur la mer (32) entre Aμοργός et Λέβιθα

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le balcon posé sur la mer entre Aμοργός et Λέβιθα était le balcon de l’indépendance d’esprit

Tag(s) : #2024 La GRECE, #cyclades, #dodécanèse
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