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Elle était intriguée par le vol de deux oiseaux. L’un d’eux avait le plumage sombre. L’autre avait le plumage clair. Le premier poursuivait le second. Émue, elle a offert son corps pour protéger l’oiseau pourchassé. Sans tarder, celui-ci a compris le message bienveillant et l’a honoré. Il s’en est suivi une double étreinte. Celle de la consolation, de la part de l’hôtesse des lieux, et celle de la joie, de la part de l’oiseau accueilli. Étreinte qui a fini par être fusionnelle, à cause de la volupté du toucher.

Elle était reine de Sparte et s’appelait Léda.

L’oiseau recueilli était un cygne.

La scène s’est déroulée dans la chaîne montagneuse du Ταΰγετος – ΤΑΥΓΕΤΟΣ, qui forme l’épine dorsale de la presqu’île du Μάνη – ΜΑΝΗ, dans le Péloponnèse.

 

La volupté du toucher

 

En août dernier, l’esprit du Zeph s’est rendu sur les lieux, non pour épier la rencontre amoureuse, mais pour en capter les exhalaisons odorantes.

Quels étaient les premiers gestes de Léda et du cygne ? Un câlin ? Un jeu ? Une espièglerie ?

Une mosaïque trouvée sur l’île de Chypre, dans l’aire archéologique de Paphos, montre Léda et le cygne côte à côte, mais allant dans deux directions opposées. Le contact entre l’oiseau et la jeune reine semble se faire par l’intermédiaire de la tunique.

 

La volupté du toucher

 

Dans cette représentation, il n’y a pas de contact épidermique. Le toucher se produirait par objet interposé, qui est le vêtement. Mais la volupté n’en est pas pour autant absente. Dans un premier temps, le cygne donne l’impression de tirer vers lui le pan de la robe, comme s’il voulait dévêtir un peu plus le corps féminin. Mais l’œil grand ouvert de l’oiseau n’a pas l’air de s’intéresser beaucoup à l’étoffe, il est plutôt fasciné par les rondeurs qu’elle ne recouvre plus du tout. Le cygne recourbe son long col pour mieux voir, pour voir de plus près. La jeune reine se retourne aussi, se doutant que quelque chose de grave a lieu dans son dos. L’œil féminin marque la surprise quand il découvre le manque de discrétion de l’oiseau.

Les deux protagonistes marchent dans l’eau, dont on voit les ondulations. La position des pattes de l’oiseau indique l’arrêt d’une progression, et ce freinage permet l’activation du rétroviseur.

Pourquoi la marche de Léda et celle du cygne ne vont-elles pas dans le même sens ? Sans doute parce que les deux protagonistes sont en train d’exécuter un pas de danse, et que le mosaïste en extrait l’instant où ils croisent leur chemin, d’où le freinage de l’oiseau, voulu par la chorégraphie ou provoqué par la volupté d’un dos découvert de la nuque jusqu’en haut des jambes.

Si c’est un pas de danse qui est représenté, la scène équivaut alors à une parade nuptiale, où l’extrémité de la tunique est comme un mouchoir que la jeune femme agite pour faire virevolter son soupirant.

Dans cette chorégraphie amoureuse, les regards croisés assurent un autre toucher, qui s’opère à distance mais qui ne cache nullement la volupté de part et d’autre.

Jeu de charme, pour faire monter le désir. Prélude amoureux, pour décupler l’excitation.

Dans une sculpture du Florentin Vittorio Caradossi, Léda et le cygne sont encore debout, mais les corps se rapprochent.

 

La volupté du toucher

 

Le long col de l’oiseau enlace la cuisse gauche de la jeune femme, dont le vêtement n’est plus retenu que par l’autre cuisse. Le plumage frôle la chair nue. La tête du cygne se trouve face au bassin de Léda. Le bec effleure l’avant-bras gauche, entre le poignet et le coude. L’oiseau pousse son corps contre la jambe gauche de la jeune femme. Cette pression à la base crée un léger déhanchement chez le corps féminin. Le toucher, qui a lieu à trois endroits, dénote l’insistance du cygne et fait éclore le sourire sur la bouche et dans le regard de Léda. La volupté du contact épidermique se prépare à prendre de l’ampleur.

Dans l’œuvre en terre cuite, réalisée par le sculpteur français Albert-Ernest Carrier-Belleuse et exposée au Metropolitan Museum of Art, à New York, Léda apparaît, cette fois-ci, dans une position horizontale. Le cygne se blottit contre le flanc droit de la jeune femme, qui croise ses jambes.

 

La volupté du toucher

 

Une étoffe recouvre les genoux joints et passe dans le dos. L’avant-bras gauche prend appui sur un vase qui répand son eau. L’avant-bras droit, lui, se pose au-dessus des ailes, qui coiffent les genoux. La superposition de ces trois étages aux courbures similaires traduit la protection offerte par la jeune femme, mais aussi l’avancée du corps de l’oiseau dans des espaces intérieurs appartenant au corps féminin. Le cygne semble même rétrécir son cou pour que celui-ci tienne parfaitement dans le nid improvisé entre le bras droit et le sein droit. La volupté du toucher se voit dans le « U » formé par le col pour épouser la courbure au niveau de la poitrine et au niveau du ventre, dans l’œil séducteur de l’oiseau, dans le bec heureux de se poser sur la clavicule, dans la grande tendresse qui émane du visage féminin.

Depuis quand un cygne s’intéresse-t-il autant à la nudité féminine ?

C’est que le cygne de la situation n’est pas un pur spécimen de l’ornithologie, mais un stratagème, qui exploite la fibre de l’apitoiement.

Zeus éprouvait du désir pour Léda. Craignant d’effrayer la mortelle, il a demandé le concours d’Aphrodite. La déesse de l’amour a donc conçu le stratagème où elle se transformait en aigle et Zeus en cygne. L’aigle s’est mis à poursuivre le cygne de façon que Léda voie la scène et s’émeuve. Une fois dans les bras de Léda, Zeus, dissimulé derrière la silhouette du cygne, n’a plus qu’à offrir à la jeune femme les baisers les plus voluptueux.

Le peintre parisien Gustave Moreau rappelle la complicité d’Aphrodite, qui s’est changée en aigle pour servir les intérêts du roi de l’Olympe. Sur l’une des vingt toiles que le peintre a consacrées à la rencontre entre Léda et le cygne, on voit distinctement le rapace au plumage sombre, avec son bec acéré et son œil vif.

 

La volupté du toucher

 

À côté de l’aigle, deux génies ailés élèvent la couronne et le feu sacré qui appartiennent au roi de l’Olympe.

Sur l’autre moitié du tableau, Zeus apparaît sous les traits d’un cygne amoureux et aimant, qui pose doucement sa tête sur celle de Léda.

 

La volupté du toucher

 

La volupté du toucher apparaît dans la délicatesse du geste, dans la langueur des corps qui s’abandonnent, dans les yeux mi-clos qui disent l’envoûtement de la caresse.

Dans cette intimité grandissante entre les deux corps, les derniers plis du vêtement féminin ne sont plus retenus et glissent vers le sol.

L’œuvre de Gustave Moreau est exposée au musée qui porte son nom, sur la butte Montmartre.

Avec le peintre nîmois Charles-Joseph Natoire, Léda n’a plus de vêtement. Le cygne est entre les cuisses de la jeune femme.

 

La volupté du toucher

 

La patte droite prend appui à proximité du genou gauche.

Le bras droit de Léda empêche le corps de l’oiseau de glisser vers le bas.

Le bec ouvert s’approche de la bouche qui esquisse un sourire.

Le pinceau nîmois insiste sur l’éloquence du cygne, sur la fierté du port de tête chez l’oiseau. Léda s’en amuse, en levant un index gauche recourbé.

L’Amour, qui observe l’étrange conversation, lève aussi son index gauche, qui présente la même courbure.

Le cygne est sans doute en train de vanter l’avantage de sa position. Le toucher voluptueux n’exclut pas l’humour et donne lieu à des attitudes enjouées.

La toile du peintre nîmois est exposée au Musée des Beaux-Arts de Troyes.

Un tableau, réalisé par le graveur flamand Cornelis Bos d’après les travaux de Michel-Ange, montre que la volupté du toucher est une chose extrêmement sérieuse. La gravure flamande fait partie des collections du British Museum, à Londres.

 

La volupté du toucher

 

Les deux corps sont entrelacés. Le ventre de l’oiseau se trouve entre les deux cuisses de la jeune femme. Le col du cygne passe sous l’arche formée par la cuisse gauche et le bras droit de Léda pour que la tête de l’oiseau puisse se glisser entre les deux seins.

Dans cette étreinte fougueuse, la volupté du toucher est intense, surtout aux deux zones érogènes universellement reconnues. Les plumes de l’arrière cachent le sexe de la jeune femme, mais les nervures de la patte visible en disent long sur la conquête de l’intimité. L’extase est aussi manifeste dans la partie supérieure du corps, dans le contact entre la bouche et le bec.

Rubens s’est inspiré de Michel-Ange pour peindre à son tour sa Léda et le cygne.

 

La volupté du toucher

 

L’œuvre de Rubens, caractérisée par davantage de douceur, de souplesse et de féminité, est exposée au Museum of Fine Arts, à Houston.

Avec Léonard de Vinci, Léda n’a pas non plus de vêtement. Le cygne joue avec les cheveux de la jeune femme.

 

La volupté du toucher

 

Léda pose le genou droit à terre et incline l’épaule gauche pour se mettre à la hauteur du cygne. Le bec de l’oiseau peut alors s’occuper joyeusement des cheveux qui sont derrière l’oreille gauche de la jeune femme.

Le toucher paraît aléatoire. Il n’est pas innocent, mais affectueux et enjoué.

Le lien ne réside pas dans quelques boucles de cheveux courtisées. Il est beaucoup profond que cela. Il s’exprime d’abord dans la complémentarité des deux profils. La hanche gauche de Léda frôle le poitrail du cygne. À cet endroit, les deux masses corporelles présentent la même convexité, dont l’opulence évoque la volupté du toucher. En remontant le corps sinueux du cygne vers le haut, on constate que le col développe un creux qui fait écho au pli formé par le genou gauche de la jeune femme. Les orteils du pied gauche servent d’appui au sol, au milieu des touffes d’herbe, tandis que le talon du même côté est levé. Cette position n’indique-t-elle pas que Léda est en train de battre la mesure tout en se déhanchant ? Et le cygne danse au même rythme, en déportant son corps vers l’aile gauche, pour produire le même déhanchement !

La main droite de Léda indique la cause de cette joie dansante. Les doigts montrent quatre enfants qui viennent de naître. Deux d’entre eux sont en train de se dégager de leurs coquilles respectives. Ce sont des coquilles d’œuf. De l’une, sont sortis Hélène et Pollux. De l’autre, sont sortis Clytemnestre et Castor.

Cette œuvre de Léonard de Vinci est un dessin réalisé sur du papier, en utilisant la technique du stylo, de l’encre et du lavis à la pierre noire. Le tableau fait partie de la collection Devonshire, qui est gérée par la maison Chatsworth.

Ce n’est pas par hasard que l’Antiquité a placé la rencontre de Léda et du cygne dans la chaîne montagneuse du Ταΰγετος – ΤΑΥΓΕΤΟΣ. Le site est empli à la fois de majesté et de sensualité. Nous l’avons découvert pendant les jours fastes où le Zeph était amarré dans le port de Πύλος – ΠΥΛΟΣ.

 

La volupté du toucher

 

Une mobilité accrue dans l’arrière-pays a permis de découvrir les splendeurs géologiques qui servent de cadres aux récits fondateurs du savoir grec et de la conscience européenne.

De manière palpable, le Ταΰγετος – ΤΑΥΓΕΤΟΣ est encore imprégné de la volupté du toucher entre Léda et le cygne.

 

La volupté du toucher

 

C’est sans doute cette volupté qui confère tant de charme au lieu, à tel point que le capitaine avait le désir de s’y rendre tous les jours.

La volupté du toucher est aussi une quête de la part de l’Olympe.

L’immortalité a besoin de variation, d’émotion et de frisson pour subsister.

Le désir est le seul véritable lien entre l’Olympe et les mortels.

 

La volupté du toucher

 

Quand il y a union entre un Olympien et un mortel, c’est toujours à la demande de l’Olympien, et jamais le contraire.

 

La volupté du toucher

 

L’Antiquité grecque a créé des Immortels pour les faire dépendre des mortels.

 

La volupté du toucher

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